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Un nouveau phénomène se répand en Espagne depuis la pandémie : les locataires inexpulsables

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Durée de lecture: 23 Min.

L’ « inquiokupación » est un phénomène singulier particulièrement répandu en Espagne en comparaison avec d’autres pays en Europe, qui est apparu pendant la pandémie – Des procédures interminables transforment des propriétaires en victimes démunies.
Alors que dans d’autres pays européens les occupants illégaux de logements sont expulsés en 24 heures, en Espagne la loi entrée en vigueur cette année — présentée comme une solution définitive — ne résout pas en pratique le problème des « inquiokupas » : des locataires qui cessent de payer leur loyer et en invoquant des motifs sociaux, ne sont pas expulsés.
Ricardo Bravo, de la Plataforma de Afectados por la Ocupación (Plateforme des personnes victimes d’occupation de leur logement), a expliqué à Epoch Times Espagne quand ce problème a commencé et la situation actuelle de propriétaires comme Rosa et Jesús, qui ont épargné pendant des décennies pour acquérir un logement avant la retraite et voient aujourd’hui leurs rêves s’effondrer.
Rosa et Jesús font partie des dizaines de milliers de familles potentiellement touchées par ce problème, apparu pendant la pandémie. Afin de se rendre à Madrid pour un traitement médical, ils ont loué leur logement à Alicante pour six mois. Leur cas est emblématique, mais pas unique. Ils se sont retrouvés pris dans ce conflit parce qu’ils ignoraient, au moment de signer le contrat, que leur locataire avait des antécédents défavorables. Ils n’auraient jamais imaginé devoir engager des démarches ou des actions en justice pour tenter de récupérer leur maison. Au milieu de ce stress, Jesús a subi un infarctus, a précisé Ricardo Bravo. Quant à Rosa, qui a souhaité partager son expérience, elle a expliqué qu’elle est actuellement entourée de personnel médical.
« Nous avons 72 et 76 ans. Il y a quatre ans nous avons acheté une petite maison à Dénia, Alicante, avec les économies de toute notre vie. Nous l’avons louée pour six mois à une personne qui […] est depuis huit mois dans la maison sans rien payer et refuse de partir. Je suis venue à Madrid pour mes contrôles du cancer et c’est pour cela que je l’ai louée. Je dois offrir ma maison à cette personne qui refuse de partir. Soixante‑dix ans pour avoir la maison de ma vie et maintenant je dois me contenter qu’elle reste… », explique Rosa.
« Nous payons toutes les dépenses de ces gens. Toutes. Elle n’a payé que novembre et décembre ; donc, depuis janvier, nous payons tout. Cela fait déjà neuf mois », a‑t‑elle raconté à Epoch Times, ajoutant qu’un procès aura lieu le 25 septembre. « Nous espérons qu’il se résolve au plus vite car la situation est insoutenable. »
Les informations supplémentaires qu’ils ont obtenues sur l’occupante indiquent qu’elle « aurait ‘détruit des vies depuis l’âge de 20 ans, est toxicomane et vole’. Les services sociaux lui ont même retiré son bébé à cause du danger pour l’enfant », a ajouté Rosa.
L’Espagne connaît aujourd’hui le « plus grand problème d’occupation » d’Europe, a souligné M. Bravo, précisant que le phénomène de l’ « inquiokupación » est distinct de celui des dits « okupas » (squatteurs) et « touche principalement les zones où existe des tensions sur le marché locatif, c’est‑à‑dire les grandes villes et les centres urbains. Ce que nous constatons, c’est que l’effet est plus marqué dans les quartiers les plus modestes, c’est‑à‑dire dans la périphérie des grandes villes. »
On estime à environ 80.000 le nombre de personnes touchées, et ce chiffre ne cesse d’augmenter
M. Bravo a estimé, après analyse des données gouvernementales faisant état de 16.426 plaintes pour occupation en 2024, que près de 80.000 personnes sont concernées par les problématiques d’occupation et d’« inquiokupación », précisant que ces 16.426 dossiers correspondent principalement à des occupations relevant d’infractions pénales d’allanamiento (effraction de domicile) et d’usurpación (usurpation).
Des sources du ministère de l’Intérieur indiquent en outre que les occupations de logements ont augmenté de « 7,4 % en 2024 » dans l’ensemble de l’Espagne. La Catalogne reste en tête avec « 7009 cas », soit « 42 % du total ». Viennent ensuite les communautés d’Andalousie, de Valence et de Madrid, avec entre 1400 et 2500 cas.
Parmi les provinces ayant un nombre notable de plaintes figurent Ávila (156), Lugo (94), Palencia (63), Gipuzkoa (60), Salamanque (60), Álava (56) et Ceuta (856).

Roberto Bravo, porte-parole de la Plateforme des personnes victimes d’occupation (Crédit photo Plataforma de Afectados por la Ocupación)

« Nous l’analysions et nous en tirons une interprétation totalement différente », dit Bravo en soulignant que l’inquiokupación est bien supérieure.
« Le premier point que nous relevons est que ces données s’appliquent seulement à un exercice. « Nous savons tous qu’il faut de 2 à 5 ans pour récupérer un bien immobilier » et, par conséquent, il faudrait constituer un historique non seulement pour cette année, mais aussi pour les précédentes. Par conséquent, la quantité de cas (actuels) augmenterait. Ensuite, si l’on considère que 30 % des personnes qui nous appellent décident de ne pas porter plainte », il faut ajouter ce 30 % au total historique que je viens d’évoquer. »
« De plus, aucun cas d’occupation illégale par des locataires (inquiokupación) n’est enregistré dans ces plaintes qui sont en général de nature pénale, effractions et usurpations. Resteraient donc tous les litiges civils », ajoute‑t‑il.
« Parmi les appels que nous recevons 20 % concernent des squatteurs, tandis que 80 % concernent ces occupations illégales. Cela signifie qu’avec le total que nous venons de calculer, nous pouvons multiplier par quatre les données réelles sur l’occupation abusive en Espagne.
« Enfin, nous prenons aussi en compte les voisins qui « cohabitent » avec les mafias de squatteurs. C’est‑à‑dire des personnes affectées indirectement, dont le logement n’est pas occupé, mais qui vivent avec des mafias d’occupants dans leur immeuble — et cela augmenterait de plusieurs dizaines de milliers le nombre de personnes touchées par l’occupation abusive, en prenant en compte celles qui le sont indirectement par ces mafias. »
La peur de louer
En conséquence, « il y a des logements qui ne sont pas mis sur le marché par peur et par insécurité juridique ».
« Un propriétaire ne veut pas mettre son bien en location s’il n’a pas la garantie de pouvoir expulser les squatteurs ou les inquiokupas dans un délai raisonnable. »
« Comme ces délais sont problématiques et que l’on voit constamment dans les médias que récupérer un bien prend beaucoup de temps, certaines personnes préfèrent ne pas louer leur logement, le conserver jusqu’à une modification législative et éviter de se trouver confrontées à une occupation illégale des biens par des locataires. »
Un coût pour tous les citoyens
La Plateforme donne l’exemple d’une personne qui, après avoir occupé un logement, s’est déclarée vulnérable et s’est vu attribuer par l’État 632 euros d’aide plus 680 euros pour le loyer, soit 1312 euros.
« Il s’agit d’un cas concret. Cette personne perçoit des aides sociales, mais aucune n’est destinée au paiement de son logement. En d’autres termes, non seulement elle ne paie pas, mais en plus, nous la maintenons tous, nous les Espagnols, avec nos impôts ».
« C’est un cas concret parmi ceux qui nous ont été signalés. Cette personne perçoit des aides des services sociaux mais aucune destinée au paiement de son logement loué. Autrement dit, non seulement elle ne paie pas, mais nous la payons tous avec nos impôts », souligne la Plateforme.
À titre de comparaison, elle rappelle qu’il y a « des travailleurs essentiels » qui touchent 1253 euros », comme le salaire d’un sapeur‑pompier forestier.
La plateforme souligne que l’absence de solutions définitives a détruit la vie de millions d’Espagnols, qui ont subi une violation systématique et chronique de leurs droits fondamentaux, « en raison d’une législation excessivement permissive envers le délit d’occupation illégale » et qu’à l’heure actuelle, les réglementations nationales, régionales et locales « encouragent même la commission de ce délit, en récompensant ses auteurs et en punissant ses victimes ».
Comment le problème a commencé
La Plateforme des personnes victimes d’occupation (Plataforma de Afectados por la Ocupación) a commencé à aborder la question de cette « inquiokupación » en 2020, lorsque le décret anti‑expulsions a été adopté pendant la pandémie de Covid‑19.
« C’est une mesure prise par le gouvernement que nous pensons motivée au départ par la bonne intention d’aider les personnes qui, en raison de la crise provoquée par le Covid, pouvaient être menacées d’expulsion, mais nous avons commencé à percevoir que les responsabilités d’assister ces familles retombaient sur des tiers, en l’occurrence les petits propriétaires. »
« Pour situer un chiffre, 93 % des bailleurs en Espagne possèdent un seul logement. Dès lors, si on leur supprime le loyer […] avec un décret destiné à cela, au final cela constitue un préjudice pour ces familles. »
« Depuis la présentation du projet de loi sur le logement, nous avons constaté une certaine discrimination à notre égard et avons tenté de les contacter. À ce jour, et malgré le fait que depuis octobre 2021 nous avons écrit chaque mois au ministère du Logement — à l’ancienne et à l’actuelle ministre — et au ministère de la Justice — de même, à l’ancien et à l’actuel ministre —, ils ne se sont toujours pas donné la peine de nous rencontrer ni de répondre à aucune de nos demandes envoyées par courrier électronique. »
« Notre intention en sollicitant des réunions avec les différents ministres était d’exposer la situation de l’inquiokupación, et d’expliquer qu’elle découle de ce Décret Royal du 11/2020 du 31 mars, qui a été prorogé 11 fois. La dernière prorogation, actuellement en vigueur, est le 1/2025 du 28 janvier. »
« Ce Real Decreto a pour effet de suspendre tout type d’expulsion d’une famille considérée comme vulnérable. Il est vrai que dans ce décret il est indiqué que ce seront les administrations publiques qui devront mettre à disposition les ressources nécessaires pour que ces familles vulnérables accèdent à un logement décent, mais aucune des administrations ne se charge d’appliquer cette obligation. Elles dévient donc les responsabilités d’assistance vers des tiers. »
« L’inquiokupación est née avec ce Real Decreto et nous avons vu comment elle a crû de façon exponentielle car il n’y avait aucune conséquence juridique pour ceux qui cessaient de payer et se déclaraient vulnérables, tandis que toutes les responsabilités retombaient sur un tiers, en l’occurrence des propriétaires entravés par les prorogations successives qui prolongeaient la norme. »
La Plateforme des personnes victimes d’occupation a publié une définition et une approche spécifiques de la dite « inquiokupación », ainsi qu’un guide de cinquante‑six mesures — comprenant des actions policières, des prestations des services sociaux, l’inscription au registre municipal, des aides aux victimes et le traitement de la taxe foncière —, comme le présente son portail.
L’objectif est de faire reconnaître les victimes du délit d’occupation d’un bien par des locataires en défaillance de paiement qui « demeurent pendant des années protégés par la lenteur de la Justice, le RD 11/20 et l’abandon de services sociaux qui ne proposent pas d’alternative en termes de logement ».
« Il existe des cas de personnes faussement vulnérables qui utilisent la réglementation actuelle pour servir leurs intérêts : il y a des personnes vulnérables avec de belles voitures, des téléphones haut de gamme ou des dépenses dans des lieux de loisirs. Pendant ce temps, les cas de petits propriétaires devenus vulnérables augmentent, mais ils ne sont pas protégés par la législation parce qu’ils sont propriétaires. »

(Crédit photo Plataforma de Afectados por la Ocupación)

Solutions et recours, mais l’attente est longue
« En ce qui concerne les recours possibles pour les familles affectées, nous recommandons toujours de procéder par la voie légale, c’est‑à‑dire de déposer une plainte. »
Mais « il est vrai qu’en raison de l’inaction du gouvernement pour prendre des mesures et résoudre ce problème, les récupérations de possession sont retardées. »
« Par conséquent, les gens cherchent des formules rapides car cela leur cause un grave préjudice économique. »
« Ils recourent à des solutions à l’amiable, parmi lesquelles nous en identifions deux. L’une est la médiation, qui peut être assurée par un cabinet d’avocats, ou le recours à une entreprise de désoccupation, qui dans la plupart des cas utilise également la médiation, soit pour négocier l’effacement de la dette, soit pour que le propriétaire verse une somme d’argent pour pouvoir libérer le logement. »
« Ce n’est rien d’autre que du chantage. »
Recherche d’une solution à Bruxelles
En janvier 2024, deux porte‑parole de la Plataforma de Afectados por la Ocupación se sont rendus à Bruxelles et, en mars, une audience spécifique sur l’occupation illégale a été organisée, à laquelle la plateforme a participé comme intervenant.
« Nous avons exposé la situation de l’inquiokupación en Espagne et nous nous sommes essentiellement concentrés sur les conséquences qu’elle entraîne pour des tiers, c’est‑à‑dire pour les personnes subissant un préjudice », a déclaré Bravo.
« La situation était quelque peu surréaliste car, effectivement, l’occupation existe dans d’autres pays européens, mais il faut dire qu’ils disposent d’outils qui fonctionnent parfaitement durant les premières heures d’occupation et, par conséquent, le problème disparaît. En Espagne, nous ne disposons pas de ces outils. Il était frappant de constater que nous étions le seul pays dans lequel existait ce phénomène d’inquiokupación, qui résulte de ce Décret Royal de pandémie qui restera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025. Autrement dit, il fonctionnera près de six ans alors qu’il était initialement destiné à une situation de crise provoquée par le Covid. »
Gestion du gouvernement : « rien n’a été résolu » sur le plan juridique
En 2023, le gouvernement a adopté la loi sur le logement et, en janvier de cette année, la « loi organique 1/2025 », qui a intégré les délits d’effraction et d’usurpation dans la procédure de jugement rapide prévue à l’article 795 du code de procédure pénale. Cette loi visait à établir que, si le procès ne pouvait être conclu à la date fixée, il devait se poursuivre dans un délai maximum de quinze jours. Cependant, en avril, l’obligation de rechercher un accord avant d’engager une procédure civile ou commerciale est entrée en vigueur. Cette négociation n’a pas trouvé de voie rapide en raison des tactiques sophistiquées consistant à présenter de faux contrats et de la saturation des tribunaux.
En outre, cela ne concerne que les cas d’usurpation et de violation de domicile, et non les squats d’inquiokupación.
« L’adoption de la loi sur l’efficacité de l’administration de la justice, la loi 1/2025, qui comprenait à l’origine un amendement présenté par le Parti nationaliste basque visant à accélérer les procès dans les affaires d’occupation, a été mal interprétée par de nombreux médias. Cette mesure ne concerne en aucun cas les cas d’inquiokupación ».
« Il faut considérer qu’absolument rien n’a été résolu ; on n’a strictement rien légiféré sur ce sujet, alors qu’il nous accable depuis 2020. »
Cette mesure concerne plus précisément les cas d’effraction et d’usurpation, et le ministère public a récemment publié un rapport qui limite à des cas très spécifiques la possibilité d’appliquer ces procédures accélérées aux cas d’effraction et d’usurpation.
Alors que le problème des faux contrats concerne les occupants qui squattent une chambre, dans le cas de l’inquiokupación, tous commencent avec un contrat légal, mais on constate que « les documents qu’ils présentent dans de nombreux cas pour prétendre qu’ils ont les moyens de payer le loyer sont faux ».
« Il existe des sites internet qui, moyennant rémunération, se chargent de fournir toute la documentation pour obtenir la location et ensuite cesser de payer, profiter de ce Real Decreto et générer une nouvelle inquiokupación. »

Roberto Bravo, porte-parole de la Plateforme des personnes victimes d’occupation (Crédit photo Plataforma de Afectados por la Ocupación)

Les 56 mesures
Le document « Mairies : 56 mesures » de la Plateforme des personnes touchées par l’occupation rassemble des propositions pratiques permettant aux municipalités d’améliorer leur action face aux squatteurs et à l’occupation illégale par des locataires.
Il met en avant des protocoles clairs et une coordination municipale pour la police et les services municipaux, le renforcement des services sociaux avec des procédures plus souples, et des actions de prévention et de cohabitation dans les quartiers touchés. Parallèlement, elle promeut des mesures pour que les fournitures (électricité, eau, télécommunications) ne pèsent pas sur les victimes lorsqu’il y a des squatteurs ou occupation illégale, et effectue des campagnes et des propositions destinées aux entreprises et aux administrations pour qu’elles adaptent leurs processus.
La page officielle explique qu’il s’agit d’une lettre prête à être enregistrée et débattue en conseil municipal, avec des instructions pour la présenter en personne ou par voie électronique. L’objectif est de fournir aux municipalités un paquet de mesures « clé en main » du point de vue des victimes.
Outre la lettre contenant 56 mesures, la plateforme centralise guides et téléchargements (dont la lettre elle‑même) pour faciliter à tout citoyen de les porter à son conseil municipal et d’en laisser trace au registre.
Journaliste et rédactrice. Elle a étudié trois ans et demi en médecine à l'Université du Chili, en plus de faire de la musique au conservatoire Rosita Renard et au piano à la Suzuki Method School. Après avoir participé à un cours d'écriture créative en Italie, elle a étudié et pratiqué le journalisme à Epoch Times.

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