Lundi 3 novembre, à Berlin, le vice-président exécutif de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, et la ministre fédérale de l’Économie, Katherina Reiche, ont ouvert la 8e conférence des « amis de l’industrie » (Friends of Industry).
À cette occasion, les ministres de l’Industrie de 17 États membres de l’UE ont signé une déclaration commune visant à renforcer l’industrie européenne.
Parmi les pays signataires figuraient notamment l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et l’Autriche.
La surréglementation et les prix de l’énergie, freins à l’industrie
Au début de la conférence, M. Séjourné a annoncé que la Commission accordait actuellement la « plus haute priorité » à la stratégie industrielle. Une « série d’initiatives uniques » a été lancée. Celles-ci visent à garantir que « l’industrie européenne soit compétitive à l’échelle mondiale et puisse à nouveau prospérer ».
Ces initiatives vont du « Clean Industrial Deal » à des plans d’action pour de nombreux secteurs. Il faut désormais « accélérer l’adoption et obtenir des résultats sur le terrain ».
L’Europe à un « tournant critique »
La déclaration indique que l’Europe se trouve à un « tournant critique ». Les prix élevés de l’énergie, la surréglementation et la pression concurrentielle mondiale menacent de saper sa base industrielle. Afin de lutter contre cette situation, les signataires ont élaboré un plan d’action en cinq points.
Ce document s’inspire principalement du bilan critique présenté en septembre 2024 par l’ancien président de la BCE, Mario Draghi. Dans son rapport sur la compétitivité de l’UE, il dressait un bilan accablant et demandait, entre autres, une augmentation de la dette commune et la fin des droits de veto.
Les normes européennes doivent être débarrassées de tout ce qui est superflu
L’une des principales suggestions visant à empêcher que l’industrie européenne ne soit encore plus distancée est, dans le document actuel, la réduction de la bureaucratie et l’« arrêt de la réglementation ». Les ministres des 17 pays qui adhèrent au programme des « amis de l’industrie » réclament un « nouvel esprit législatif de retenue ».
Il ne doit plus y avoir de monstres bureaucratiques ni de surréglementation de la part de Bruxelles.
À l’aide de « reality checks », littéralement, « vérifications de la réalité » en français, toutes les lois européennes doivent être examinées afin d’éliminer tout ce qui est superflu et disproportionné. Sous la devise « Think small first » — penser petit en premier lieu –, l’objectif est de réduire le nombre de réglementations.
Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises qui devraient en bénéficier. L’UE devrait « faciliter plutôt que surréglementer ».
Il est certes judicieux que Bruxelles fixe des conditions-cadres. Cependant, les prescriptions détaillées devraient appartenir au passé.
Loi sur l’IA et industrie revitalisée dans le respect du climat
La loi sur l’IA (AI Act) doit être mise en œuvre de manière « pratique » et l’industrie doit être stimulée de manière « respectueuse du climat ».
La question de l’IA est également une préoccupation majeure pour les auteurs de la déclaration commune. Afin de ne plus être distancés par les États-Unis et la Chine, l’AI Act doit être mis en œuvre de manière « pratique » et offrir une sécurité juridique aux entreprises. Afin d’atteindre la « souveraineté numérique et technologique de l’Europe », l’infrastructure européenne de cloud computing et de calcul doit être développée. Des investissements massifs dans les ordinateurs quantiques et les supercalculateurs devraient suivre.
Le troisième point abordé dans la déclaration est la création de « marchés leaders pour les produits respectueux du climat ».
La promotion ciblée de la demande publique et privée en matières premières à faible teneur en CO₂ pour l’acier, le ciment et les produits chimiques devrait permettre une « orientation de la politique industrielle ».
Les ministres déclarent leur soutien à l’introduction d’un système uniforme de comptabilisation du CO₂ à l’échelle de l’UE et d’un label volontaire « empreinte carbone ». En outre, le recours aux marchés publics dans le sens d’une « passation de marchés publics écologiques » doit créer un levier pour stimuler le marché. Cela suppose bien sûr que le marché développe le même intérêt que les responsables politiques pour la réalisation d’objectifs écologiques aussi ambitieux que possible.
Le principe de l’espoir : la recherche militaire doit également promouvoir l’innovation civile
On souhaite parvenir à une plus grande indépendance de l’Europe en matière de matières premières critiques grâce au recyclage, à de nouvelles sources d’approvisionnement et à la « diplomatie des achats ». L’industrie de l’armement est également considérée comme un moteur potentiel d’innovation. On espère notamment que cela se concrétisera dans le domaine des biens dits « à double usage ».
La recherche sur les projets militaires doit ainsi profiter davantage aux industries civiles. Au fond, on espère que l’Europe pourra ainsi rattraper son retard dans des domaines tels que les puces électroniques, l’intelligence artificielle, l’aérospatiale et la biotechnologie. Cela devrait également contribuer à la résilience et à l’autonomie technologique.
Enfin, les États participants soutiennent le Fonds européen pour la compétitivité (FEC), instrument de financement essentiel. Ce fonds vise à renforcer les jeunes entreprises et les entreprises en phase de croissance en leur facilitant l’accès aux capitaux. Il a également pour objectif de contribuer à la stabilisation de secteurs en difficulté tels que l’automobile, la chimie, la sidérurgie et la construction mécanique.
La répartition des fonds devrait impliquer une plus grande participation des États membres et, par conséquent, limiter les actions unilatérales de la Commission européenne. Par ailleurs, le document souligne une fois de plus l’importance de prix de l’énergie compétitifs à l’échelle de l’UE.