Tout semble aujourd’hui se liguer contre les agriculteurs américains. Les droits de douane, la dégradation des sols, le prix des terres, la faible diversité des cultures, la hausse du coût des intrants, les tracteurs onéreux, le manque de pâturages, la diminution des cheptels et des prix agricoles stagnants depuis des décennies : à bien des égards, le système paraît vouloir la disparition des petites et moyennes exploitations.
Pour préserver l’Amérique rurale, il faut pourtant regarder la réalité en face. Les agriculteurs n’emploient pas de travailleurs sans papiers pour réduire leurs coûts, mais parce qu’ils n’ont pas le choix. Il n’y a plus d’Américains prêts à effectuer ces tâches. Et si certains dénoncent une main-d’œuvre étrangère “à bas prix”, la vérité est que 85% des exploitants — moi comprise — doivent exercer un second emploi hors de la ferme pour survivre. Nous perdons de l’argent en produisant la nourriture du pays.
Conservatrice, agricultrice, entrepreneure dans l’hôtellerie, épouse d’un homme né au Mexique et mère d’accueil d’un mineur ayant traversé seul la frontière, je vois cette question sous plusieurs angles. Mes positions ne s’éloignent pas du conservatisme par idéologie, mais par expérience vécue.
Je crois en une frontière sûre, à cent pour cent. Mais il est impossible de la sécuriser sans une voie légale et fonctionnelle pour le travail. Tant qu’il y aura, aux États-Unis, des emplois que personne ne veut occuper, des hommes et des femmes continueront de traverser la frontière. Ce n’est pas une question de politique, mais de réalité.
Un système qui punit ceux qui respectent la loi
Le programme actuel de visa H-2A, destiné aux travailleurs agricoles saisonniers, autorise un séjour maximum de dix mois. En pratique, les délais administratifs le réduisent souvent à sept ou huit mois, laissant les exploitations sans main-d’œuvre légale pendant le reste de l’année.
Dans mon cas, cela va du 15 novembre au 15 février. Pendant ces trois mois, je n’ai plus personne pour m’aider. Mais la ferme, elle, ne s’arrête pas : les vaches doivent être traites, les bovins déplacés, les serres semées et récoltées. Rien ne s’interrompt — sauf notre capacité à faire autre chose que travailler seize heures par jour. Mon mari et moi assurons tout seuls, tout en gérant un restaurant et nos emplois “hors ferme”.
Suivre la loi ne devrait pas signifier être puni par l’épuisement ou la perte financière. Pourtant, c’est le sort de milliers d’agriculteurs familiaux à travers le pays.
Un permis de travail sur dix ans pour stabiliser le secteur
La solution, selon moi, passe par un programme de permis de travail de dix ans pour les travailleurs peu qualifiés dans les secteurs clés : agriculture, hôtellerie et construction. Les conditions seraient strictes : casier judiciaire vierge, emploi vérifié pour toute la durée du séjour, contrôle annuel, paiement intégral des impôts et petite contribution à la Sécurité sociale. Ces travailleurs participent eux aussi à la prospérité du pays, ils méritent d’y être intégrés légalement.
Un tel permis pourrait coûter 10.000 dollars américain, générant ainsi d’importantes recettes pour le gouvernement. Cet argent irait à l’État plutôt qu’aux cartels, qui profitent actuellement de notre système défaillant. Car la pénurie de main-d’œuvre finance les réseaux criminels à hauteur de milliards de dollars par an. En ouvrant une voie légale pour les travailleurs, on priverait les cartels de ces revenus tout en sécurisant la frontière et en stabilisant notre système alimentaire.
Le coût de l’inaction
Les États-Unis ont perdu plus de 170.000 fermes au cours des huit dernières années. Expulser les rares travailleurs qui restent dans les exploitations ne renforce pas le pays, cela l’affaiblit. C’est saper notre sécurité alimentaire, lorsque ceux qui cultivent, récoltent, trairent nos vaches ou transforment notre viande sont précisément ceux que l’on renvoie.
Expulser avant de réformer le système de visas ne fera qu’alimenter la crise : hausse des prix, faillites agricoles et exode des familles rurales. Une politique véritablement “pro-agriculteur” devrait cibler les criminels, les trafiquants et les passeurs — pas les ouvriers qui rendent notre alimentation possible.
Une vision nord-américaine
Cette réforme doit aussi intégrer le Mexique en priorité. La stabilité économique de notre voisin influence directement la nôtre. Un Mexique prospère, c’est moins de désespoir, moins de trafic, et davantage de sécurité des deux côtés de la frontière.
La pénurie de main-d’œuvre rurale, la montée des addictions chez les jeunes Américains et le chaos migratoire ne sont pas des crises distinctes : elles forment un seul et même problème. Lutter contre la drogue et la criminalité, oui — mais aussi bâtir un système qui permette à ceux qui veulent travailler honnêtement de le faire légalement.
Redonner un avenir aux campagnes américaines
Ce débat ne porte ni sur la nationalité ni sur la politique, mais sur la survie économique et la sécurité nationale. Les agriculteurs ont besoin de main-d’œuvre, tout comme les restaurateurs, les hôteliers et les entrepreneurs du bâtiment. Sans elle, l’Amérique perd sa colonne vertébrale.
Il est temps de sécuriser notre frontière, de sécuriser notre travail et de protéger nos agriculteurs. L’avenir de notre alimentation, de nos familles et de notre pays en dépend.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.