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L’économie de guerre russe : comment elle a survécu - et ce qui l’attend

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Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine arrivent pour donner une conférence de presse commune après avoir participé à un sommet américano-russe sur l'Ukraine à la base militaire Elmendorf-Richardson à Anchorage, en Alaska, le 15 août 2025.

Photo: DREW ANGERER/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

Le président Donald Trump a récemment affirmé que l’« économie russe est absolument catastrophique en ce moment », après avoir décrit Moscou comme un « tigre de papier ».
Trump veut accentuer la pression en asphyxiant la vente du pétrole russe à des pays comme la Chine et l’Inde.
Jusqu’à présent, l’économie russe avait résisté aux premières sanctions imposées par l’Occident. Mais les chiffres les plus récents indiquent que l’économie commencerait à vaciller et que son moteur pétrolier devient vulnérable.
Aux côtés du président turc Recep Tayyip Erdogan à la Maison-Blanche le 25 septembre, Trump a déclaré à la presse qu’il était temps de renforcer la pression économique sur la Russie.
« L’économie [russe] est absolument catastrophique en ce moment, a déclaré Trump. Et je trouve honteux ce qu’ils font, tuer tant de personnes inutilement, 7818 personnes ont été tuées la semaine dernière, principalement des militaires. »
Dans une publication sur Truth Social le 24 septembre, le président a qualifié l’armée russe de « tigre de papier », une expression décrivant ce qui paraît redoutable mais s’effondre face à l’adversité. Il a ajouté que le président russe Vladimir Poutine et son pays « traversent de grandes difficultés économiques ».
Le Kremlin a balayé la remarque sur le « tigre de papier ».
« Après tout, la Russie est davantage comparée à un ours. Il n’existe pas d’ours en papier, et la Russie est un véritable ours », a réagi Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, dans une interview donnée à RBC.

La fin de l’or noir

« Nous sommes désormais dans une course entre la durée de la résistance de l’armée ukrainienne et celle de l’économie russe », a déclaré le secrétaire au Trésor Scott Bessent lors de l’émission Meet the Press de NBC plus tôt ce mois-ci.
Au cours des dernières années, la planche de salut de l’économie russe a été l’énergie.
Les exportations énergétiques ont constitué la pierre angulaire des finances publiques russes, générant plus de 1000 milliards de dollars depuis le début de la guerre en Ukraine, selon le département de recherche de Statista.
Cette année, Moscou prévoit que les exportations d’énergie représenteront environ un tiers des recettes, soit plus de 200 milliards de dollars.
La conjugaison des sanctions occidentales et de la baisse des prix mondiaux de l’énergie — le baril de Brent a chuté d’environ 7 % cette année, pour s’établir à 69 dollars — a percé de larges trous dans le budget du Kremlin. Le déficit fédéral s’élevait à 60 milliards de dollars sur les sept premiers mois de l’année 2025.
Pour consolider la situation budgétaire, les autorités ont évoqué différentes mesures, dont des coupes dans les dépenses et des hausses d’impôts. Plus particulièrement, le ministère des Finances russe a proposé le 24 septembre une augmentation de la TVA de 2 %, la portant à 22 % dès l’année prochaine. Cette mesure pourrait générer 15,5 milliards de dollars de recettes supplémentaires.
Le ministère a précisé que ces fonds additionnels seraient consacrés à la campagne en Ukraine.
Si Trump n’a pas interdit la vente de pétrole brut, il a enjoint les pays de l’OTAN à cesser l’achat de produits pétroliers russes.
« Comme vous le savez, l’engagement de l’OTAN pour la victoire est loin d’être total, et l’achat de pétrole russe par certains est tout simplement scandaleux ! Votre position et votre pouvoir de négociation face à la Russie s’en trouvent considérablement affaiblis », a écrit le président américain sur Truth Social le 13 septembre.
« Quoi qu’il en soit, je suis prêt à agir dès que vous l’êtes. Il suffit de dire quand. Je pense que cela, ajouté à la décision de l’OTAN d’infliger collectivement des droits de douane de 50 à 100 % sur la Chine, qui seraient supprimés une fois la guerre entre la Russie et l’Ukraine terminée, contribuerait aussi à mettre un terme à cette guerre meurtrière et absurde. »
En plus de la Chine et de l’Inde, l’Union européenne compte parmi les plus grands clients du gaz naturel liquéfié (GNL) et du gazoduc russes.
Les données statistiques compilées par le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur montrent que l’Union européenne représente environ la moitié des recettes d’exportation du GNL russe. Les 27 États membres se procurent également 35 % du gaz acheminé par gazoduc depuis la Russie, soit plus que la Chine (30 %) et la Turquie (28 %).
Malgré les efforts internationaux pour réduire la dépendance européenne à l’égard de l’énergie russe, la zone euro demeure un client majeur, même plusieurs années après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
En août, au sein de l’UE, la Hongrie a été le premier importateur d’énergies fossiles russes, achetant pour 416 millions d’euros (490 millions de dollars) de pétrole brut et de gaz de pipeline. Suivaient la Slovaquie (276 millions d’euros), également importatrice de pétrole brut et de gaz, puis la France (157 millions d’euros), les Pays-Bas (65 millions d’euros) et la Belgique (64 millions d’euros).
Au cœur de l’été, Trump a d’ailleurs évoqué l’instauration de droits de douane secondaires visant à réduire la manne russe finançant l’effort militaire en Ukraine. Il a appliqué une taxe supplémentaire de 25 % sur l’Inde pour ses achats d’énergie russe, portant le tarif douanier américain à 50 %.
N’importe laquelle de ces stratégies « aggraverait les pertes de revenus de la Russie », note M. Temnycky.
« Ce serait aussi un coup dur pour la Russie, qui verrait sa capacité à financer son invasion de l’Ukraine réduite. Enfin, la Russie entrerait davantage dans une récession », estime-t-il.

L’état de l’économie russe

L’économie russe a connu un net ralentissement cette année, incitant la Banque de Russie à procéder ce mois-ci à une baisse de 100 points de base de son taux directeur, désormais fixé à 17 %.
Les responsables monétaires prévoient de maintenir une politique monétaire stricte jusqu’en 2026 afin de maîtriser les pressions inflationnistes. La banque centrale table sur un retour du taux d’inflation annuel à un niveau compris entre 6 % et 7 % l’année prochaine, avant de revenir à 4 % et de « se maintenir à cet objectif par la suite ».
En août, l’inflation annuelle est revenue à 8,1 %, contre 8,8 % le mois précédent.
Cette réduction des taux s’inscrit dans la stratégie « finement calibrée » de la gouverneure Elvira Nabioullina, qui vise un équilibre entre la croissance et la baisse de l’inflation.
La santé de l’économie russe s’est nettement dégradée ces derniers mois, sous le coup de défis fiscaux, géopolitiques et structurels.
L’agence fédérale de statistiques (Rosstat) a indiqué que le PIB avait progressé de 1,1 % au deuxième trimestre, contre 4 % à la même période de l’an dernier.
En conséquence, le ministère russe du Développement économique a abaissé sa prévision de croissance pour 2025 à 1,5 %, contre 2,5 % précédemment. Celle pour 2026 est également revue à la baisse, à 1,3 %, au lieu de 2,4 %.
Ces perspectives rejoignent à peu près celles du Fonds monétaire international (FMI). Dans son édition de juillet des Perspectives de l’économie mondiale, le FMI a revu à la baisse sa prévision pour l’économie russe en 2025, à 0,9 %, contre 1,5 % auparavant. L’institution maintient une projection stable de 1 % pour 2026.
Ces prévisions pessimistes n’ont rien de surprenant au vu des derniers indicateurs économiques.
Ainsi, l’indice PMI manufacturier russe de S&P Global — un baromètre mensuel sur la conjoncture du secteur — a fait état d’une contraction pour le troisième mois consécutif en août. Le repli s’explique par la baisse de la production et des commandes, ainsi que par la hausse des coûts des intrants.
« La contraction générale résulte aussi d’une nouvelle baisse de la production en août », indique le rapport. « Les industriels déclaraient souvent que cette réduction était causée par une demande faible et un fléchissement des commandes. Le rythme du repli s’est adouci mais reste solide dans l’ensemble. »
Depuis deux ans, le paysage économique russe « subit une pression constante », estime M. Temnycky. La production industrielle a souffert de la conscription et des perturbations liées au conflit. Les dépenses militaires du Kremlin consacrées à la guerre en Ukraine ont creusé les déficits publics. La dépréciation du rouble et les blocages logistiques minent le niveau de vie et le pouvoir d’achat des ménages.
Si Moscou a maintenu l’économie à flot grâce à la production de matériel militaire, la situation globale reste atone, note-t-il.
« Mais la croissance reste stagnante, les indicateurs laissant présager une récession imminente. Les sanctions continuent d’entraver l’accès de la Russie aux technologies de pointe et aux marchés en dehors des États amis », a expliqué M. Temnycky au journal Epoch Times.
Le ministre russe du Développement économique, Maxim Reshetnikov, a lancé une mise en garde au mois de juin au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, affirmant que le pays était au bord de la récession.
« Les chiffres montrent un net ralentissement et, selon les impressions actuelles, [l’économie] est déjà sur le point de basculer en récession », a-t-il affirmé.
Si l’énergie demeure le principal pilier de l’économie russe, l’évolution de la conjoncture économique et géopolitique pourrait fragiliser cette manne essentielle.
Avec la contribution de Reuters.
Andrew Moran couvre les affaires, l'économie et la finance. Il est écrivain et reporter depuis plus de dix ans à Toronto, avec des articles publiés sur Liberty Nation, Digital Journal, et Career Addict. Il est également l'auteur de "The War on Cash" (La guerre contre le liquide).

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