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Le 15 novembre, l’échéance charnière d’Emmanuel Macron pour une éventuelle dissolution de l’Assemblée

Aucun obstacle constitutionnel n'empêche Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée après la mi-novembre. Mais les contraintes budgétaires en créent un, redoutable et quasi incontournable.

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Photo: BASTIEN OHIER/Hans Lucas/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

Les députés achèvent ce lundi huit jours de débats sur la partie « recettes » du budget de l’État. L’hypothèse de son adoption paraît de plus en plus improbable, tant le texte suscite des mécontentements à gauche, à droite, et jusque dans les rangs de la majorité.
Chaque jour qui passe rapproche néanmoins le pays d’une échéance fatidique : le 31 décembre, date limite pour l’adoption du budget 2026. Et en arrière-plan, plane toujours la menace d’une dissolution, arme traditionnelle du pouvoir présidentiel. Sauf que cette arme possède une date limite de validité, selon le constitutionnaliste Benjamin Morel : elle s’appelle le 15 novembre.
Au-delà de cette date, un retour aux urnes deviendrait praticable sans jamais devenir impossible, mais bloquerait automatiquement les mécanismes budgétaires essentiels, a alerté l’universitaire auprès de l’Opinion. Non par manque de pouvoir légal, mais par l’enchevêtrement des délais constitutionnels et budgétaires. Cette collision entre deux calendriers constitue un vrai verrou.
La mécanique est la suivante. La Constitution impose un minimum de vingt jours entre la dissolution et le premier tour des législatives, puis de trente-cinq jours avant le second tour. En 2024, vingt et un jours ont séparé la dissolution du 9 juin du premier tour du 30 juin. Même accélérée, une nouvelle Assemblée élue ne pourrait être opérationnelle, c’est-à-dire avoir élu son bureau et repris ses travaux, qu’à la mi-décembre.
Or, à cette même date, un délai d’une autre nature expirerait : les « lois spéciales » doivent impérativement être déposées devant l’Assemblée au plus tard le 19 décembre, puis votées avant le 31 décembre. Ces textes ne sont pas des raffinements administratifs, mais des mécanismes de secours qui permettent à l’État de continuer à percevoir les impôts existants et d’assurer le fonctionnement des services publics en l’absence de budget définitif.
L’an dernier, le gouvernement Barnier l’avait démontré en présentant un projet de loi spéciale le 11 décembre : une course contre la montre où les jours comptent double. Une dissolution survenant après le 15 novembre produirait l’inverse : une Assemblée qui arriverait trop tard pour franchir la ligne d’arrivée.
Certains suggèrent qu’une porte de sortie existe : l’article 47 de la Constitution autorisant le gouvernement à mettre en vigueur les dispositions budgétaires par ordonnances si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours. Ce mécanisme, jamais utilisé sous la Ve République, pourrait théoriquement servir de planche de salut.
Théoriquement seulement. Car une dissolution produit un effet automatique : elle rend caducs tous les projets de loi en cours d’examen. Notamment le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Or, sans projet de loi valide, les ordonnances ne peuvent s’appliquer à rien. Comme l’énonce Benjamin Morel : « pas de projets de loi, pas d’ordonnances possibles. » Chaque échappatoire se referme d’elle-même.
Un vide institutionnel sans précédent
Ce qui s’ensuivrait n’aurait pas de précédent sous la Ve République : un État se retrouvant sans budget légal au-delà du 31 décembre. Incapable de percevoir l’impôt sur la base juridique appropriée. Incapable de justifier légalement le versement des salaires des fonctionnaires, des retraites ou des allocations. Les gouvernements américains connaissent les « shutdowns » ; la France n’a jamais expérimenté pareille situation.
Ce vide budgétaire n’est pas théorique. Il est le produit direct d’une arithmétique des délais. Benjamin Morel le caractérise sans ambages comme  un « saut dans le vide. »
Le paradoxe mérite d’être souligné : Emmanuel Macron conserve juridiquement le droit de dissoudre l’Assemblée à n’importe quel moment. Aucun article constitutionnel ne le lui interdit après le 15 novembre. Mais son exercice devient, après cette date, le vecteur d’une crise institutionnelle majeure, ce qui revient pratiquement à le neutraliser.
C’est une forme singulière de limitation du pouvoir exécutif : non une interdiction explicite, mais la production inévitable de conséquences inacceptables. Le droit demeure ; l’usage serait néfaste.
Les alternatives qui se profilent
Confronté à ce dilemme, le président dispose de plusieurs options. Il peut laisser passer l’hiver budgétaire et envisager une dissolution au début de l’année 2026. Les élections municipales prévues en mars constitueraient toutefois un nouvel écueil logistique, bien qu’aucune disposition n’interdise la tenue de deux scrutins à quelques semaines d’intervalle ou concomitamment. Il peut également opter pour des remaniements ministériels successifs, cherchant à stabiliser sa majorité sans retourner aux urnes. Ou accepter une énième formule gouvernementale.
Quant aux parlementaires qui menacent de censurer le gouvernement, notamment le Parti socialiste, qui a néanmoins commencé à mettre de l’eau dans son vin, ils sauront que l’arme de la dissolution s’émoussera mécaniquement en fin d’année. Le jeu des rapports de force se trouvera donc affecté par cette simple question de calendrier.
Quand l’arithmétique dicte la politique
La Constitution n’est donc jamais totalement autonome par rapport à d’autres systèmes contraignants. En l’occurrence, le système budgétaire impose ses propres délais et impose au politique de s’y conformer.
Emmanuel Macron découvre ainsi les limites invisibles de son autorité. Le 15 novembre n’est inscrit dans aucun article constitutionnel : il ne naît que de l’arithmétique des délais légaux. Une limite qui ne s’énonce pas mais qui s’impose d’elle-même.