Opinion
La vérité complexe de notre lien avec les animaux : entre respect et responsabilité

Des vaches paissent ensemble dans une ferme à Petal, dans le Mississippi, le 24 septembre 2025.
Photo: John Fredricks/The Epoch Times
Commentaire
Il était tard ce week-end lorsque je me suis retrouvée assisse sur la terrasse de mon restaurant, plongée dans une conversation avec l’un de mes héros du mouvement de l’agriculture régénératrice : Will Harris, de White Oak Pastures. Sa vie dans la campagne rurale de Géorgie ne pourrait être plus éloignée de la mienne, façonnée par vingt années passées à Los Angeles. Et pourtant, nous sommes des âmes sœurs. Notre discussion a rapidement tourné, comme c’est souvent le cas entre agriculteurs, vers la complexité de notre relation avec les animaux.
Will m’a raconté une anecdote remontant à l’époque où il fournissait Whole Foods, période durant laquelle il devait faire des apparitions en magasin. Tandis que des chefs cuisinaient son bœuf pour le faire goûter aux clients, il expliquait pourquoi sa viande était différente. Encore et encore, les gens lui posaient la même question : « Comment pouvez-vous tuer ces animaux ? Comment pouvez-vous séparer les veaux de leurs mères pour les envoyer à l’abattoir ? »
Pendant longtemps, m’a-t-il confié, il ne comprenait même pas vraiment le sens de cette question. Et puis un jour, la révélation : pour la plupart des gens, la relation aux animaux se résume à un animal de compagnie – un chien, un chat, parfois un oiseau. Sa relation à lui est infiniment plus complexe.
« Je suis responsable des vaches, des cochons, des poules, des chiens de garde, des chiens de troupeau, des cerfs et des sangliers qui traversent mes terres, même de la flore et de la faune, » m’a-t-il dit avec son accent du Sud bien prononcé. « C’est mon rôle de maintenir l’équilibre de tout le système. »
Cette remarque m’a profondément marquée, car j’ai connu les deux côtés de cette réalité. Avant, je faisais partie de ceux qui posaient ces questions chez Whole Foods, et aujourd’hui, c’est moi qui prends les décisions : quels cochons seront envoyés à l’abattoir, quelle génisse sera gardée comme reproductrice, quelle vache chérie devra être réformée car elle ne supporte pas la chaleur texane.
Les visiteurs qui viennent au ranch posent souvent des questions révélant à quel point leur référentiel est limité. Ils demandent où dorment les chiens la nuit, ou se plaignent que l’eau des abreuvoirs est tiède par 40 °C. J’ai parfois envie de répondre sèchement. Mes chiens mènent une vie dont rêveraient la plupart des animaux de compagnie : libres de courir, de chasser, de rassembler le troupeau et de faire la sieste au soleil. Ils n’ont aucune envie de porter des chaussons, de monter dans des poussettes ou de vivre enfermés dans un petit appartement. Rien ne rend un chien plus heureux qu’un vrai travail et une vraie liberté.
Joel Hollingsworth, un éleveur du Smoke River Ranch en Oklahoma, a pris part à notre conversation. Il racontait que, lorsque ses vaches sont couchées dans les pâturages, le ventre bien plein, des citadins appellent parfois les services de protection animale, persuadés que les bêtes sont en train de mourir. Ils ne peuvent tout simplement pas imaginer que l’immobilité est le signe d’un profond bien-être. Les agriculteurs, eux, vivent chaque jour au plus près de la vie et de la mort, d’une manière que peu de propriétaires d’animaux domestiques expérimentent réellement.
Dans une ferme, les animaux remplissent de nombreux rôles. Ils sont des compagnons, certes, mais aussi une source de nourriture, de revenus, de désherbage naturel, d’engrais… et parfois des problèmes à résoudre. Un verrat qui ne donne que quatre à six porcelets par portée ne peut rester, aussi doux soit-il. Ma toute première vache – celle par qui tout a commencé – sera probablement réformée cette année. L’humidité du Texas la terrasse, et elle demande plus de soins que nous ne pouvons lui offrir. Est-ce que cela m’attriste ? Oui. Mais la logique et la responsabilité doivent primer sur la sentimentalité.
Même ma fille de huit ans a dû affronter cette réalité. Elle avait choisi un porcelet – noir avec des marques blanches parfaites – et l’avait baptisée Oreo. (Je me demande parfois combien de cochons en Amérique ont porté ce nom.) Oreo est devenue une belle truie, mais elle n’a jamais été fécondée. Mon mari a expliqué doucement à notre fille ce que cela signifiait, et elle nous a surpris : « Je veux venir avec vous », a-t-elle dit. Alors elle s’est levée à 5 heures du matin, a aidé à charger Oreo sur la remorque, et lui a fait ses adieux. Était-elle triste ? Oui. Comprenait-elle qu’une autre portée allait bientôt naître, et qu’elle pourrait élever l’un des petits ? Oui. À la ferme, la vie offre toujours quelque chose en retour.
Will Harris disait la même chose. Il est heureux d’envoyer les veaux à l’abattoir, car il voit déjà la génération suivante gambader dans les pâturages. « La vie foisonne », a-t-il dit. Puis il a marqué une pause et ajouté : « Tu es déjà allé dans un refuge pour animaux ? Tous ces animaux stériles dans des cages, qui ne vivent pas, qui ne prospèrent pas – c’est la chose la plus triste que j’aie jamais vue. »
J’y suis allée souvent, pendant mes années véganes. J’organisais des collectes de fonds, je posais en robe de cocktail avec des cochons sauvés, persuadée que nous étions en train de sauver des vies. Mais Will a raison : ces lieux sont stériles à plus d’un titre. Les animaux ne se reproduisent pas, le sol n’est pas nourri, le fumier est ramassé dans des sacs et envoyé à la décharge. Ces refuges deviennent des autels dédiés à notre malaise face à la mort. Pourtant, la mort n’est pas un échec. Elle est une fonction de la vie, indissociable de la fertilité et du renouveau.
Un système florissant est un système fertile. Un système stérile est un système mort. Même dans l’imaginaire végane, où « sauver les animaux » signifie les soustraire à toute utilisation humaine, il n’existe pas de réponse claire à la question de la place des vaches, des moutons ou des chèvres dans notre société s’ils n’étaient pas intégrés aux cycles de la vie.
Ma vache Ona en est un exemple. Elle sera peut-être abattue cette année. Mais si elle pouvait parler, souhaiterait-elle n’avoir jamais existé, n’avoir jamais mis bas, n’avoir jamais nourri mes enfants avec son lait riche en nutriments ? J’en doute. Ses enfants, ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants vivent aujourd’hui au sein de notre troupeau, croisés avec des gènes plus résistants, adaptés à la chaleur texane. Son héritage se perpétue. Elle a eu une vie bien remplie : élever ses veaux, fertiliser la terre, nourrir les troupeaux et les humains. Bientôt, elle nourrira notre communauté avec sa viande.
Sa vie n’a pas été vaine. Elle a été bien vécue. Elle a brouté de verts pâturages, ruminé au lever du soleil, léché ses petits avec tendresse, et laissé son empreinte à la fois sur sa descendance et sur la terre elle-même. C’est la vérité que les agriculteurs connaissent bien : les animaux vivent avec un but, et la mort fait partie de ce but. Un système vivant doit intégrer la mort, car tout ce qui vit se nourrit d’une forme ou d’une autre de mort. L’un ne va pas sans l’autre.
J’ai été profondément honorée de partager cette soirée avec Will Harris, et reconnaissante pour ce rappel de ce que je sais déjà, mais que j’oublie parfois face aux questions des gens de l’extérieur. Notre relation aux animaux ne se résume ni à des slogans, ni à des élans de sentimentalité. Elle est aussi complexe que la vie elle-même – et lorsqu’elle est cultivée avec sagesse, elle engendre fertilité, abondance et sens, tant pour les humains que pour les animaux.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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