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La thérapie cognitivo-comportementale remodèle la structure du cerveau

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Modifications du volume de matière grise dans l'amygdale après une thérapie cognitivo-comportementale. Zwiky et al.,

Photo: Translational Psychiatry, 2025. CC BY 4.0.

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Durée de lecture: 8 Min.

Depuis des décennies, les scientifiques se demandent si changer notre façon de penser pouvait réellement remodeler le cerveau. Aujourd’hui, une étude récente apporte des preuves convaincantes : pour la première fois, des images suggèrent que la psychothérapie, par la seule force de l’esprit, pourrait entraîner de véritables changements structurels dans le cerveau.

Pour les personnes souffrant de dépression, cette recherche met en lumière un mécanisme plus profond par lequel la thérapie pourrait agir : en reconstruisant littéralement le cerveau.

Une étude d’imagerie cérébrale publiée dans la revue Translational Psychiatry a montré que des adultes ayant suivi un programme de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) présentaient une croissance mesurable dans les zones du cerveau responsables du traitement des émotions et de la régulation de l’humeur. Ces régions, souvent affaiblies dans la dépression chronique, semblaient se renforcer au fil du traitement, a expliqué dans un communiqué le professeur Ronny Redlich, responsable du département de psychologie biologique et clinique à l’université Martin-Luther de Halle-Wittenberg, en Allemagne.

Ce que les scanners cérébraux ont révélé

« Il existe un lien clair entre le cerveau et l’esprit, notamment entre les troubles mentaux et notre cerveau », a confié le professeur Redlich dans un courriel adressé à Epoch Times.
L’idée que le cerveau puisse s’adapter et se modifier repose sur le concept de neuroplasticité.

L’étude a suivi 30 adultes âgés de 18 à 65 ans souffrant d’un trouble dépressif majeur, ayant bénéficié d’environ 20 séances de TCC sur une période de 40 semaines. Des IRM à haute résolution réalisées avant et après le traitement ont montré une augmentation du volume de la matière grise dans l’amygdale — une zone clé du traitement émotionnel — et dans l’hippocampe antérieur, impliqué dans la mémoire et la régulation de l’humeur.

Ces deux régions sont connues pour se rétracter chez les personnes dépressives, et leur croissance pourrait donc indiquer un processus de guérison, ont souligné les chercheurs. À la fin de l’étude, 19 des 30 participants ne répondaient plus aux critères cliniques de la dépression.

L’augmentation de la matière grise dans l’amygdale était corrélée à une meilleure capacité à percevoir les émotions, notamment les siennes, précise le Pr Redlich.

Cette aptitude, appelée conscience émotionnelle, est souvent altérée chez les personnes dépressives. Beaucoup de celles qui souffrent d’alexithymie — une difficulté à identifier ou à exprimer leurs émotions — peinent à comprendre ce qu’elles ressentent. La TCC, reconnue depuis longtemps pour aider à gérer la dépression, vise justement à améliorer cette compétence.

« La psychothérapie fonctionne, et elle modifie le cerveau », affirme le Pr Redlich. « Les troubles mentaux ne sont pas une faiblesse personnelle : ils sont liés à des changements physiques dans le cerveau. La psychothérapie peut contribuer à “réparer” ces connexions neuronales. »

Environ un tiers des participants prenaient des antidépresseurs, il est donc possible qu’une partie des modifications cérébrales leur soit attribuable. Toutefois, même en tenant compte de ce facteur, le lien entre les changements cérébraux et la thérapie restait significatif.

L’étude ne comportait pas de groupe de contrôle sans traitement, ce qui laisse ouverte la possibilité que certains changements cérébraux soient survenus naturellement. Néanmoins, les chercheurs estiment que les résultats renforcent l’idée que développer des compétences émotionnelles par la thérapie — comme la TCC — peut effectivement façonner le cerveau.

Comment la TCC pourrait remodeler le cerveau

La thérapie cognitivo-comportementale est l’une des approches les plus recommandées et les plus rigoureusement étudiées contre la dépression. Elle vise à briser les cycles de pensées négatives et à enseigner des stratégies concrètes pour gérer le stress, les émotions et les défis du quotidien.

Ce type d’« entraînement mental » ciblé modifie peu à peu la manière dont le cerveau fonctionne.

Toutes les grandes organisations de santé reconnaissent la TCC, ou ses variantes, comme la seule psychothérapie fondée sur des preuves d’efficacité pour un large éventail de troubles, explique le psychologue clinicien Mike Abrams, auteur de plusieurs manuels sur la thérapie cognitive, à Epoch Times. Selon lui, son efficacité repose en partie sur le développement de la conscience émotionnelle et sur l’apprentissage d’une forme de flexibilité mentale qui favorise l’acceptation et la résilience.

« Toutes les TCC reposent intrinsèquement sur une philosophie stoïcienne, qui prône une attitude d’acceptation », souligne-t-il.

En somme, tout ce que l’on ressent découle, dans une certaine mesure, de ce que l’on pense. Plutôt que de lutter contre chaque émotion ou pensée inconfortable, la TCC encourage à les reconnaître, à les examiner et à y répondre de manière plus réfléchie.

« Un bon thérapeute en TCC, s’il fait bien son travail, écoute les pensées irrationnelles exprimées par le patient et l’aide à comprendre que sa propre rigidité ou ses exigences excessives sont à l’origine de sa souffrance », explique Mike Abrams.

Avec le temps, cet entraînement pourrait renforcer les circuits cérébraux impliqués dans l’autorégulation, la conscience émotionnelle et la résilience — une explication possible aux changements structurels observés dans l’étude.

« En définitive, toute modification de la pensée et du comportement entraîne des changements dans le cerveau, même chez les individus en bonne santé, et c’est une bonne nouvelle », conclut le Pr Redlich. « Nous pouvons décider, au moins en partie, de la façon dont nous connectons notre cerveau et de ce que nous lui apprenons, mentalement aussi. »

Et après ?

Le Pr Redlich et son équipe prévoient de suivre les participants pendant plusieurs années afin de déterminer si ces changements cérébraux perdurent et s’ils peuvent prédire la stabilité ou la rechute des patients. À terme, les chercheurs espèrent que l’imagerie cérébrale, combinée à l’intelligence artificielle, pourra aider à personnaliser les traitements.

Pour l’heure, cette étude démontre qu’il est possible de modeler son cerveau par la pensée. Et pour certaines personnes dépressives, cela signifie que la guérison ne commence pas forcément par un médicament — mais peut-être par une idée.

Cara Michelle Miller est rédactrice indépendante et éducatrice en santé holistique. Elle a enseigné au Pacific College of Health and Science à New York pendant 12 ans et a dirigé des séminaires de communication pour les étudiants en ingénierie de la Cooper Union. Elle écrit maintenant des articles axés sur les soins intégratifs et les modalités holistiques.

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