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La mélatonine prise sur le long terme : une hausse quasi doublée du risque d’insuffisance cardiaque

La réputation inoffensive de la mélatonine mérite d’être réévaluée, avertit un médecin. La mélatonine, un somnifère naturel souvent présentée comme bénéfique pour le cœur, pourrait en réalité accroître certains risques. Une vaste nouvelle étude suggère que les personnes qui en consomment régulièrement présentent, à long terme, un risque plus élevé d’insuffisance cardiaque, d’hospitalisation et même de décès.

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Photo: crédit : Michelle Lee/Shutterstock

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Durée de lecture: 13 Min.

Les adultes souffrant d’insomnie chronique et utilisant de la mélatonine depuis un an ou plus présentaient un risque d’insuffisance cardiaque supérieur de 90 % dans les cinq années suivantes, comparativement à ceux qui n’en prenaient pas.

Cette analyse préliminaire, présentée lors des sessions scientifiques 2025 de l’American Heart Association, a suivi plus de 130.000 adultes diagnostiqués insomniaques. Parmi ceux ayant pris de la mélatonine pendant plus d’un an, 4,6 % ont développé une insuffisance cardiaque, contre 2,7 % des non-utilisateurs.

Les consommateurs de mélatonine étaient également plus de trois fois plus susceptibles d’être hospitalisés pour insuffisance cardiaque et présentaient presque le double de risque de décès, toutes causes confondues. Toutefois, la différence absolue entre les deux groupes restait modeste : 7,8 % des utilisateurs à long terme sont décédés durant la période d’étude, contre 4,3 % chez les non-utilisateurs, soit un écart d’environ 3,5 points de pourcentage.

« Le message à retenir n’est pas que la mélatonine est “mauvaise” ou que tout le monde doit arrêter d’en prendre », a expliqué par e-mail à Epoch Times le Dr Ekenedilichukwu Nnadi, médecin-chef résident en médecine interne à la SUNY Downstate Health Sciences University (USA), qui a dirigé la recherche. « C’est plutôt que nous ne devrions pas supposer qu’un produit est sans danger simplement parce qu’il est naturel ou vendu sans ordonnance. »

La mélatonine, hormone naturellement produite la nuit par l’organisme, est souvent considérée comme une solution sûre et simple contre l’insomnie, et elle est fréquemment consommée chaque soir par les personnes ayant des difficultés à dormir. Son utilisation a plus que doublé au cours de la dernière décennie. Environ 12 % des Américains sont diagnostiqués insomniaques chroniques, et des millions d’autres peinent à s’endormir la plupart des nuits.

En France, une personne sur cinq dort moins de 6 heures par nuit, ce qui est un indicateur courant d’insomnie chronique. Bien que le chiffre exact des insomniaques chroniques ne soit pas toujours nommé précisément, les enquêtes indiquent qu’une large partie des 45 % touchés par des troubles du sommeil peut être considérée comme souffrant d’insomnie chronique, ce qui représente plusieurs millions de personnes en France.

Ce que l’étude a révélé

Les chercheurs ont utilisé les données de plus de 130.000 adultes diagnostiqués insomniaques. Environ la moitié avaient reçu une prescription de mélatonine ou déclaraient en consommer ; les autres n’en prenaient pas. Aucun participant ne présentait d’insuffisance cardiaque ni ne prenait de somnifères sur ordonnance au début de l’étude.

Les résultats restaient valables même lorsque les chercheurs exigeaient plusieurs prescriptions pour définir un « usage chronique », confirmant ainsi le lien avec une consommation prolongée, plutôt qu’occasionnelle. « Cela ne prouve pas que la mélatonine cause directement l’insuffisance cardiaque », a précisé le Dr Nnadi, rappelant que l’étude était observationnelle. Les personnes qui en prennent chaque soir peuvent simplement souffrir d’une insomnie plus sévère, ce qui, en soi, peut augmenter les risques cardiaques.

Néanmoins, la taille de l’échantillon et le soin apporté à la comparaison des groupes rendent les résultats remarquables et soulèvent des questions importantes sur la sécurité des compléments alimentaires, a-t-il ajouté.

« Cela montre que les personnes souffrant d’insomnie chronique qui prenaient de la mélatonine sur le long terme étaient plus susceptibles de présenter ces événements. C’est un signal inattendu et important qui mérite d’être étudié plus en profondeur. »

Ce que l’étude ne permet pas de savoir

Les chercheurs n’ont pu suivre que les prescriptions de mélatonine, certaines utilisations en vente libre n’étant pas enregistrées dans les dossiers médicaux. Cela signifie que certaines personnes classées comme “non-utilisatrices” ont pu en consommer sans en informer leur médecin.

« Ce biais irait en réalité dans le sens d’une absence de différence. Autrement dit, il ferait paraître la mélatonine plus sûre qu’elle ne l’est peut-être réellement », a expliqué le Dr Nnadi. « Le fait que nous observions tout de même une association forte et cohérente suggère que le signal est réel. »

« Bien sûr, cette limite illustre précisément pourquoi nous avons besoin d’essais randomisés et prospectifs pour confirmer si la mélatonine contribue effectivement à ces risques. »

Contrairement aux médicaments sur ordonnance, les compléments à base de mélatonine ne sont pas strictement réglementés.

La quantité réelle de mélatonine peut varier considérablement d’une marque à l’autre. Une étude a montré que la teneur pouvait s’écarter de -83 % à +478 % par rapport à ce qui est indiqué sur l’étiquette, suggérant que certains produits délivrent des doses bien supérieures à ce que le corps est conçu pour gérer.

La plupart des Américains achètent la mélatonine sans ordonnance et peuvent en prendre pendant des mois, voire des années. Au Royaume-Uni, en Australie et dans l’Union européenne, elle n’est disponible que sur prescription, pour un traitement de courte durée de l’insomnie.

La mélatonine est en vente libre en France sans ordonnance, mais uniquement sous forme de compléments alimentaires contenant une dose maximale de 2 mg par prise. Pour des dosages plus élevés ou en forme de médicament (comme Circadin® dosé à 2 mg à libération prolongée), une ordonnance est requise.

En Union européenne, la réglementation sur la vente libre de la mélatonine varie selon les pays. La mélatonine est légalement en vente libre en faible dose dans certains pays européens, mais les règles sont strictes et très variables selon les États membres.​

Des effets cardiaques encore controversés

La mélatonine agit aussi comme antioxydant et a parfois été associée à des bénéfices cardiaques chez les personnes déjà atteintes de troubles cardiaques : amélioration de la fonction cardiaque et réduction du stress sur le muscle cardiaque. Cependant, ces études étaient de petite taille, de courte durée, menées sur des animaux ou sur des patients soigneusement sélectionnés recevant de la mélatonine pure à dose pharmaceutique.

« Notre étude est différente », a expliqué le Dr Nnadi. « Nous avons observé l’utilisation réelle : des compléments pris chaque soir pendant des années, dans des populations diverses, avec des doses et une qualité de produit variables, chez des patients souffrant spécifiquement d’insomnie chronique. C’est une situation très différente. »

La mélatonine aide à réguler le cycle veille-sommeil de l’organisme, atteignant un pic la nuit pour signaler au cerveau qu’il est temps de se reposer. Chez les insomniaques, en prendre avant le coucher peut favoriser la somnolence et améliorer la qualité du sommeil. Elle peut aussi influencer légèrement la tension artérielle et le rythme cardiaque lorsque le corps se met au repos.

Bien que l’étude n’ait pas identifié de mécanisme précis, les effets possibles pourraient concerner le rythme cardiaque, la pression artérielle ou le métabolisme – des paramètres encore mal compris, surtout lorsque le complément est pris pendant de longs mois ou années.

L’insomnie elle-même, selon des recherches antérieures, est liée à une inflammation accrue, une tension artérielle nocturne plus élevée et des modifications des hormones du stress comme le cortisol – autant de facteurs susceptibles d’épuiser le cœur à long terme et d’accroître le risque d’insuffisance cardiaque.

Les recommandations des experts

Marie-Pierre St-Onge, chercheuse en sommeil, non impliquée dans l’étude, s’est dite surprise de constater qu’aux États-Unis,  certains patients recevaient de la mélatonine sur prescription depuis plus d’un an. « La mélatonine, du moins aux États-Unis, n’est pas indiquée pour le traitement de l’insomnie », a rappelé la chercheuse, qui préside le groupe de rédaction de la déclaration scientifique 2025 de l’American Heart Association Multidimensional Sleep Health: Definitions and Implications for Cardiometabolic Health. « Les gens doivent savoir qu’elle ne devrait pas être prise de façon chronique sans indication médicale claire. »

Le Council for Responsible Nutrition, un groupe représentant les fabricants de compléments alimentaires, a également rappelé que la mélatonine devait être utilisée de manière occasionnelle et que toute personne souffrant de troubles du sommeil persistants devrait consulter un professionnel de santé avant d’en consommer.

Que faire ?

Pour les personnes qui ont du mal à dormir régulièrement, le Dr Muhammad A. Rishi, spécialiste du sommeil, a indiqué par e-mail à Epoch Times que la mélatonine devait être utilisée avec précaution.

Bien qu’il s’agisse d’une hormone naturelle, le Dr Rishi rappelle que les compléments modifient l’état mental ou physique et doivent donc être considérés comme de véritables médicaments.

Les effets secondaires les plus fréquents incluent maux de tête et vertiges ; la mélatonine peut également interagir avec d’autres traitements, notamment les anticoagulants. Les médecins du sommeil recommandent généralement de commencer par la dose la plus faible efficace – environ 0,5 à 1 milligramme – prise une à deux heures avant le coucher, et sur une durée limitée à un à trois mois. Les effets à long terme demeurent inconnus.

Une insomnie persistante peut révéler une cause sous-jacente, comme une apnée du sommeil, un syndrome des jambes sans repos, une dépression ou une douleur chronique. Lorsqu’un spécialiste du sommeil identifie le bon diagnostic, il est alors possible de proposer un traitement adapté.

« Pour ceux qui utilisent la mélatonine de manière occasionnelle ou à court terme, cela reste probablement acceptable. Mais pour ceux qui en prennent chaque soir depuis des années, notamment en cas de maladie cardiaque ou de facteurs de risque, il est préférable d’en parler à son médecin », a précisé le Dr Nnadi. « Nous devons considérer les compléments alimentaires avec la même prudence et le même esprit critique que les médicaments sur ordonnance. »

« Notre étude, a-t-il ajouté, rappelle qu’en matière de santé, plus n’est pas toujours mieux, et qu’il faut des preuves solides avant de qualifier un complément de “bénéfique pour le cœur”. »

Cara Michelle Miller est rédactrice indépendante et éducatrice en santé holistique. Elle a enseigné au Pacific College of Health and Science à New York pendant 12 ans et a dirigé des séminaires de communication pour les étudiants en ingénierie de la Cooper Union. Elle écrit maintenant des articles axés sur les soins intégratifs et les modalités holistiques.

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