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La directive européenne en matière de durabilité pourrait contraindre ExxonMobil à quitter l’Europe
Le cadre de la loi exigerait qu’ExxonMobil applique les mêmes obligations climatiques à l’ensemble de ses activités mondiales, et non seulement à celles menées en Europe.

Le surplus de gaz naturel provenant des puits de pétrole est brûlé à Williston, dans le Dakota du Nord, le 21 décembre 2023.
Photo: Madalina Vasiliu/Epoch Times
Le géant américain de l’énergie ExxonMobil pourrait être contraint de revoir sa présence sur le continent européen si la proposition de loi en matière de la durabilité de l’Union européenne était adoptée dans sa forme actuelle, a déclaré son PDG Darren Woods, en avertissant que cette mesure pourrait avoir des « conséquences désastreuses » pour les entreprises à l’échelle mondiale.
Lors d’un récent entretien accordé à Reuters en marge de l’Exposition et conférence internationale du pétrole d’Abu Dhabi (ADIPEC), il a indiqué que la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive – CSDDD) imposerait des obligations ingérables aux entreprises multinationales.
« Si nous ne pouvons pas être une entreprise performante en Europe, et plus encore si les autorités commencent à tenter d’appliquer leur législation nuisible à l’ensemble des pays où nous exerçons nos activités, il devient impossible d’y rester », a-t-il affirmé.
La CSDDD impose aux entreprises de traiter les questions relatives aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement, sous peine d’amendes équivalant à 5 % de leur chiffre d’affaires mondial. Elle s’applique actuellement aux sociétés comptant 1000 employés ou plus et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros.
Selon M. Woods, la directive obligerait ExxonMobil à appliquer les mêmes mandats climatiques à l’ensemble de ses opérations mondiales, et non uniquement à celles situées en Europe.
« Ce qui me frappe, c’est l’excès d’ingérence », a-t-il commenté.
« Cela m’obligerait à le faire pour toutes mes activités à travers le monde, qu’elles concernent l’Europe ou non. »
En mai, les dirigeants de la France et de l’Allemagne ont exhorté l’Union européenne à abandonner cette proposition de loi. Le président français Emmanuel Macron a déclaré le 19 mai que la directive devait être « retirée de la table », tandis que le chancelier allemand Friedrich Merz a formulé un appel similaire lors de sa première visite à Bruxelles, affirmant que la loi alourdirait encore le fardeau du secteur industriel européen, déjà en difficulté.
Le mois dernier, le Parlement européen a voté la réouverture du débat sur la CSDDD face à l’opposition croissante de l’industrie et des gouvernements, qui avertissent que cette directive pourrait menacer la sécurité énergétique de l’Europe et nuire à sa compétitivité industrielle.
Le vote du Parlement européen laisse la possibilité d’amender encore le texte avant l’approbation finale, prévue d’ici la fin de l’année 2025.
D’après Darren Woods, les révisions actuellement en discussion « brouillent le langage » et risquent d’accentuer l’incertitude réglementaire.
« Aujourd’hui, c’est déjà une économie surréglementée, qui se désindustrialise en étouffant la croissance économique », a-t-il souligné.
« Cette mesure va ajouter un frein supplémentaire à la croissance. »
Le mois dernier, le secrétaire américain à l’Énergie, Chris Wright, et le ministre de l’Énergie du Qatar, Saad al-Kaabi, ont averti que certaines dispositions de la CSDDD pourraient entraver la coopération énergétique mondiale avec l’Union européenne.
« Cette situation survient à un moment crucial, alors que nos pays et nos entreprises s’efforcent non seulement de maintenir, mais aussi d’accroître de manière significative l’approvisionnement fiable en GNL vers l’Union européenne, conformément aux attentes stratégiques européennes », ont-ils écrit dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants européens en octobre.
« Il ne fait guère de doute que le gaz naturel et le GNL resteront une source d’énergie essentielle et une composante clé du mix énergétique européen pour de nombreuses décennies à venir. »
Les États-Unis sont le principal fournisseur de gaz naturel liquéfié (GNL) de l’Europe, représentant 57,7 % des importations de l’Union européenne au deuxième trimestre 2025. Ils sont suivis par la Russie, l’Algérie et le Qatar, selon les données d’Eurostat.
Le 3 novembre, lors de l’ADIPEC, Saad al-Kaabi, également PDG de QatarEnergy, a mis en garde que le Qatar suspendrait ses ventes de GNL à l’Europe si la CSDDD était adoptée sans modification.
Lors du même événement, Darren Woods a confirmé qu’ExxonMobil avait signé un accord préliminaire pour aider l’Irak à développer le gigantesque champ pétrolier de Majnoon, marquant le retour de l’entreprise dans ce pays après deux ans d’absence.
« Il reste encore beaucoup à faire pour négocier les paramètres finaux associés à ce projet », a-t-il indiqué, ajoutant qu’ExxonMobil s’attend à finaliser un accord de partage des bénéfices conforme aux pratiques de l’industrie.

Evgenia Filimianova est une journaliste basée au Royaume-Uni qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la politique britannique, les procédures parlementaires et les questions socio-économiques.
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