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Donald Trump exige l’arrêt du pétrole russe par la Hongrie et la Slovaquie. Est-ce faisable ?

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Le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le président américain Donald Trump lors d’une rencontre dans le Bureau ovale à la Maison-Blanche, le 13 mai 2019, à Washington, DC.

Photo: BRENDAN SMIALOWSKI/AFP via Getty Images.

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Durée de lecture: 11 Min.

Le président américain Donald Trump accentue la pression sur l’Europe pour qu’elle limite ses importations de pétrole russe, en pointant du doigt la Hongrie et la Slovaquie, particulièrement dépendantes de Moscou.
Mais ces pays enclavés d’Europe centrale et orientale refusent de plier, résolus à maintenir le flux de pétrole bon marché via l’oléoduc Droujba, une artère de 4000 kilomètres acheminant le brut russe au cœur du continent.
Bruxelles, Washington et plusieurs analystes soutiennent que les infrastructures existantes, principalement l’oléoduc Adria croate, pourraient répondre aux besoins de ces deux pays tout en asséchant les coffres du Kremlin et sa capacité de pression.
Cependant, Budapest, Bratislava et le géant pétrolier hongrois MOL considèrent ce virage comme irréalisable, évoquant une hausse des coûts, une capacité insuffisante et un risque majeur pour la sécurité énergétique.
« L’économie hongroise serait à genoux » : Orban
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’est entretenu par téléphone avec Donald Trump le 25 septembre à propos du pétrole russe et d’autres dossiers.
Dans une intervention sur la radio publique ce vendredi, Orban a affirmé avoir prévenu Trump que cesser les importations d’énergie russe serait une « catastrophe économique » pour la Hongrie.
« J’ai dit au président américain… que si la Hongrie est coupée du pétrole et du gaz russe, immédiatement, en une minute, les performances économiques chuteront de 4 %. Cela signifie que l’économie hongroise serait à genoux », déclare-t-il.
Orban ajoute que sur la question des sources d’énergie, « il est clair où sont les intérêts de la Hongrie et nous agirons en conséquence ». La Hongrie et les États-Unis, dit-il, « sont des nations souveraines. Aucun de nous n’a à accepter les arguments de l’autre. L’Amérique a ses intérêts et la Hongrie les siens ».
Dépendance au combustible russe
Lors de son allocution à l’Assemblée générale de l’ONU à New York, le 23 septembre, Trump a reproché aux membres de l’OTAN de continuer à acheter de l’énergie russe.
« Mais il est inadmissible que même des pays de l’OTAN n’aient pas coupé la majorité de leurs importations d’énergie et de produits énergétiques russes », déclarait-il. « Réfléchissez-y : ils financent la guerre contre eux-mêmes ».
D’après l’agence russe Interfax, la Russie a livré 4,78 millions de tonnes de pétrole à la Hongrie via la branche sud de l’oléoduc Droujba en 2024, et 956.000 tonnes entre janvier et février 2025.
Pendant des décennies, le système énergétique européen s’est construit autour de l’approvisionnement russe. L’UE s’est engagée à mettre fin à ses achats d’énergie russe d’ici 2028, alors que Washington plaide pour un calendrier plus accéléré, en partie pour ouvrir la voie aux exportations américaines.
Avant la guerre russo-ukrainienne en 2022, Moscou fournissait environ 40 % des importations gazières de l’UE, ainsi que des volumes considérables de pétrole brut et de charbon. Des oléoducs comme Nord Stream 1 alimentaient la base industrielle allemande, tandis que des pays tels que la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque sont devenus fortement tributaires des livraisons russes.
Oléoducs
La Hongrie et la Slovaquie dépendent toutes deux de deux oléoducs : Droujba, l’un des plus vastes réseaux mondiaux d’acheminement de pétrole brut, qui ne livre que du brut russe via l’Ukraine.
L’oléoduc Adria, exploité par la société croate publique JANAF, transporte du pétrole brut non russe depuis le terminal pétrolier d’Omišalj sur la côte adriatique.
Droujba représente encore plus de 80 % des importations pétrolières totales de la Slovaquie et de la Hongrie, le reste transitant par Adria via la Croatie.
Les flux de Droujba sont gérés par le groupe MOL, compagnie pétrolière et gazière intégrée hongroise, qui exploite également les principales raffineries de Szazhalombatta (Hongrie) et Bratislava (Slovaquie).
Cette semaine, le groupe MOL a contesté les résultats des tests réalisés par JANAF, suggérant que l’oléoduc Adria pourrait suffire à remplacer les importations russes.
L’opérateur croate de l’oléoduc Adria a réfuté la position de MOL.
« La seule raison de la baisse des flux tient à la demande directe du groupe MOL. Il n’y a eu aucun obstacle chez JANAF à assurer le flux planifié », a déclaré la société JANAF.
Dilemme
Andy Mayer, analyste énergie à l’Institut des Affaires Économiques, indiquait par email à Epoch Times que la Hongrie devra peut-être conclure un accord avec les États-Unis.
Il souligne que sur le plan technique, MOL et JANAF continuent de se disputer sur la capacité réelle disponible.
« Selon moi, si les chiffres avancés sont 5 Mt (millions de tonnes) pour Droujba et 14 Mt pour Adria en capacité annuelle, les Croates ont raison », dit-il.
« Les Hongrois ont raison de préciser que réduire de deux à une seule option accroît les risques de sécurité d’approvisionnement, et cela exigerait un accord réfléchi », ajoute M. Mayer.
Toutefois, « le reste de l’Europe et désormais la Maison-Blanche voient légitimement les provocations du Kremlin comme rendant ce choix inévitable », précise-t-il.
« Fait inhabituel, c’est une situation où Trump pourrait faciliter un accord, ou alors l’UE démontrer qu’elle n’a pas besoin de lui », ajoute-t-il.
Certains détracteurs estiment que le choix entre Droujba ou Adria est moins économique que politique.
Un rapport commun en mai, publié par Clean Air and Energy et le Centre d’étude de la démocratie (Center for the Study of Democracy : CSD), indiquait que la Hongrie et la Slovaquie « ne montrent aucun signe réel de découplage avec le brut russe malgré l’exemption prévue par les textes de loi de l’UE ».
Le rapport ajoute que la sortie du pétrole russe est « entièrement réalisable » pour ces deux pays, puisque l’Adria pourrait suffire à couvrir leurs besoins combinés.
Il souligne que la Hongrie et la Slovaquie ont « nettement augmenté leurs importations via le gazoduc TurkStream, transformant la Hongrie en un hub stratégique pro-Kremlin du gaz… ce qui mine les efforts européens de diversification et entretient des réseaux opaques et captifs politiquement renforçant l’influence russe ».
Efforts de découplage de l’UE
L’UE cherche à accélérer la rupture énergétique avec Moscou.
Elle avait initialement prévu une sortie pour le 1er janvier 2028, mais Trump a plusieurs fois enjoint le bloc d’abandonner plus vite les achats d’énergie russe. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a déclaré le 19 septembre que la nouvelle proposition visait à « accélérer la sortie du gaz naturel liquéfié russe d’ici au 1er janvier 2027 ».
L’UE ne peut adopter de nouvelles sanctions que par unanimité. La Hongrie et la Slovaquie disposent d’un droit de veto, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’« option nucléaire » sans l’accord d’Orban et du Premier ministre slovaque Robert Fico.
Bruxelles dispose toutefois de leviers économiques… L’UE utilise ses fonds comme moyen de pression et détient actuellement 19 milliards d’euros gelés pour la Hongrie, en raison du rejet de ses valeurs.
Risques de sécurité en temps de guerre
Par ailleurs, la guerre pourrait trancher à la place des deux pays.
En août, l’Ukraine a frappé l’oléoduc Droujba.
« L’oléoduc Droujba est à l’arrêt », publiait Robert « Madyar » Brovdi, chef des drones ukrainiens, sur X le 18 août.
À l’époque, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjarto, expliquait que « l’armée ukrainienne ne nuit pas principalement à la Russie avec ces frappes, mais à la Hongrie et à la Slovaquie, car ce pipeline joue un rôle clé dans l’approvisionnement énergétique de notre pays, sans lequel il serait physiquement impossible de lui fournir du pétrole ».
« Compromettre notre sécurité énergétique et causer des dégâts de cette façon est inadmissible ! » lançait-il.
Après une troisième frappe en septembre, les ministres des Affaires étrangères hongrois et slovaque ont adressé une lettre conjointe à la Commission européenne, exigeant que Bruxelles agisse pour protéger les infrastructures critiques contre de nouvelles attaques.
Un porte-parole du gouvernement hongrois a renvoyé Epoch Times à une déclaration d’Orban publiée sur X le 26 septembre.
« La Hongrie est enclavée », rappelle Orban.
« Comme le président Donald Trump l’a justement souligné : on ne peut pas nous reprocher de manquer de ports ou d’oléoducs alternatifs, et nous apprécions qu’il reconnaisse cette réalité. Si l’on nous coupe du pétrole et du gaz russe, notre économie reculerait de 4 %, les familles souffriraient, les factures s’envoleraient. Nous ne céderons pas aux exigences de Bruxelles : notre sécurité énergétique et nos familles priment avant tout », ajoute-t-il.
Epoch Times a sollicité les autorités slovaques pour une réaction.
Avec L’Associated Press et Reuters
Owen Evans est un journaliste britannique qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour les libertés civiles et la liberté d'expression.

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