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13-Novembre

Dix ans après le 13-Novembre, le procureur antiterroriste estime la « menace qui s’accroît »

"La tendance générale est à une menace qui s'accroît", portée par des individus de plus en plus jeunes, estime dans un entretien avec l'AFP le procureur national antiterroriste (Pnat) Olivier Christen, alors que la France s'apprête à commémorer les attentats du 13 novembre 2015.

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Olivier Christen, procureur national antiterroriste, lors de l’inauguration du nouveau président du tribunal de Paris, le 29 septembre 2025.

Photo: LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 7 Min.

Question : Que représente la menace jihadiste pour le Pnat ?
Olivier Christen – C’est la menace la plus importante, puisqu’elle représente 86% des 540 procédures actuellement suivies par le Pnat. Cela représente 146 enquêtes préliminaires, 394 informations judiciaires, dans lesquelles 364 personnes sont mises en examen, et parmi celles-ci, 150 personnes sont en détention provisoire.
Quels sont les évènements marquants pour 2025 ?
Nous dénombrons en 2025 sur le territoire français 4 attentats. Outre celui de Puget-sur-Argens (lié à l’ultra-droite, ndlr) les 3 autres sont liés au jihadisme et, pour 2 d’entre eux, une personne a été assassinée. La menace jihadiste reste la plus importante à la fois dans son volume et dans le niveau de préparation des passages à l’acte.
En 2025, 6 attentats ont également été déjoués sur le territoire. La tendance générale est donc à une menace qui s’accroît. Nous observons depuis maintenant 3 ans une augmentation du nombre de procédures que nous ouvrons et d’autre part, dans les projets qui sont construits, un aboutissement, un stade de préparation des projets, beaucoup plus développé aujourd’hui qu’il y a quelques années.
Comment a évolué cette menace ?
Nous sommes passés d’une menace dite projetée, c’est-à-dire la capacité d’une organisation terroriste basée à l’étranger à envoyer des commandos sur le territoire européen ou le territoire national, à une menace qui a un temps été de nature téléguidée, c’est-à-dire d’organisations terroristes qui utilisent des personnes qui peuvent être en lien avec elles et sur le territoire pour passer à l’acte, à une menace aujourd’hui qui est typiquement endogène.
Elle se caractérise par des individus qui sont sur le territoire français, ne l’ont jamais quitté et n’ont pas nécessairement des rapports directs avec les organisations terroristes.
Ce sont des individus qui vont s’auto-alimenter de propagande en général et qui, à partir de là, vont envisager un engagement jihadiste, notamment un passage à l’acte en France conformément aux préconisations des principales organisations terroristes, que ce soit Daech ou Al-Qaïda.
Qu’en est-il des mineurs ?
(…) Depuis 4 ou 5 ans, nous observons un très net rajeunissement des personnes qui sont mises en examen, avec plutôt des personnes qui ont moins de 20 ans. Depuis 2023, de façon assez subite, nous constatons un très net rajeunissement, avec désormais beaucoup de mineurs.
Nous sommes passés de 2 à 3 mineurs mis en examen pour des faits terroristes par an, à 15 mineurs (…) en 2023, 19 en 2024, et nous sommes, en novembre, à 17 pour l’année 2025.
C’est un phénomène partagé par les autres pays de l’Union européenne, en Grande-Bretagne, mais également au niveau mondial, ce qui est pour l’instant assez difficile à expliquer.
Quel est leur profil ?
Aujourd’hui 42 mineurs sont mis en examen. Ce sont principalement des garçons, beaucoup de profils isolés, souvent en situation d’échec scolaire ou de relative distance par rapport à l’école. Ils vivent sur tout le territoire, et passent beaucoup de temps sur les réseaux. TikTok ou Telegram ont des algorithmes qui les conduisent assez rapidement, dès lors qu’ils recherchent des contenus liés souvent à l’ultraviolence, vers des contenus de nature jihadiste, et qui parviennent à les convaincre que leur mal-être est dû à la société, et dont la réponse est de l’attaquer.
Ce que prônent les organisations terroristes, c’est le passage à l’acte en tout lieu, par tous moyens sans qu’il soit nécessaire de rechercher à avoir des contacts avec elles.
Le 7 octobre et la situation à Gaza ont-elles eu un impact ?
L’augmentation de la tension dans la sphère jihadiste apparaît effectivement liée à ce qu’il s’est passé post-7 octobre : à la fois par une forme de mobilisation derrière les terroristes du Hamas ou du Hezbollah, qui a pu générer une motivation à passer à l’acte, puis de réaction par rapport à la situation à Gaza, qui a commencé, petit à petit, à être plus fréquemment commentée, et donc d’éléments motivateurs pour attaquer la communauté israélite, et plus largement l’Occident.
Dans la propagande et dans les propos détectés entre les jihadistes, l’antisémitisme a repris le niveau le plus élevé. Il y a toujours eu de l’antisémitisme chez les jihadistes, mais c’est redevenu un argument principal avec, dans les cibles qui sont recherchées, une prédominance des cibles israélites.
Quelles sont les autres tendances ?
À côté de la menace jihadiste, nous constatons un fort développement des menaces politiques radicales violentes et notamment (celle) liée à l’ultra-droite radicale violente. En 2025, nous avons ouvert cinq procédures relatives à ce contentieux dont un assassinat commis à Puget-sur-Argens.
Cette menace d’ultra-droite radicale violente est polymorphe : on y intègre les mouvements très politiques mais également des mouvements type incel, des masculinistes radicaux violents dont certaines références sont identiques à celles de l’ultra-droite, les théories suprémacistes ou l’antisémitisme notamment.
Le troisième pan est la menace qui émane d’États étrangers, quelque chose qui n’existait quasiment plus depuis maintenant une vingtaine d’années, au niveau français en tout cas. Nous avons à nouveau des États étrangers qui commettent ou peuvent préparer en utilisant des proxys, des actions contre les personnes sur le territoire national afin soit de lutter contre leurs opposants politiques soit de faire pression parfois sur d’autres États étrangers ou sur notre politique étrangère, à travers l’attaque de communautés qu’ils perçoivent comme hostiles pour eux, qui seraient sur notre territoire.