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Comment la Chine achète le pétrole iranien soumis à des sanctions

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Vue d'ensemble du terminal pétrolier de Hong Kong, 7 juin 2007. La Chine maintiendra le système économique capitaliste à Hong Kong, car il est essentiel à la réussite continue de l'ancienne colonie britannique, a déclaré un haut dirigeant chinois le 6 juin.

Photo: VOISHMEL/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

L’administration Trump a cette semaine imposé de nouvelles sanctions contre plusieurs entités chinoises impliquées dans l’achat et l’importation de pétrole iranien sanctionné.
Le soutien de Pékin à Téhéran — économique comme politique — n’a cessé de croître depuis près de trente ans. Ce soutien s’est souvent étendu à des secteurs iraniens soumis à sanctions, même si les mécanismes précis de l’appui chinois restent relativement opaques.
Les États-Unis cherchent depuis plusieurs années à étouffer les exportations pétrolières de l’Iran, en raison du financement du terrorisme international par Téhéran. Mais le Parti communiste chinois (PCC), qui dirige la Chine en parti unique, est parvenu à conserver son statut de premier importateur mondial de pétrole iranien, tout en évitant de subir de lourdes représailles de l’administration américaine.
Voici ce que l’on sait du commerce pétrolier illicite entre la Chine et l’Iran.

Une histoire de contournement des sanctions

Le PCC a renforcé ses relations avec l’Iran au début des années 1990, à mesure qu’il faisait face à la réprobation internationale en Occident pour la répression sanglante des protestataires étudiants lors du massacre de la place Tiananmen.
Les relations entre Pékin et Téhéran se sont étendues aux investissements dans les infrastructures et au soutien diplomatique mutuel à l’ONU au milieu des années 90. En 1997, la Chine annonçait un projet de pipeline pétrolier de 1 milliard de dollars reliant le champ pétrolier d’Uzen au Kazakhstan à l’Iran, projet finalement resté sans suite.
La même année, l’Iran fournissait près de 11 % des importations de pétrole de la Chine, selon un rapport publié en 2000 par le groupe de réflexion américain RAND Corporation. C’est à cette époque que la Chine et l’Iran auraient commencé à explorer des échanges dits « armes contre pétrole », dans lesquels Pékin fournirait des armes placées sous sanction à l’Iran en échange de pétrole, plutôt que de l’acheter directement.
Le PCC a poursuivi la validation d’investissements énergétiques de plusieurs milliards de dollars en Iran au début des années 2000, alors même que l’ampleur du programme nucléaire iranien devenait plus claire.
Les deux puissances ont également signé un accord global stratégique en 2021, dans lequel elles dénonçaient les États-Unis et leurs alliés comme « fauteurs de troubles », tout en convenant d’intégrer l’Iran au projet chinois « Nouvelles routes de la soie ».
Depuis lors, « presque toutes les exportations de pétrole iranien » seraient destinées à la Chine, d’après un rapport du Congressional Research Service. Malgré les sanctions internationales, Pékin reste le principal acheteur du pétrole de Téhéran, le brut iranien représentant près de 15 % des importations pétrolières chinoises début 2025.

Les « teapots » protègent les importations illégales de Pékin

Le PCC a cessé de publier les chiffres des importations pétrolières iraniennes en 2023, tout en qualifiant les sanctions internationales contre le pétrole iranien d’illégales.
Avec la montée des pressions économiques et diplomatiques de Washington, Pékin a délégué la responsabilité de l’importation du pétrole iranien non plus à ses grands groupes publics, mais à une constellation de sociétés plus modestes surnommées « raffineries théière » (teapots).
Les « teapots » sont de petites raffineries chinoises souvent associées, en sous-main, aux géants publics du secteur. Depuis quelques années, elles sont devenues un rouage clé dans le soutien économique apporté par la Chine à ses alliés sanctionnés que sont l’Iran, la Corée du Nord ou la Russie. Leur rôle s’est accru au fil du renforcement des sanctions, car elles recourent à des méthodes sophistiquées pour dissimuler l’importation et la transformation de brut iranien.
Parmi ces techniques, figurent l’utilisation de navires fantômes difficiles à tracer, la falsification de signaux GPS pour les pétroliers, le mélange du pétrole iranien à d’autres bruts en mer ou encore la requalification des produits iraniens. De plus, nombre de ces raffineries semi-indépendantes évitent toute exposition à des acteurs liés au système financier américain, ce qui les rend quasiment indétectables et difficilement attaquables juridiquement.

Le troc s’affranchit du dollar

Si les « teapots » expliquent comment la Chine réussit à obtenir du pétrole iranien sous sanction, ils n’éclairent pas la façon dont Pékin paie Téhéran.
Les entités publiques chinoises signent régulièrement des accords de troc avec l’Iran, contournant ainsi la nécessité d’effectuer des transactions en devises exposées aux sanctions.
En 2023, Pékin s’est par exemple engagé à moderniser le principal aéroport iranien pour plus de 2,6 milliards de dollars, préférant être payé en pétrole plutôt qu’en devises. D’autres projets majeurs suivent : champs pétroliers, réseaux ferroviaires, centrales électriques ou fonderies de métaux.
Bien que ces schémas de troc soient de plus en plus documentés, leurs rouages restent obscurs, le PCC ayant cessé de publier les chiffres officiels des importations pétrolières d’Iran en 2023 et cherchant à soustraire une partie de son appareil économique à la visibilité internationale.
Des enquêtes journalistiques cherchent à révéler ces pratiques, mais elles se fondent bien souvent sur le témoignage d’officiels anonymes et restent difficilement vérifiables. Ainsi, une enquête de Bloomberg a exploré une chaîne d’approvisionnement où des véhicules semi-finis étaient expédiés de Chine vers l’Iran et payés en cuivre et autres métaux. Une autre enquête du Wall Street Journal évoquait un système où Sinosure, le géant étatique de l’assurance crédit chinois, enregistrait les ventes de pétrole iranien puis transférait les montants correspondants à des entrepreneurs chinois employés sur les chantiers iraniens.

Les sanctions américaines restent sans effet

Bien que le commerce illicite de pétrole entre l’Iran et la Chine soit avéré et que ses mécanismes deviennent de plus en plus lisibles, la réaction des États-Unis demeure en suspens.
L’administration Trump a visé à quatre reprises des entités chinoises impliquées dans le commerce pétrolier illicite en 2025. Mais ces initiatives semblent n’avoir que peu d’impact sur les flux illégaux entre l’Iran et la Chine.
Cet échec tient en grande partie à ce que l’embargo américain oblige les producteurs iraniens à brader leurs prix, afin de convaincre leurs acheteurs de prendre le risque de contourner les sanctions.
Les raffineries théière chinoises profitent alors de prix très inférieurs aux cours mondiaux, à condition d’ignorer les interdits américains. Ces ristournes représentent des économies de plusieurs milliards de dollars par an pour la Chine.
Le risque paraît assumé côté chinois. Après la réimposition des sanctions en 2022, la Chine a même importé un volume record de pétrole iranien, témoignant d’une corrélation inverse entre sévérité des sanctions et niveau d’importations. La demande ne faiblit pas : après qu’un port du Shandong a interdit les tankers iraniens début 2025, plusieurs terminaux nouvellement construits, non exposés au système financier américain, ont accueilli les mêmes navires.
Ainsi, les sanctions semblent inciter les raffineries théière à s’engager davantage dans la contrebande de brut iranien. Leur levée n’aurait, elle, pour effet que de réorienter officiellement ces échanges vers les grandes entreprises d’État chinoises.
Andrew Thornebrooke est un journaliste indépendant qui couvre les questions liées à la Chine, en particulier la défense et la sécurité. Il est titulaire d'une maîtrise en histoire militaire de l'université de Norwich et rédige la newsletter de Quixote Hyperdrive.

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