Ce qu’il faut savoir sur les achats de pétrole russe par l’Inde

Le président russe Vladimir Poutine (à dr.) et le Premier ministre indien Narendra Modi lors d'une conférence de presse avant le Forum économique oriental à Vladivostok, en Russie, le 4 septembre 2019.
Photo: Mikhail Metzel/AFP via Getty Images
Le 6 août, Donald Trump a publié un décret qui prévoit d’augmenter, dans trois semaines, les droits de douane sur certains produits indiens importés aux États-Unis de 25 % à 50 %.
Le président américain a justifié cette importante augmentation par le fait que l’Inde continue d’acheter du pétrole brut russe.
Alors que l’Inde s’est opposée aux nouveaux taux de tarifs douaniers, la Maison-Blanche affirme que ses importations ont contribué à financer l’agression de la Russie en Europe de l’Est.
Voici ce qu’il faut savoir sur les importations indiennes de pétrole russe.
La Russie est ciblée
La nouvelle stratégie de l’administration de Donald Trump consiste à considérer l’Inde comme un élément clé dans la résolution de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.
Le 5 août, lors d’une interview accordée à la chaîne CNBC, Donald Trump a souligné que les achats de pétrole brut russe par l’Inde « alimentaient la machine de guerre ».
Dans une note publiée le 5 août, les économistes d’ING ont indiqué : « Reste à voir si la menace de sanctions secondaires sur le financement de la Russie par l’Inde est l’objectif principal. En effet, cette mesure pourrait servir de moyen de pression des États-Unis sur l’Inde afin qu’elle ouvre son économie nationale aux importations agricoles ou s’engage à acheter de l’énergie américaine à la place. »
Les relations entre l’Inde et la Russie se sont bien intensifiées ces dernières années.
Les importations de pétrole russe par l’Inde
L’Inde est rapidement devenue l’un des principaux partenaires commerciaux de la Russie, avec un commerce bilatéral annuel atteignant près de 69 milliards de dollars.
Cette évolution est principalement due aux transactions énergétiques.
Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les importations annuelles de pétrole russe de l’Inde oscillaient autour d’un milliard de dollars. Cependant, depuis le début de la guerre, ces importations ont explosé, atteignant 25,5 milliards de dollars en 2022, 48,6 milliards de dollars en 2023 et 52,7 milliards de dollars en 2024, selon la base de données Comtrade des Nations unies.
De plus, l’Inde a acheté 19 % des exportations de charbon de la Russie depuis décembre 2022.
Les experts du groupe de réflexion Observer Research Foundation estiment que l’Inde représente plus d’un tiers des exportations de pétrole brut de la Russie, derrière la Chine qui en achète 50 %.
Au cours du premier semestre 2025 seulement, l’Inde a importé du pétrole russe à un rythme moyen de 1,75 million de barils par jour, ce qui témoigne du renforcement des liens énergétiques entre les deux pays dans le domaine de l’énergie.
En raison des sanctions et des efforts menés par l’Occident pour isoler la Russie, le Groupe des Sept (G7) et l’Union européenne ont introduit un prix plafond de 60 dollars le baril de pétrole brut russe. Cela a permis à des pays comme la Chine et l’Inde d’acheter les produits pétroliers de Moscou à prix discount très avantageux.
Cependant, les économies réalisées par l’Inde ont diminué avec la stabilisation des marchés pétroliers mondiaux depuis le déclenchement de la guerre en Europe de l’Est.
Le Brent, référence internationale pour les prix du pétrole, se négocie à environ 68 dollars le baril sur le marché à terme ICE de Londres, en baisse de 9 % cette année. Cela a suscité des spéculations selon lesquelles le G7 et l’UE envisageraient d’abaisser le plafond des prix afin d’exercer une pression supplémentaire sur Moscou.
La dépendance énergétique
L’Inde importe la quasi-totalité de son énergie.
Depuis des années, la stratégie de l’Inde consiste à équilibrer ses relations géopolitiques avec les grandes puissances mondiales, qu’il s’agisse des États-Unis ou de la Chine, sans s’aligner sur aucune alliance ou aucun bloc. Le plafond de prix fixé par le G7 n’était pas une interdiction générale, car les pays non participants, tels que l’Inde, n’étaient pas tenus d’éviter d’acheter le pétrole russe.
Malgré les griefs des États-Unis concernant le renforcement des relations russo-indiennes, les responsables indiens ont déclaré que ces achats étaient essentiels pour soutenir l’économie nationale et garantir à la population (1,46 milliard de personnes à la mi-2025) l’accès à une énergie abordable.
Cependant, même si les prix du pétrole se négocient actuellement au niveau bien en dessous des niveaux d’avant-guerre en Ukraine, les données indiquent que l’Inde n’a pas ralenti ses importations de pétrole russe.
« Les raffineurs indiens ont temporairement augmenté leurs importations de pétrole brut russe, sans que les dirigeants politiques ne manifestent le moindre signe d’inquiétude », a écrit l’Observer Research Foundation.
Les États-Unis ont accusé l’Inde de revendre du pétrole et ses produits raffinés russes sur le marché libre, ce qui profiterait à la Russie.
« La revente ultérieure de ce pétrole par l’Inde sur le marché libre, souvent avec un profit considérable, permet à l’économie de la Fédération de Russie de financer davantage son agression », peut-on lire dans le décret de Donald Trump.
Les échanges commerciaux de l’Inde avec la Russie et les États-Unis
Avant même le début de la guerre en Ukraine, la Russie et l’Inde avaient commencé à renforcer leurs liens économiques.
En décembre 2021, le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre indien Narendra Modi ont signé une série d’accords commerciaux et d’armement. Ils ont également signé neuf accords liés au commerce, à la recherche et à l’action climatique en juillet 2024.
Toutefois, alors que les deux parties tentent de renforcer leurs échanges commerciaux et d’armement, les États-Unis restent un marché crucial pour l’économie indienne.
Les relations commerciales indo-américaines sont considérables, totalisant environ 212 milliards de dollars. En même temps, comme d’autres partenaires commerciaux clés américains, l’Inde exporte plus vers les États-Unis qu’elle n’importe. Donald Trump a régulièrement souligné les nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires de cette puissance économique sud-asiatique, les qualifiant de « pénibles » et d’« odieuses ».
« Nous avons très peu d’échanges commerciaux avec l’Inde ; leurs droits de douane sont trop élevés, parmi les plus élevés au monde », a-t-il noté dans un message publié la semaine dernière sur Truth Social.
Selon le Bureau du représentant américain au Commerce, le déficit commercial des États-Unis avec l’Inde s’élevait à près de 46 milliards de dollars en 2024, soit une augmentation de 5,9 % par rapport à 2023.
Deepali Bhargava, responsable régionale de la recherche Asie-Pacifique chez le groupe financier néerlandais ING, a expliqué que les marchandises destinées aux États-Unis représentent environ 18 % des exportations indiennes, tandis que la part de la Russie dans les exportations indiennes est d’environ 1 %, ce qui signifie que le taux des tarifs douaniers américains très élevé « pourrait avoir un impact important sur la croissance [du produit intérieur brut indien] ».
Au deuxième trimestre de 2025, le taux de croissance du produit intérieur brut indien était de 7,4 %, contre l’accroissement de 6,4 % au cours des trois premiers mois cette année. Les premières estimations suggèrent que la croissance au troisième trimestre sera à peu près la même.
« Nous pensons qu’il est probable que les deux pays poursuivront les négociations, en utilisant des moyens de pression tels que la réduction des importations en provenance de Russie, et que l’Inde pourrait finalement bénéficier d’un taux de tarifs douaniers plus bas », a indiqué Mme Bhargava dans une note datée du 6 août.
Entre-temps, a-t-elle ajouté, l’attrait de l’Inde pour les investisseurs – tant au niveau national qu’international – pourrait se détériorer, ce qui pourrait contraindre la Banque centrale indienne à baisser ses taux d’intérêt d’ici la fin de l’année.
Epoch Times a contacté le gouvernement indien pour ses commentaires.

Andrew Moran couvre les affaires, l'économie et la finance. Il est écrivain et reporter depuis plus de dix ans à Toronto, avec des articles publiés sur Liberty Nation, Digital Journal, et Career Addict. Il est également l'auteur de "The War on Cash" (La guerre contre le liquide).
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