Casse du Louvre
Casse du Louvre : un audit en 2017 alertait sur les risques d’une « atteinte » sécuritaire aux conséquences « dramatiques »
L'alerte n'est pas nouvelle. Bien avant le vol spectaculaire qui a secoué le Louvre, un rapport officiel sonnait déjà le tocsin. En 2017, l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (Inhesj) remettait au musée parisien un audit accablant. Son constat ? Les dispositifs de protection du site étaient déjà dépassés et inadaptés. Plus inquiétant encore, le document évoquait la menace d'une "atteinte" aux conséquences potentiellement "dramatiques".

Le Premier président de la Cour des comptes , Pierre Moscovici, s'exprime lors de la présentation du rapport de la Cour des comptes sur le Louvre, à la Cour des comptes à Paris, le 6 novembre 2025.
Photo: BERTRAND GUAY/AFP via Getty Images
Sept ans plus tard, ces mots résonnent avec une amertume particulière. Le 19 octobre dernier, huit joyaux de la Couronne disparaissaient en plein jour du musée le plus visité au monde, provoquant une onde de choc internationale. Comment en est-on arrivé là ? La Cour des comptes apporte des éléments de réponse dans son rapport dévoilé jeudi, qui examine la gestion du Louvre entre 2018 et 2024.
Une prophétie ignorée depuis 2017
L’audit de 2017 ne laissait planer aucun doute. Les experts de l’Inhesj avaient relevé de multiples failles béantes dans le système de sécurité du musée. L’absence totale d’un plan d’action dédié à la sûreté constituait la première anomalie majeure. Mais ce n’était que la partie émergée de l’iceberg.
Les dispositifs techniques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment, présentaient des signes inquiétants de vieillissement. La vidéosurveillance, les systèmes de détection électronique, les protections mécaniques, le contrôle d’accès : tous ces équipements nécessitaient une refonte complète. Un diagnostic sans appel qui appelait à une réaction immédiate.
L’appel à une « révolution des esprits » resté lettre morte
« Si l’établissement a jusqu’à présent été relativement épargné, il ne peut plus ignorer faire potentiellement l’objet d’une atteinte dont les conséquences pourraient se révéler dramatiques », martelait l’audit. Les auteurs ne mâchaient pas leurs mots : mettre en place une politique globale de sûreté n’était plus « optionnelle mais essentielle ».
Pourtant, ils anticipaient déjà les obstacles. Le rapport mentionnait explicitement des « résistances internes » et des « parties prenantes parfois rétives ». Une « véritable révolution des esprits » s’imposait, écrivaient-ils, conscients que le changement ne viendrait pas facilement. L’urgence était telle que les préconisations devaient être appliquées avant la fin 2017.
Un enlisement bureaucratique de sept années
La réalité a tristement dépassé les craintes des auditeurs. « Près de dix années après ces résultats préoccupants, le musée du Louvre n’a pas été en mesure de dépasser le stade des études techniques », déplore sèchement la Cour des comptes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 83 millions d’euros budgétés pour le schéma directeur de sûreté, seuls 3 millions ont effectivement été investis.
Le calendrier initial a volé en éclats. L’élaboration du schéma directeur s’est éternisée pendant plusieurs années. L’appel d’offres pour moderniser les équipements n’a été lancé qu’en décembre 2024, soit sept ans après l’audit initial. Entre-temps, les caméras analogiques continuaient de fonctionner, attendant désespérément leur remplacement par des modèles numériques.
Une lucidité tardive et une défense timide face aux accusations
Face à ces reproches cinglants, la direction du Louvre rejette l’accusation d’inertie. Elle met en avant un « plan d’action d’urgence » déployé entre 2019 et 2021. Un argument qui peine à convaincre au vu du vol d’octobre dernier.
Laurence des Cars, arrivée à la tête du musée fin 2021, avait elle-même jugé ce plan insuffisant six mois après sa prise de fonction. Elle avait réclamé son renforcement, consciente que « le niveau d’ambition n’était pas suffisant ». Une lucidité tardive qui n’aura malheureusement pas empêché le scénario catastrophe tant redouté par l’audit de 2017.
Aujourd’hui, le Louvre paie le prix de sept années d’atermoiements. La « révolution des esprits » n’a jamais eu lieu, et le musée aux trésors inestimables reste vulnérable.
Avec AFP

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