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La Chine à l'international

Accord sino-américain : un répit précaire face à un long historique de promesses non tenues

La rencontre tant attendue entre les États-Unis et la Chine, qui s’est tenue le 30 octobre en Corée du Sud, s’est conclue par une trêve commerciale qui a permis d’abaisser les droits de douane et de mettre fin à une guerre des tarifs qui s’enlisait entre les deux plus grandes économies du monde.

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Un homme conduit un chargeur frontal pour déplacer de la terre contenant des minéraux de terres rares destinés à l’exportation vers le Japon, dans le port de Lianyungang, province du Jiangsu (Chine), le 5 septembre 2010. Photo retouchée par Epoch Times – STR / AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 13 Min.

La Chine a repris ses achats de soja américain après plusieurs mois d’interruption, les exportations de terres rares à destination des États-Unis vont reprendre, et les surtaxes portuaires sont suspendues de chaque côté.

Les deux dirigeants ont salué une rencontre « très positive ». Donald Trump lui a attribué la note de « 12 sur 10 », et le dirigeant chinois Xi Jinping y a vu « un nouveau départ ».

Mais derrière ce ton cordial se pose la question de savoir combien de temps cette détente durera-t-elle, et surtout, si le Parti communiste chinois (PCC) a l’intention de tenir ses promesses.

« C’est un analgésique diplomatique », a déclaré Sun Kuo-hsiang, professeur de relations internationales à l’Université Nanhua de Taïwan. « Cela soulage les symptômes, mais ne traite pas la cause profonde. »

L’économiste Christopher Balding, fondateur du New Kite Data Labs, compare la situation à un « cessez-le-feu ».

« La plupart des cessez-le-feu sont très fragiles », souligne-t-il. « Ils ne durent jamais très longtemps. »

Selon M. Sun, tout indique que Pékin utilise une tactique bien connue : gagner du temps.

Un jeu de retardement ?

Cette rencontre historique du 30 octobre était la première en plus de six ans entre MM. Trump et Xi.

À l’issue de leurs échanges, M. Trump a affirmé que les deux dirigeants s’étaient « mis d’accord sur de nombreux points, et que d’autres, même importants, étaient proches d’un règlement ».

L’accord a entraîné un recul des menaces et mesures de rétorsion accumulées ces derniers mois. Les tarifs douaniers réciproques imposés depuis mars sont suspendus ; la Chine reprend ses achats de soja américain ; et les restrictions sur les exportations de terres rares, imposées en octobre, sont levées pour un an. Pékin s’est aussi engagé à réprimer la contrebande de précurseurs de fentanyl en échange d’une réduction de 10 % des droits de douane américains.

Le stand du U.S. Soybean Export Council lors de la huitième Exposition internationale d’importation de Chine à Shanghai, le 5 novembre 2025. Ce jour-là, la Chine a annoncé qu’elle prolongeait d’un an la suspension des droits de douane supplémentaires sur les produits américains, officialisant ainsi l’accord conclu la semaine précédente entre le président américain Donald Trump et le dirigeant chinois Xi Jinping. Hector Retamal / AFP via Getty Images

Mais les sujets les plus épineux — le sort de Taïwan, les droits de l’homme, les tensions militaires en Indo-Pacifique, la politique industrielle chinoise, TikTok et les semi-conducteurs — ont été laissés de côté.

« Beaucoup de problèmes n’ont tout simplement pas été abordés », observe M. Balding.

Ces questions, ajoute-t-il, referont surface tôt ou tard.

Pékin a d’ailleurs rappelé qu’il ne transigerait pas sur ses « intérêts fondamentaux ». Quelques jours après l’accord, l’ambassadeur Xie Feng a averti que les États-Unis devaient « éviter de franchir les lignes rouges » sur Taïwan et les droits humains.

Même les engagements annoncés demeurent flous. L’accord commercial sera réexaminé chaque année, tout comme la suspension des restrictions sur les terres rares ou des taxes sur les navires liés à la Chine. Un an suffit pour que la moindre tension géopolitique — qu’elle vienne du détroit de Taïwan ou du rapprochement russo-chinois — fasse basculer les priorités.

À cela s’ajoute une incertitude juridique : la Cour suprême des États-Unis doit examiner la légalité de l’autorité présidentielle en matière de tarifs mondiaux. Le 6 novembre, M. Trump a reconnu qu’un « plan B » était à l’étude, mais que les alternatives seraient « plus lentes ».

Cette absence de détails offre à Pékin de larges marges de manœuvre, selon Yeh Yao-yuan, professeur à l’Université de St Thomas :

« Dire une chose et en faire une autre, c’est typique du Parti communiste chinois », affirme-t-il.

Comme les objectifs chiffrés sont vagues, le régime peut « jouer la montre » sans livrer de résultats tangibles.

Une couverture médiatique de la rencontre entre le président américain Donald Trump et le dirigeant chinois Xi Jinping en Corée du Sud est diffusée sur un écran de télévision à l’extérieur d’un centre commercial de Pékin, le 30 octobre 2025. Les deux dirigeants ont convenu de suspendre les tarifs douaniers réciproques imposés par la Chine, de reprendre les achats chinois de soja américain, de lever temporairement les restrictions sur les exportations de terres rares et de renforcer la lutte contre la contrebande de précurseurs de fentanyl. Adek Berry / AFP via Getty Images

Promesses … et réalités

Washington se méfie depuis longtemps de l’écart entre les engagements de Pékin et leur mise en œuvre.

Lors de son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine avait promis d’ouvrir ses marchés, de supprimer les barrières commerciales et de protéger la propriété intellectuelle. Ces promesses se sont révélées largement illusoires. Subventionnées par l’État, les entreprises chinoises inondent les marchés de produits à bas prix, et la contrefaçon reste florissante.

Durant son premier mandat, M. Trump avait lancé une guerre commerciale pour tenter de corriger ces déséquilibres. Elle avait abouti à un accord de phase 1 en janvier 2020. Pékin s’était engagé à acheter pour 200 milliards de dollars de biens américains — objectif qu’il n’a jamais atteint, invoquant la pandémie.

Sous l’administration Biden, une rencontre de quatre heures en 2023 avait déjà conduit la Chine à promettre un durcissement de la lutte contre le fentanyl. Mais la crise reste entière.

« Le PCC n’est pas connue pour respecter ses engagements », constate Lucia Dunn, professeure émérite d’économie à l’Université d’État de l’Ohio.

Yeh Yao-yuan parle, lui, de « double langage » :

« Dès qu’il y a quelque chose qui ne les arrange pas, ils ne le font tout simplement pas. Ils repoussent cela indéfiniment. »

Après des décennies de manipulation des marchés et de soutien massif de l’État, la Chine domine désormais la production mondiale de terres rares — au point de pouvoir tenir le monde en otage.

« Ce n’est plus les États-Unis contre la Chine, c’est la Chine contre le monde », a résumé le secrétaire au Trésor Scott Bessent le 2 novembre sur CNN. « Elle a montré qu’on ne pouvait pas lui faire confiance dans de nombreux domaines. »

Un conteneur d’oxyde d’europium importé de Chine repose dans l’entrepôt de Tradium, une société de négoce de terres rares basée à Francfort, en Allemagne, le 4 novembre 2025. Des décennies de manipulation des marchés, de soutien étatique et d’investissements agressifs ont fait de la Chine le principal fournisseur mondial d’éléments de terres rares. Kirill Kudryavtsev / AFP via Getty Images

Concessions forcées

La Chine fait actuellement face à une crise nationale : le secteur immobilier s’effondre, les commandes à l’export stagnent, le chômage des jeunes explose, des millions de restaurants ferment. Dans certaines zones industrielles comme Kangle, les ouvriers rentrent chez eux faute de travail.

Sous cette pression, Pékin cherche un répit.

« Xi est obligé de faire des concessions, mais ce sont des demi-concessions », estime M. Yeh.

Le nouveau plan quinquennal du régime chinois veut mettre l’accent sur l’autosuffisance technologique et la sécurité économique, veut soutenir la consommation intérieure et construire un « bouclier de sécurité nationale ».

De son côté, Washington accélère la diversification de ses approvisionnements. Avant sa rencontre avec Xi, M. Trump s’est rapproché de l’Australie, du Japon et de plusieurs pays d’Asie du Sud-Est afin de sécuriser les minerais critiques. Il a reçu à la Maison-Blanche cinq pays d’Asie centrale connus pour être riches en métaux précieux.

« Nous allons avancer à une vitesse fulgurante pour nous dégager de l’épée que la Chine tient au-dessus de nous — et du monde entier », a affirmé M. Bessent.

Sur le plan technologique, M. Trump s’est opposé à la vente de certaines puces américaines les plus avancées à destination de la Chine. Des on côté, Pékin interdit les semi-conducteurs étrangers dans ses centres de données publics.

Des techniciens travaillent sur des équipements de traitement de puces dans une usine de semi-conducteurs à Suqian, dans la province du Jiangsu (Chine), le 20 octobre 2025. Donald Trump a exclu toute vente à la Chine des puces les plus avancées de l’Américain Nvidia, tandis que Pékin a interdit les semi-conducteurs étrangers dans les centres de données financés par l’État. STR / AFP via Getty Images

Le « nouveau normal »

Selon M. Bessent, les États-Unis ne cherchent pas une rupture totale, mais un « désengagement maîtrisé ». Mais selon M. Balding cette distinction est purement rhétorique :

« On serait bien en peine de trouver des définitions précises de ces termes », ironise-t-il.

À long terme, ce désengagement sino-américain paraît inéluctable, estime Wang Guo-chen du Chung-Hua Institution for Economic Research : « Les deux s’y préparent, mais personne n’est encore prêt à en payer le prix. »

Pour l’économiste politique Davy J. Wong, la logique de la relation a changé : « Sécurité et autonomie sont devenus les nouveaux mots d’ordre. »

Et cela rend toute coopération par nature fragile, observe M. Yeh : « Quand on est partenaires, tout est simple ; mais la relation est passée de la coopération à la compétition — et pas n’importe laquelle : c’est une lutte à mort. »

Sur le plan idéologique, le fossé est profond. Le mot chinois pour désigner la Chine est littéralement le « Royaume du Milieu ». Mais dans ce contexte « milieu » veut dire « centre », explique M. Balding. «Ainsi, la Chine se perçoit comme le centre du monde autour duquel tout gravite. »

« Cela la place en désaccord fondamental non seulement avec les États-Unis, mais avec beaucoup d’autres pays. »

Eva Fu est rédactrice pour Epoch Times à New York spécialisée dans les relations entre les États-Unis et la Chine, la liberté religieuse et les droits de l'homme.

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