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Accès humanitaire à Gaza : ce que l’on sait

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Des enfants palestiniens déplacés font la queue pour obtenir une portion de nourriture cuite d'une cuisine caritative à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 9 mars 2025.

Photo: Omar al-Qattaa/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 19 Min.

Vingt et un mois après le début de l’offensive israélienne lancée suite à l’attaque du 7 octobre par le groupe terroriste Hamas, la situation sur le terrain à Gaza est devenue l’une des crises les plus complexes et les plus contestées.
Les organisations internationales mettent en garde contre une famine imminente, un accès limité à l’eau potable, des hôpitaux défaillants et des déplacements de population touchant 90 % de la population.
Pendant ce temps, Israël affirme qu’il n’y a pas de famine à Gaza et accuse le Hamas d’entraver la distribution de l’aide.
Comment l’aide est-elle censée parvenir à Gaza ? Qui bloque quoi et pourquoi ?
Voici un aperçu de ce que nous savons sur le fonctionnement de l’aide à Gaza, sur les raisons de son échec et sur la réponse apportée par les acteurs mondiaux.
Qui fournit l’aide et comment ?
Avant les attaques du Hamas qui ont tué plus de 1200 Israéliens et citoyens étrangers et en ont enlevé 251 le 7 octobre 2023, l’aide humanitaire parvenait à Gaza principalement par voie terrestre, avec quelques livraisons aériennes et maritimes limitées dans des contextes d’urgence.
Les principaux acteurs incluaient l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA), le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les ONG internationales et les organismes d’aide nationaux.
Depuis octobre 2023, la livraison est confrontée à d’immenses défis : fermeture des frontières, combats et anarchie.
Les convois de camions passent par des points de passage terrestres étroitement surveillés comme Rafah (Égypte-Gaza) et Kerem Shalom (Israël-Gaza), mais les volumes sont bien inférieurs aux besoins.

Des camions faisant partie d’un convoi d’aide humanitaire transportant des cargaisons aux Palestiniens de la bande de Gaza attendent que le convoi commence à se déplacer dans le district d’Asmarat à al-Muqattam, en Égypte, le 26 janvier 2025. (Nader Nabil/AFP via Getty Images)

Les Nations Unies et le PAM ont expliqué que les envois d’aide, quelle que soit leur origine, doivent être coordonnés avec les autorités israéliennes. Après l’ouverture de points d’accès supplémentaires par Israël à la mi-2024, les convois étaient encore fréquemment interrompus pour des raisons de sécurité, selon les organisations.
Début 2025, les agences de l’ONU ont signalé que l’accès était devenu si restreint et les conditions si dangereuses que de nombreux convois ont tout simplement cessé de circuler.
Aujourd’hui, le système d’acheminement de l’aide à Gaza est fragmenté et dysfonctionnel.
Pourquoi Israël a-t-il bloqué l’aide de l’ONU ?
Le 2 mars, Israël a imposé un blocus total, coupant l’approvisionnement en nourriture, en carburant et en médicaments dans le but de faire pression sur le Hamas pour qu’il libère les otages israéliens.
Cette décision fait suite à l’effondrement d’un cessez-le-feu de deux mois le 18 mars et à la reprise des opérations militaires.
Israël a estimé que le blocus était nécessaire pour empêcher le Hamas de détourner l’aide vers des terroristes. Le groupe nie ces accusations.
Les groupes humanitaires affirment que le blocus a créé un goulot d’étranglement mortel, aggravant les maladies et la malnutrition.

Une femme et un garçon se tiennent à côté d’un fauteuil roulant chargé de colis d’aide humanitaire dans le centre de la ville de Gaza, le 27 août 2024. (Omar Al-Qattaa/AFP via Getty Images)

Sous la pression internationale, Israël a annoncé le 18 mai un assouplissement partiel des restrictions, autorisant une aide limitée pour prévenir la famine. Les organisations humanitaires ont déclaré que les fournitures étaient encore insuffisantes.
Plus de 40 pays ont rejoint une plainte déposée par l’ONU devant la Cour internationale de justice, affirmant que le blocus violait le droit humanitaire.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, a déclaré que les audiences du tribunal constituaient une persécution systématique et une délégitimation de son pays. Il a accusé l’ONU et l’UNRWA d’instrumentaliser le droit international pour priver Israël de son droit à se défendre.
Israël a également affirmé que l’UNRWA était un acteur compromis infiltré par le Hamas, suite à des informations selon lesquelles plusieurs de ses employés auraient participé ou soutenu les attaques du 7 octobre.
L’UNRWA a enquêté sur 19 membres du personnel suite aux allégations du 7 octobre, et 9 ont été licenciés en raison de possibles liens. Un seul a été blanchi, et 9 autres n’ont pas été reconnus coupables.
Qu’est-ce que la Fondation humanitaire de Gaza ?
Créée en mai 2025, la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) est une alternative aux efforts de secours menés par l’ONU, soutenue par les États-Unis et initiée par Israël. Cette initiative fait suite aux allégations israéliennes selon lesquelles le Hamas aurait exploité les canaux d’aide précédents.
Opérant depuis quatre sites dans le sud et le centre de Gaza, la GHF distribue de l’aide, financée en partie par une subvention de 30 millions de dollars du Département d’État américain, avec la coordination des autorités israéliennes. Ce modèle fait appel à des entrepreneurs privés et à la sécurité militaire israélienne.

Des Palestiniens traversent le corridor de Netzarim, dans le centre de Gaza, transportant des colis d’aide reçus d’un point de distribution d’aide mis en place par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF) basée aux États-Unis, le 26 juin 2025, dans un contexte de crise humanitaire après 20 mois de conflit avec Israël. (MOIZ SALHI/Middle East Images/AFP via Getty Images)

Les principaux groupes d’aide humanitaire, tels que les agences des Nations Unies, Oxfam et Médecins Sans Frontières, entre autres, ont refusé de se joindre à l’opération, invoquant des inquiétudes concernant la sécurité des civils, l’implication militaire et l’incompatibilité avec les principes humanitaires.
Le 25 mai, le directeur exécutif du GHF, Jake Wood, qui occupait ce poste depuis deux mois, a démissionné, affirmant que le plan d’aide ne pouvait pas être mis en œuvre dans le respect des principes humanitaires fondamentaux.
Le GHF continue de distribuer de l’aide malgré les critiques persistantes et les appels de plusieurs pays à rétablir l’accès des agences de l’ONU.
Selon ses derniers chiffres, la fondation a livré près de 89 millions de repas.
Comment la distribution de l’aide est-elle devenue mortelle ?
À Gaza, la faim n’est plus la seule menace sur les sites de distribution alimentaire : la violence a rendu le simple fait de demander de l’aide potentiellement mortel.
Selon un communiqué de l’ONU citant le ministère de la Santé de Gaza contrôlé par le Hamas, plus de 1050 Palestiniens ont été tués entre le 27 mai et le 21 juillet alors qu’ils tentaient d’accéder à la nourriture.
Il a indiqué qu’au moins 766 personnes sont mortes à proximité des sites d’aide du GHF et 288 autour des convois d’aide de l’ONU et d’autres convois.
Les chiffres n’ont pas pu être vérifiés de manière indépendante par Epoch Times.
Les civils en manque désespéré de nourriture sont pris dans un mélange instable de surpopulation, de manque de coordination et d’activité militaire.
Les témoignages et les reportages des médias décrivent des scènes chaotiques : des gens se précipitent vers les camions d’aide, avec un contrôle minimal des foules et des coups de feu éclatant dans certains cas.

Un Palestinien déplacé fait le signe de la victoire en portant des sacs de riz reçus d’un centre de distribution d’aide à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 28 mai 2025. (AFP via Getty Images)

Les autorités sanitaires de l’ONU et du Hamas ont affirmé que les troupes israéliennes avaient ouvert le feu sur des civils non armés. L’armée israélienne a nié ces allégations et accusé le Hamas de diffuser de fausses informations et de tenter d’empêcher les Palestiniens de recevoir de l’aide en tirant sur eux.
L’ONU a également déclaré que le GHF contournait le système établi par l’ONU. De son côté, Israël a indiqué que la structure dirigée par l’ONU permettait le détournement de l’aide vers des groupes terroristes et ne garantissait pas la responsabilité ou la neutralité dans la bande de Gaza.
Entre-temps, le GHF a proposé de distribuer gratuitement toute l’aide internationale à Gaza pour éviter toute détérioration.
L’organisation, aux côtés de responsables américains, a signalé que l’aide de l’ONU et d’autres groupes s’accumulait près des frontières et à l’intérieur de Gaza sans atteindre ceux qui en ont besoin.
L’ONU a expliqué avoir du mal à acheminer l’aide humanitaire à Gaza en raison des restrictions imposées par l’armée israélienne et des menaces sécuritaires, notamment des pillages. Elle a indiqué que plus de la moitié de ses demandes d’aide, soit 506 sur 894 soumises en mai, juin et juillet, ont été refusées ou entravées par l’armée israélienne.
En avril, le Comité international de secours (IRC) a qualifié Gaza d’endroit le plus dangereux au monde pour les travailleurs humanitaires et les civils. En juin, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a déclaré que depuis octobre 2023, au moins 463 travailleurs humanitaires ont été tués à Gaza.
Invoquant des frappes militaires sur des convois d’aide, plusieurs organisations humanitaires ont suspendu leurs opérations à Gaza en avril, notamment World Central Kitchen et Anera.
Quelle est l’ampleur de la pénurie alimentaire à Gaza ?
Plus de 19 mois après le début de la guerre, Gaza est confrontée à une catastrophe alimentaire d’origine humaine qui, selon les organisations internationales, risque de plus en plus de se transformer en famine.
Selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), une norme mondiale permettant d’évaluer la gravité de l’insécurité alimentaire, l’ensemble de la population de Gaza est confrontée à de graves niveaux de faim.
Près d’un demi-million de personnes se trouvent dans ce que l’IPC qualifie de « catastrophique », ce qui signifie qu’elles risquent immédiatement de mourir de famine.
L’ONU rapporte que les produits essentiels sont déjà épuisés ou devraient bientôt s’épuiser, tandis que toutes les boulangeries soutenues par le PAM ont fermé début avril en raison d’un manque d’ingrédients.
Les cuisines préparant des plats chauds sont à court de nourriture et même les réserves de nutrition préventive dans les entrepôts de l’ONU sont épuisées.

Des enfants palestiniens attendent un repas dans une cuisine de charité dans le quartier de Mawasi à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 juillet 2025. (/AFP via Getty Images)

La malnutrition, en particulier chez les enfants, s’aggrave rapidement, selon l’analyse de l’IPC, qui prévoit plus de 70.000 cas de malnutrition aiguë chez les enfants de moins de 5 ans au cours de l’année à venir.
Les femmes enceintes et allaitantes sont également gravement touchées : 17.000 d’entre elles devraient nécessiter un traitement contre la malnutrition. Le nord de Gaza, la ville de Gaza et Rafah devraient atteindre des niveaux critiques de malnutrition aiguë d’ici septembre.
Bien que certaines zones de Gaza ne répondent pas encore aux critères techniques de classification de « famine » – comme les niveaux de mortalité documentés -, sans un changement radical dans l’accès et une intensification rapide de la distribution de l’aide, Gaza est sur le point de connaître une famine à grande échelle, d’après les évaluations.
Selon les chiffres rapportés par l’OCHA, les systèmes de santé, d’hébergement et d’assainissement de Gaza sont également au bord de l’effondrement.
Israël a qualifié l’évaluation de l’ONU d’exagérée. Son bras militaire, le COGAT (Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires), affirme qu’il n’y a « pas de famine à Gaza », et que la formulation est « inexacte et alarmiste ».
En mai, le COGAT a critiqué l’analyse de l’ONU, qui aurait négligé l’important afflux d’aide humanitaire lors de l’accord de libération des otages : 25.200 camions, transportant principalement de la nourriture. Il a ajouté que l’IPC s’appuie sur les données de l’ONU, qui, pendant le cessez-le-feu, n’ont rendu compte que d’environ un tiers de l’aide réellement acheminée.
Dans sa propre analyse, Israël a déclaré que le rapport de l’IPC excluait les données fournies par Israël et omettait les améliorations significatives dans la fourniture de l’aide, comme l’élargissement des points de passage, les largages aériens, les hôpitaux de campagne et les contributions du secteur privé.
Israël a accusé le rapport d’être partial, car il minimise le rôle du Hamas dans la détérioration des conditions humanitaires et déforme les tendances en matière d’intensité des conflits, de nombre de victimes et de dommages aux infrastructures.
Que disent les autres pays ?
Les critiques internationales à l’encontre de la gestion par Israël de l’aide et de la protection des civils à Gaza s’intensifient.
Le 23 juillet, une déclaration commune de 28 pays alignés sur l’Occident a condamné ce qu’ils ont appelé « l’aide au goutte-à-goutte et le massacre inhumain de civils ».
Les signataires, dont le Royaume-Uni et la France, ont rejeté les propositions impliquant la relocalisation forcée des Palestiniens et ont exigé qu’Israël lève les restrictions sur l’aide et permette aux agences de l’ONU et aux ONG humanitaires d’opérer en toute sécurité.
Israël accuse le Hamas d’être responsable de la prolongation du conflit en refusant les conditions du cessez-le-feu et en retenant des otages. Israël maintient sa position : la pression militaire se poursuivra jusqu’à la défaite ou le désarmement du Hamas.
Pendant ce temps, les responsables américains ont exprimé leur désaccord de rejeter la responsabilité sur Israël, et dirigent la pression vers le groupe terroriste.
« Des lettres aux termes fermes n’arrêteront pas le Hamas », a déclaré un porte-parole du département d’État, affirmant que les États-Unis dirigeaient les efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre.

Le président américain Donald Trump rencontre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche à Washington, le 7 avril 2025. (Saul Loeb/AFP via Getty Images)

Les négociations de cessez-le-feu au Qatar ont récemment pris fin, l’envoyé américain Steve Witkoff accusant le Hamas de ne pas s’engager de bonne foi.
Il a indiqué que Washington pourrait désormais explorer d’autres options pour résoudre la crise.
Les tensions ont également augmenté après l’annonce par la France de sa volonté de reconnaître officiellement un État palestinien dans les prochains mois, un changement symbolique qui a suscité la condamnation israélienne.
Cette décision intervient juste avant une conférence de l’ONU, co-organisée par la France et l’Arabie saoudite, centrée sur la relance de la solution à deux États.
Evgenia Filimianova est une journaliste basée au Royaume-Uni qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la politique britannique, les procédures parlementaires et les questions socio-économiques.

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