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Alaska : ils ont tout quitté pour vivre en autarcie dans le Grand Nord

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Dennis et Amy Westerlind dans leur propriété en Alaska.

Photo: Holdfast Alaska

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Durée de lecture: 11 Min.

Animés par un rêve d’indépendance et de nature sauvage, Dennis et Amy Westerlind ont tout quitté pour s’établir hors réseau, au cœur de l’Alaska. De la côte Est américaine aux confins du parc Wrangell–St. Elias, leur histoire raconte autant une quête de liberté qu’une leçon de résilience.
Lorsqu’ils atteignent le port de Bellingham, dans l’État de Washington, par une froide nuit de novembre 2020, Dennis et Amy Westerlind ont déjà parcouru un long chemin. Leur vieille voiture, chargée à bloc, a avalé plus de 5000 kilomètres depuis leur ferme du Maine. Leur fille Lena, encore toute petite, dort paisiblement à l’arrière de la voiture. Le couple embarque son véhicule sur un ferry en direction du nord — destination : l’Alaska.
La traversée s’avère périlleuse. Dans l’obscurité totale, le ferry s’enfonce dans les eaux du Pacifique nord, secoué par des vents puissants. « Il y avait des creux de plus de dix mètres, se souvient Dennis. Nous avons passé cinq jours sur ce bateau, et c’était rude. »
Malgré la tempête, le couple garde le cap. Depuis des années, ils nourrissent le rêve d’une vie simple, autonome, en harmonie avec la nature. Dans le Maine, ils ont déjà bâti une première ferme hors réseau, à la sueur de leur front. Quitter ce refuge n’a pas été facile, mais l’appel du Grand Nord était plus fort : ils veulent aller plus loin, tester leurs limites.
Quelques jours plus tard, le ferry accoste enfin. Les Westerlind posent les roues sur une terre qu’ils n’ont encore jamais foulée, mais qu’ils ont longtemps rêvé d’habiter : l’Alaska.

(Crédit photo Holdfast Alaska)

Un apprentissage à la dure
Leur rêve d’autarcie est né bien plus tôt, dans un petit appartement de la banlieue de Boston. Dennis travaillait alors comme pêcheur de homard pour l’entreprise familiale de son beau-père ; Amy en tenait la comptabilité. Ni l’un ni l’autre n’avaient grandi à la campagne. Ils ignoraient tout du jardinage, de l’élevage ou de la chasse.
Peu à peu, ils commencent pourtant à s’initier à la vie en autonomie. Amy cultive quelques tomates sur le balcon, le couple passe ses week-ends à explorer les forêts du Maine. Jusqu’au jour où ils décident de franchir le pas.
« On en avait assez de vivre près de la ville, raconte Dennis. On cherchait du terrain bon marché, vendu directement par les propriétaires. On économisait : plus de restaurants, plus de sorties, même plus de coiffeur. »
Avec l’équivalent de 4300 euros d’économies, ils achètent une petite parcelle boisée dans l’ouest du Maine. « Le vendeur était un vieux monsieur, dit Dennis. On lui a expliqué notre projet, on s’est serré la main, et c’était fait. »
« Nous avions tellement hâte d’y être ! », ajoute Amy.

(Crédit photo Holdfast Alaska)

Apprendre à vivre de ses mains
Contre l’avis de leurs familles, Dennis et Amy s’installent en mars 2011 sur leur terrain de trente acres, sans eau courante, sans électricité. Ils passent le printemps et l’été sous tente, cuisinant sur des feux de camp, se lavant à l’eau d’une source, et construisant une première cabane en rondins.
Pendant huit ans, ils transforment la montagne envahie de broussailles en une ferme florissante : un puits, des pâturages, des cultures, des animaux, des conserves maison. En 2019, leur fille Lena naît dans la cabane qu’ils ont bâtie de leurs mains.
« Tout ce qu’on a fait là-bas, c’était à la main, sans dettes, avec nos seules économies », dit Dennis.
Plus tard, le couple revend la propriété et achète, comptant, une ferme de cinquante acres près de Farmington, toujours dans le Maine. Ils y élèvent une vache, cultivent un potager, vendent leurs produits. Mais une envie persiste : celle d’aller plus loin.
« Nous avions toujours rêvé de venir en Alaska, raconte Dennis. Nous étions jeunes, en bonne santé ; on s’est dit : c’est maintenant ou jamais. »

(Crédit photo Holdfast Alaska)

(Crédit photo Holdfast Alaska)

Un autre monde
Arriver en Alaska au cœur de l’hiver a été un choc.
« Le soleil ne se lève pas avant dix heures et demie, et à trois heures de l’après-midi, il fait déjà nuit, raconte Dennis. »
Amy ajoute : « Mais c’était presque une bonne chose. On a tout de suite été plongés dans l’atmosphère. »
Ils achètent alors deux acres de terrain à la lisière du Kenai National Wildlife Refuge, immense réserve naturelle longeant le golfe d’Alaska. Là, ils apprennent à vivre dans un milieu rude : ils pêchent le saumon, chassent l’orignal et le wapiti, s’adaptent au climat côtier.
Peu à peu, pourtant, l’endroit leur paraît trop familier.

Les Westerlind ont appris une méthode traditionnelle pour conserver leur saumon de la rivière Copper : pas besoin d’électricité, juste du soleil, de la fumée et du vent. (Crédit photo Holdfast Alaska)

« C’était un peu trop peuplé, trop semblable au Maine, dit Dennis. On cherchait une expérience plus authentique. »
Au coeur sauvage de l’Alaska
Au printemps 2024, la famille repart une nouvelle fois, direction l’intérieur du territoire. Elle paie comptant une petite cabane en rondins hors réseau, nichée sur sept acres, près de l’entrée nord du parc national de Wrangell–St. Elias.
Dans cette région reculée, dépourvue de services publics, les Westerlind vivent dans une subsistence zone, une aire où les habitants peuvent légalement subvenir à leurs besoins grâce aux ressources naturelles.
« Sur le Kenai, on pouvait attraper et garder 45 saumons pour l’année, explique Dennis. Ici, on a droit à 500. »
Les règles de chasse y sont tout aussi souples : la saison débute plus tôt, les quotas sont plus élevés.
« C’est pour cette raison que nous sommes venus ici. Notre rêve, c’est de vivre de la terre. Et ici, c’est possible. »
Des pionniers à l’ère numérique
En septembre 2024, les Westerlind ouvrent leur chaîne YouTube, Holdfast Alaska. Ce n’est pas leur premier moyen de subsistance alternatif : Amy a été herboriste, Dennis fermier et bricoleur, puis agent immobilier sur le Kenai. Cette fois, ils partagent leur quotidien de fermiers du bout du monde.
« Nous avons acheté une GoPro et avons commencé à filmer nos journées […] et les gens ont accroché », raconte Dennis.
Leur contenu diffère de celui d’autres créateurs off-grid. Pas de tutos de jardinage ou d’élevage, mais le récit d’une vie autosuffisante dans un environnement extrême : trajets de dix-sept heures pour aller chercher des provisions à Anchorage, construction d’un poulailler au toit végétalisé, chasse à l’orignal ou au porc-épic.
« Je voulais que la chaîne soit un lieu d’apprentissage, explique Amy : montrer comment faire des conserves, cueillir, utiliser les plantes médicinales. Inspirer les gens, c’est ce qui nous a motivés à commencer. »

(Crédit photo Holdfast Alaska)

Amy y prépare les produits de leur terre : chili d’orignal, rillettes de saumon, beignets au levain, pickles lactofermentés […] autant de saveurs du Grand Nord.
En moins d’un an, leur chaîne rassemble plus de 52.000 abonnés. « Nous avons reçu bien plus de soutien qu’on ne l’aurait cru », dit Dennis.
Par sécurité, Lena n’y apparaît pas à visage découvert, mais sa voix enfantine résonne souvent à l’arrière-plan. « On adore l’élever ici, dans un lieu aussi sauvage, confie Amy. » « Ça la rend forte, ajoute Dennis. Elle supporte le froid mieux que nous. »

(Crédit photo Holdfast Alaska)

Un rêve devenu réalité
Les Westerlind ne se bercent pas d’illusions : leur vie n’est pas faite pour tout le monde. « Si, à l’époque où on vivait dans le Massachusetts, on nous avait dit qu’on finirait ici, nous aurions ri, dit Dennis. Mais en Alaska, on apprend à exister au milieu de cette immensité. »
Leur quotidien reste semé de défis : orignaux imprévisibles, ours affamés rôdant autour du poulailler, incendies de forêt, isolement. Mais ils abordent chaque obstacle avec la même ténacité.
« Nous travaillons énormément, dit Amy. Et c’est une vraie récompense de voir que nos efforts se reflètent dans notre manière de vivre chaque jour. »
Dennis conclut : « Si on avait écouté tous ceux qui nous disaient de ne pas acheter de terrain, de ne pas partir dans le Maine, de ne surtout pas déménager en Alaska, nous n’aurions jamais rien fait. Nous avons tout simplement travaillé dur. Si tu veux vraiment accomplir quelque chose, il faut faire plus que les autres. »
Pour cette famille, un rêve ne vaut rien sans la détermination de le réaliser.
Ryan Cashman est écrivain, père, mari et agriculteur. Il vit dans les contreforts du sud-ouest du New Hampshire avec son épouse et ses quatre enfants.

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