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Un ancien homme d’affaires basé à Pékin révèle les tactiques d’espionnage et d’infiltration du PCC à Taïwan

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Un écran public diffuse des informations sur les exercices militaires chinois autour de Taïwan, devant un centre commercial à Pékin le 1er avril 2025.

Photo: Adek Berry/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

Il y a deux décennies, alors que Cheng Kaili dirigeait une entreprise à Pékin, il fit une découverte qui le bouleversa : un contact d’affaires qu’il avait fréquenté pendant des mois était en fait un agent du ministère chinois de la Sécurité d’État.
Aujourd’hui secrétaire général du Parti pour la Réforme et la Liberté de la République de Chine à Taïwan, M. Cheng a relaté à l’édition chinoise d’Epoch Times que son expérience met en lumière l’approche systématique du Parti communiste chinois (PCC) pour coopter des citoyens taïwanais dans sa stratégie de « front uni ».
Ce réseau d’opérations d’influence s’appuie sur une combinaison d’incitations, de surveillances et d’infiltrations couvrant de multiples secteurs de la société – affaires, politique, groupes religieux, associations de vétérans et établissements scolaires.
Le Parti pour la Réforme et la Liberté de la République de Chine s’oppose au communisme et milite pour le renversement du PCC afin de restaurer le gouvernement de la République de Chine, replié à Taïwan en 1949 après la prise de pouvoir du PCC sur le continent. À ce jour, le parti ne détient aucun siège au Parlement taïwanais, le Yuan législatif, ni au sein des conseils locaux.

Contacté par la Sécurité d’État

Au début des années 2000, M. Cheng dirigeait une société de fournitures médicales à Pékin. Un samedi après-midi, un ami du bureau du commerce extérieur de Tianjin lui rendit visite. Sans préambule, l’homme sortit une seconde carte de visite, révélant sa véritable identité : agent du ministère chinois de la Sécurité d’État.
« Il m’a révélé qu’il m’observait depuis six mois et qu’il me trouvait suffisamment honnête pour aider », se souvient M. Cheng.
L’agent lui demanda alors s’il pouvait ramener à Taïwan des journaux et magazines. M. Cheng refusa, suspectant que ce n’était que la première étape d’une démarche d’espionnage.
M. Cheng se rappelle aussi qu’à Taïwan, un homme politique pro-Pékin l’avait invité à se rendre sur une côte reculée. Une fois sur place, le politicien prit discrètement des photos du littoral. Ce n’est que des années plus tard que M. Cheng comprit que cet endroit pouvait servir de point de débarquement lors d’une éventuelle invasion par le régime chinois.
Pour M. Cheng, ces deux expériences confirment que le PCC a déjà formé des personnalités politiques taïwanaises à des fins de renseignement.

Au cœur du système médical chinois

Les années passées à Pékin ont permis à M. Cheng d’examiner de près le « côté sombre » du système politique du PCC et son influence néfaste sur la société, en particulier dans le domaine de la santé.
En favorisant la culture du thé taïwanais au sein de son entreprise pour promouvoir le dialogue entre employés, il nota que les médecins et cadres chinois critiquaient le PCC en privé mais redoutaient d’exprimer ouvertement leurs opinions.
« Dès le premier jour, j’ai expliqué à mes employés que je m’identifiais à la Chine culturelle, et non à la Chine communiste », déclare-t-il.
M. Cheng fut également témoin d’une corruption généralisée dans les achats hospitaliers. Pour obtenir un contrat, il fallait soudoyer divers décideurs, des chefs de service jusqu’aux présidents d’hôpitaux. Dans un cas, M. Cheng révèle avoir décroché un marché après avoir offert une voiture de luxe à un directeur hospitalier.
Encore plus inquiétant selon lui, plusieurs hôpitaux détournaient des équipements médicaux avancés. On falsifiait les statistiques de décès grâce à l’utilisation détournée de machines d’oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO). Dans les régions minières, un directeur d’hôpital lui expliqua que les quotas officiels limitaient le nombre de décès annuels. Les mineurs mortellement blessés étaient placés sous ECMO pour figurer comme « vivants », permettant aux hôpitaux de sous-déclarer le nombre réel de morts.
D’après ce qu’un cardiologue lui a confié, les médecins utilisent aussi des machines ECMO pour retarder la déclaration de décès pendant les opérations, afin d’apaiser les tensions avec les familles des patients et de protéger les hôpitaux contre les litiges pour faute professionnelle.
M. Cheng visita plus tard une aile d’hôpital à Pékin dédiée aux patients coréens, où les greffes d’organes étaient proposées « sous une semaine ». Devant un délai aussi court, M. Cheng s’inquiéta de la provenance des organes. Après avoir décliné la proposition de devenir intermédiaire à Taïwan, l’hôpital lui apprit que les organes provenaient de prisonniers exécutés.
« À Taïwan, il faut attendre de trois à cinq ans pour une greffe… comment peuvent-ils tenir ce délai d’une semaine ? » interroge M. Cheng.
Avec le recul, M. Cheng pense que cet hôpital était peut-être impliqué dans la pratique du prélèvement forcé d’organes par le régime chinois. Epoch Times n’a pas été en mesure de vérifier cette affirmation de manière indépendante.

Des pratiquants de Falun Gong manifestent pour la fin de 25 ans de persécution en Chine par le Parti communiste, à New York le 20 juillet 2024. (Samira Bouaou/Epoch Times)

En 2019, un tribunal indépendant à Londres a conclu que le prélèvement forcé d’organes avait été pratiqué en Chine pendant des années « à grande échelle », les principales victimes étant des pratiquants de Falun Gong.
Le Falun Gong, aussi appelé Falun Dafa, est une discipline spirituelle fondée sur les principes de vérité, compassion et tolérance. Popularisé en 1992 en Chine, le mouvement aurait réuni entre 70 et 100 millions de pratiquants en 1999.
En juillet 1999, le PCC lance une répression brutale pour enrayer la pratique. Depuis, des millions de personnes ont été détenues dans des prisons, des camps de travail ou autres centres, des centaines de milliers torturées, et un nombre indéterminé persécutées jusqu’à la mort, parfois via le prélèvement forcé d’organes, selon le Centre d’information sur le Falun Dafa.

Recrutement « d’agents d’influence »

L’expérience de M. Cheng concernant la corruption dans le secteur médical n’était qu’un aspect d’un problème de fond. Il fut aussi témoin des méthodes du PCC pour influencer la société taïwanaise au-delà du contexte professionnel.
Selon lui, le PCC influence les élites taïwanaises en leur offrant un accueil luxueux. Des villas situées à l’extérieur de Pékin seraient utilisées pour accueillir des politiciens taïwanais, avec au programme des banquets somptueux et des divertissements proposés par des célébrités. M. Cheng affirme que certains invités ont été filmés dans des situations compromettantes, permettant ainsi à Pékin de faire pression sur eux par la suite.
Au niveau local, M. Cheng rapporte que des chefs religieux du centre de Taïwan recevaient chaque année des sommes importantes en espèces versées par des organisations pro-Pékin en échange d’une affiliation symbolique. Il ajoute que des associations d’anciens combattants taïwanais étaient invitées à participer à des voyages subventionnés en Chine, où des banquets somptueux étaient organisés afin de recruter de potentiels « agents d’influence ».
Ceux qui résistaient aux avances de Pékin risquaient l’isolement. Il se souvient comment un colonel taïwanais opposé au communisme avait été rejeté par ses pairs, qui trouvaient plus profitable de s’aligner sur Pékin.

Évolution des attitudes à Taïwan

M. Cheng déplore que l’influence du PCC se soit infiltrée dans le paysage culturel et politique taïwanais. Il explique que les jeunes générations, influencées par les séries télévisées chinoises et TikTok, ne voient souvent que les gratte-ciel modernes et les trains à grande vitesse en Chine, sans se rendre compte de la censure exercée par le PCC ni des violations des droits de l’homme.
Il relie cette évolution à la débâcle des récentes campagnes de révocation électorale à Taïwan, après lesquelles il vit davantage de connaissances affirmer publiquement que le régime chinois « ne serait pas pire » que le statu quo.
Les élections de révocation de juillet et août ont concerné 31 députés du Kuomintang, accusés par des groupes civiques et des partisans du Parti démocrate progressiste au pouvoir, d’être pro-Pékin et alignés sur le PCC, qui a promis de « réunifier » l’île – par la force si nécessaire. Les campagnes ont échoué à destituer les élus visés.

Des manifestants brandissent des drapeaux lors d’un rassemblement « Rejeter le front uni, protéger Taïwan » à Taipei le 19 avril 2025. Le mouvement populaire « Grande révocation » monte en puissance, visant les parlementaires jugés coupables de vendre les intérêts taïwanais à Pékin. (Sun Xiangyi/Epoch Times)

« Le PCC ne vous montrera que ce qu’il souhaite que vous voyiez », avertit M. Cheng, insistant sur l’usage du divertissement, des médias et du monde des affaires pour banaliser sa présence à Taïwan.

Unité

Pour M. Cheng, son expérience avec la Sécurité d’État chinoise lui rappelle que la stratégie d’infiltration du PCC est loin d’être abstraite : elle est ciblée et systématique.
« Ils surveillent quelqu’un pendant des mois, repèrent ses faiblesses, et le recrutent par l’argent, le sexe ou le chantage », explique-t-il.
Il met en garde : l’influence du PCC ne se limite pas au camp politique pro-chinois à Taïwan. Certains responsables compromis louent ouvertement la Chine, d’autres se taisent des années avant d’agir pour le PCC.
« Taïwan ne peut se permettre d’être divisée : sa force réside dans l’unité », explique M. Cheng.
« Tant que la fracture sur la question de l’identité nationale s’accentuera, le PCC en tirera parti – le jour où il s’imposera sans combat pourrait arriver plus vite qu’une invasion militaire. »
Dai Deman a contribué à la rédaction de cet article.