Comment le spectacle de la violence affecte l’équilibre des enfants

Les enfants sont de plus en plus exposés à la violence. Avec quelles conséquences ?
Photo: ieat31415, CC BY-NC-ND
Caroline avait du mal à convaincre sa fille de retourner à l’école. La veille, la petite avait entendu parler aux journaux télévisés d’un attentat qui avait fait plusieurs morts – enfants et adultes – et conduit à la fermeture immédiate des établissements scolaires.
Elle avait du mal à s’endormir et refusait d’avaler son petit-déjeuner. Quand Caroline lui a demandé ce qu’elle avait, l’enfant a répondu dans un murmure qu’elle avait peur que quelqu’un lui tire dessus à l’école, et qu’elle ne voulait pas mourir.
Les chercheurs et les médecins qui étudient la violence depuis plus de trente ans ont constaté que les enfants étaient de plus en plus exposés à la violence, ce qui avait des conséquences néfastes sur leur équilibre.
Quel est donc l’impact sur la santé mentale des enfants et des adolescents ? Comment devons-nous répondre au sentiment de peur et d’insécurité accru qui en résulte ?
Exposition à la violence
Les enfants consultent, comme jamais auparavant, un grand nombre de médias : 92 % des adolescents vont sur Internet tous les jours, et 24 % sont connectés en permanence. Résultat : ils sont exposés aux contenus violents sous différentes formes. Même quand la violence survient à l’autre bout du monde, ils en sont les témoins immédiats, sans recul et de manière répétée.
De plus en plus d’éléments tendent à prouver que cette exposition quotidienne a des conséquences graves sur leur équilibre. Ils grandissent hélas dans un monde où le sentiment de confiance cède la place à la peur et à l’insécurité. Les médias n’en sont pas les seuls responsables : c’est aussi la conséquence de ce dont les enfants font l’expérience dans la vraie vie.
Ils peuvent ainsi être les témoins ou les victimes de violence sous des formes variées. Une étude a ainsi révélé que 13 à 45 % des lycéens disaient avoir été frappés à l’école au cours de l’année écoulée (23 à 82 % avaient été les témoins de ces violences en milieu scolaire).
Nous avons également constaté une recrudescence des fusillades à l’école ces cinq dernières années.
Voilà ce qui arrive aux enfants
Les enfants qui disent avoir été exposés de manière répétée à la violence (en tant que témoin ou victime) sont aussi ceux qui risquent le plus de souffrir de dépression, d’irascibilité et d’anxiété.
Les études que nous avons menées sur des enfants de 8 à 13 ans ayant été témoins de violences physiques (coups, gifles, coups de poing) révèlent que 12 % disent souffrir de crises d’angoisses chroniques. De même, six mois après le 11-Septembre, une étude portant sur 8 000 enfants new-yorkais de 9 à 17 ans montrait que 30 % présentaient des symptômes d’anxiété ou de dépression.

Samantha Dunne, CC BY-NC-SA
Ces enfants étaient susceptibles de se montrer eux-mêmes violents envers les autres.
Nos études ont également montré que ceux qui sont les témoins ou les victimes de violences sont plus agressifs que les autres, et qu’ils souffrent de symptômes de stress post-traumatique.
Nous avons mis à jour des liens systématiques entre l’exposition à la violence et les symptômes traumatiques, que ce soit à l’école, dans un quartier donné ou chez les délinquants juvéniles qui suivaient une thérapie au lieu de faire de la prison.
Les adolescents régulièrement exposés à la violence disaient se sentir plus déprimés et en colère. On notait chez eux plus d’incidences d’automutilation ou de suicide par rapport à ceux qui étaient davantage préservés.
Exposition médiatique
Des études plus récentes ont confirmé qu’une exposition régulière à la violence à la télévision chez les enfants et les adolescents engendrait aussi de l’agressivité et des tempéraments plus violents. Chez les sujets observés, la violence dans les médias génère systématiquement des troubles du comportement, comme une augmentation de l’agressivité et de l’anxiété. Les enfants peuvent par ailleurs avoir moins d’empathie et de compassion pour autrui.
Certains enfants exposés à diverses formes de violence dans les médias (sur Internet, au cinéma et dans les jeux vidéo notamment) peuvent avoir une vision très sombre du monde, et penser qu’ils ne sont pas à l’abri et ne peuvent pas se protéger efficacement. C’est notamment le cas des très tout-petits – moins de six ans – qui ont du mal à distinguer ce qui est réel de ce qui ne l’est pas.

Brad Flickinger, CC BY
Chez les adolescents, le cortex préfrontal, qui gère l’information, le contrôle des pulsions et le raisonnement, est la dernière zone du cerveau à parvenir à maturation. L’exposition aux jeux vidéo violents entraîne chez eux une baisse de l’activité de ce cortex, ce qui les rend moins aptes à résoudre les problèmes qui se posent à eux et maîtriser leurs émotions.
Que peuvent faire les parents ?
Les parents ont évidemment un rôle à jouer, en surveillant les activités et les fréquentations de leurs enfants, afin de les aider à mieux faire face au monde qui les entoure et à ce qui s’y passe.
Il en va de même pour les adolescents. Certains parents ont tendance à penser qu’une fois que leurs enfants sont entrés dans l’adolescence, ils ont moins besoin qu’on s’occupe d’eux et qu’on les surveille puisqu’ils passent davantage de temps avec leurs amis et demandent avec insistance qu’on leur accorde plus d’indépendance.
Rien n’est moins vrai.
Les adolescents peuvent accéder plus facilement aux réseaux sociaux, aux stupéfiants et à l’alcool, et circuler plus librement. Tout ceci s’accorde évidemment mal avec les indices de plus en plus nombreux tendant à suggérer que les zones régissant la gestion des problèmes et la maîtrise des pulsions ne sont pas encore parvenues à maturité chez eux.
Les parents sont souvent les premiers à s’apercevoir que leurs enfants ont des problèmes psychologiques et comportementaux. Ils sont donc les mieux placés pour leur apporter de l’aide quand ils en ont besoin.
Traduit de l’anglais par Werner Zumbalski pour Fast for Word.
Daniel J. Flannery, Professor and Director of the Begun Center for Violence Prevention Research and Education, Case Western Reserve University et Mark I. Singer, Professor of Family and Child Welfare, Case Western Reserve University
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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