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« Sous l’Assaut » : un nouveau livre détaille la « guerre secrète » menée depuis des décennies par Pékin contre le Canada

L’ouvrage s’appuie sur les témoignages d’anciens responsables politiques, diplomates, fonctionnaires et membres de la diaspora chinoise ciblés par Pékin.

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Un policier paramilitaire chinois monte la garde devant le Grand Palais du Peuple à Pékin, le 26 février 2025.

Photo: Pedro Pardo/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Dans son nouveau livre, un ex‑analyste de la sécurité nationale et conseiller politique fédéral retrace les efforts déployés sur des décennies par le régime chinois pour infiltrer et influencer le Canada : recrutement d’aspirants politiques, espionnage, vols, actes de harcèlement et bien plus.
Paru le 18 novembre, « Sous l’Assaut : Interférences et espionnage dans la guerre secrète de la Chine contre le Canada » détaille comment la République populaire de Chine (RPC), sous l’égide du Parti communiste chinois (PCC), vise depuis des décennies à influencer et gêner le Canada, avec pour objectif ultime d’espionner et de faire pression sur son rival, les États-Unis.
Son auteur, Dennis Molinaro — universitaire et ex‑analyste du renseignement, conseiller politique pour le gouvernement fédéral — fonde son enquête sur des entretiens avec d’anciens politiques, des diplomates, des fonctionnaires et des membres de la diaspora chinoise victimes de la répression transnationale de Pékin, ainsi que sur des documents de renseignement détaillant la stratégie d’influence multiforme du régime à Ottawa.
« Cet ouvrage expose un schéma de défaillance récurrent du monde politique canadien, qui n’a pas compris, depuis des décennies, les alertes transmises par nos propres services de renseignement », écrit M. Molinaro.
« J’espère que les lecteurs ressortiront de ce livre bien mieux informés sur les opérations clandestines de la Chine, sur leurs ressorts, leur efficacité et sur ce que l’incapacité du Canada à faire face à cette menace révèle de notre pays. »
Le livre analyse comment, des années durant, les dirigeants canadiens ont vu la Chine comme un « partenaire commercial rentable », comptant sur le fait qu’un engagement plus poussé l’amènerait à devenir une démocratie respectant l’État de droit.
Mais « sous la férule du PCC, la RPC n’est rien de tout cela », tranche M. Molinaro.
« Elle s’est au contraire servie du Canada pour développer son économie, moderniser l’Armée populaire de libération (APL) — notamment via l’accès à la technologie — et accélérer sa marche pour supplanter les États-Unis comme puissance dominante. »
Bien avant que l’ingérence chinoise ne soit connue du grand public, le Canada avait créé un environnement permissif à l’espionnage et à l’influence clandestine. Pour M. Molinaro, cela s’explique par des dirigeants « aveuglés par l’optimisme ou la cupidité » dans leurs efforts pour accroître les échanges avec Pékin.
La Chine a été désignée, dans le rapport final de la Commission Hogue sur l’ingérence étrangère publié cette année, comme « l’acteur le plus actif en matière d’ingérence auprès des institutions démocratiques canadiennes ». Le document précise aussi que le PCC perçoit le Canada comme une « cible de toute première importance ».
« Les décideurs politiques n’ignoraient pas à proprement parler les signaux d’alerte : ils refusaient d’entendre tout renseignement qui contredisait leur vision », constate M. Molinaro.
Phil Gurski, ancien analyste stratégique du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), formule une alerte similaire. Il confie à Epoch Times que malgré l’existence de preuves accablantes des activités hostiles de Pékin obtenues par Ottawa, rien ou presque n’a été entrepris.
« Nous avons tous les éléments nécessaires — certains issus du SCRS, d’autres de sources ouvertes — pour comprendre ce que la Chine fait au Canada depuis des années », affirme-t-il.
« J’ai passé 32 ans à fournir à l’État l’information utile à la prise de décision. L’Enquête Hogue a prouvé que ces informations ont été ignorées. »

Silencer les dissidents sur sol canadien

Le livre analyse également les stratégies de Pékin pour étendre son influence et faire taire les critiques sur le territoire canadien, ciblant notamment ce que le régime appelle les « cinq poisons » : militants démocrates, indépendantistes taïwanais, tibétains ou ouïghours, et la pratique spirituelle du Falun Gong.
Le Falun Gong est une discipline traditionnelle chinoise mêlant exercices de méditation et enseignements moraux, basés sur les principes de vérité, de bienveillance et de tolérance. En 1999, la pratique rassemblait au moins 70 millions d’adeptes selon les chiffres officiels. Craignant que cette popularité ne menace son monopole, le PCC a lancé en juillet 1999 une campagne brutale pour éradiquer le Falun Gong, entraînant tortures, travaux forcés, violences sexuelles et prélèvements forcés d’organes.
Dans sa description du ciblage contre le Falun Gong, M. Molinaro évoque plusieurs méthodes du régime : campagnes de désinformation par mails massifs diffamatoires contre les élus favorables à la pratique, rumeurs calomnieuses dans les communautés locales, etc.
« Des organisations internationales de défense des droits humains comme Amnesty International et Human Rights Watch ont documenté les persécutions subies par les pratiquants du Falun Gong — passages à tabac arbitraires, détentions, enlèvements », écrit l’auteur.
Le livre se penche aussi sur la répression de la diaspora hongkongaise. M. Molinaro cite Cherie Wong, militante pro‑démocratie établie au Canada, qui fait état de menaces de mort et de viol, de filatures et d’un climat d’intimidation permanent.
« À Hong Kong comme à l’étranger, la surveillance fait partie du quotidien — jusque dans l’intimité du foyer, certains évitant d’évoquer des sujets sensibles même à table, de crainte d’être dénoncés par les voisins », note M. Molinaro. « Dans un passé moins lointain, les proches identifiés comme hostiles au PCC finissaient dans des camps de travail. »
La communauté ouïghoure figure également parmi les cibles de Pékin au Canada. Dans la région du Xinjiang, le régime réprime violemment les Ouïghours et autres minorités musulmanes ; plus d’un million de personnes auraient été internées dans des camps. Rescapés et témoins évoquent des travaux forcés, des stérilisations et endoctrinement politique, des chocs électriques et autres formes de violence.
M. Molinaro relate le cas de Mehmet Tohti, directeur exécutif du Uyghur Rights Advocacy Project (Projet de défense des droits des Ouïghours), qui évoque un harcèlement physique et psychologique apparemment lié à l’influence extraterritoriale de Pékin.
« Des voisins l’avertissaient de la présence de deux SUV qui semblaient l’épier à toute heure, disparaissant à son retour… Les appels téléphoniques menaçants se multiplient à l’approche d’événements publics sur la question ouïghoure », rapporte l’auteur.
« Pour lui, il est désormais banal d’être surveillé ouvertement au Canada par une puissance étrangère, et d’assister à l’enfouissement de ses signalements auprès de la police ou de la GRC (Gendarmerie royale du Canada), faute de preuve directe de l’implication de la RPC. »

Un rapprochement Ottawa-Pékin sous tension

Cet ouvrage paraît alors que le Canada cherche à renouer avec Pékin après plusieurs années de gel diplomatique et de tensions douanières avec les États-Unis… Les relations bilatérales se sont dégradées à partir de 2018, lorsque la Chine a détenu arbitrairement Michael Spavor et Michael Kovrig en représailles apparentes à l’arrestation de la dirigeante de Huawei, Meng Wanzhou, à Vancouver.
De récents éléments sur l’ingérence chinoise et l’escalade des pressions transnationales ont davantage éloigné Ottawa de Pékin.
Pourtant, après sa première rencontre le mois dernier avec le président Xi Jinping, le Premier ministre Mark Carney assure que les relations sont à « un point de bascule », et que les deux pays veulent coopérer de « manière pragmatique » dans l’énergie, l’agriculture, l’industrie et la lutte contre le changement climatique.
L’auteur met en garde : vu l’intensité des manœuvres hostiles de Pékin — cyberattaques, vols de propriété intellectuelle, diplomatie de l’otage, harcèlement de dissidents — un retour à la normalité dans la relation sino‑canadienne relèverait de l’illusion.
« Nourrir l’idée d’un rapprochement avec la RPC actuelle me paraît illusoire, conclut-il. Le Canada essuie depuis des décennies l’assaut du PCC. Même après le départ de Xi, rien ne changera tant que le PCC gardera la main sur le pays. »