Pensée magique, quête de sens et méthode scientifique

Zoologischer Garten, 1912.
Photo: August Macke/Wikimedia
La pensée magique est une étape normale du développement de l’enfant (entre 2 et 6 ans) où il croit découvrir que ce qu’il pense peut agir directement sur le monde. Cela peut être traumatisant s’il croit être la cause d’événements négatifs comme une maladie ou un accident. Le traumatisme va persister aussi longtemps que sa croyance dans ses capacités. Il faudra qu’il découvre – ou qu’on lui explique – la différence entre le normal et le paranormal pour qu’il dépasse le stade de la pensée magique.
Pourquoi tous les enfants passent-ils par ce stade préopératoire ? Nous sommes une espèce intelligente parce que notre cerveau est en permanence à la recherche de liens entre des éléments jusqu’alors considérés comme indépendants. Cette quête de sens implique de détecter les coïncidences, qui seront ensuite validées (ou non) comme étant des liens avérés. Les premiers liens découverts sont les plus évidents, puis au fur et à mesure de notre apprentissage de la vie, nous découvrons des relations plus complexes. Parmi les premiers éléments glanés nous trouvons : « je lâche un objet alors il tombe », « j’ouvre la porte et les objets sont encore là » (ils n’ont pas bougé), « le feu passe au rouge et les voitures s’arrêtent ».
Admettons qu’un jour, un enfant pense « celui-là je ne l’aime pas » et que juste après on lui dise que cette personne vient de se casser la jambe. Son cerveau étant construit pour détecter les coïncidences, la détection aura lieu et cet enfant croit maintenant que lorsqu’il pense du mal d’une personne, celle-ci va se casser la jambe. Généralisant à partir de ce fait, il croit que ce qu’il pense change le monde… Évidemment, cela ne dure pas. Le monde ne se pliant pas à sa volonté, de nombreuses non-coïncidences vont l’obliger à admettre qu’il est en fait impuissant. Cela peut être très rassurant, mais aussi déprimant (comment expliquer et/ou changer le monde alors ?).
Les adultes et la pensée magique
Dans les lignes qui précèdent, nous avons laissé un enfant démoralisé par son incapacité à changer le monde par la pensée, mais de nombreux adultes croient fermement qu’ils le peuvent. Ce que nous appelons la foi (des croyants) est bien la définition d’une pensée magique. Selon eux, leurs intentions, prières et autres pensées ont une action sur le monde puisqu’elles touchent leur Créateur. Tous les adultes adeptes de la pensée magique n’adhèrent pas forcément à une religion. Les barreurs de feu, par exemple, sont persuadés de limiter au maximum les effets d’une brûlure avec une simple pensée ou prière. Ils existent depuis toujours, en France (plus de 6 000) et dans le monde entier. Pourquoi une telle omniprésence ? Une explication possible est qu’ils disposent d’un vrai pouvoir… Mais qu’en dit la science ?

Illustration d’une sensation douloureuse par Descartes. (René Descartes, Traité de l’homme/Wikipédia)

Pensée magique. Sydney Harris, _What’s So Funny About Science ?_ (1977).
Une publication scientifique est ainsi faite qu’elle doit permettre à d’autres chercheurs de refaire la même expérience afin de retrouver le même résultat. C’est cette reproductibilité des faits qui fait office de « preuve scientifique ». Qu’en est-il de faits qui ne seraient pas reproductibles par n’importe quelle équipe ? S’il fallait « croire » pour obtenir un certain résultat et qu’à défaut de croire on en obtienne un autre ? De tels faits existent, notamment ceux rapportés par D. Bem. Dans ce cas, la science d’aujourd’hui, avec sa méthodologie, n’a rien à dire : ce n’est pas de son ressort.
Plutôt que de nier toute efficacité à la pensée magique, il faudrait en faire un sujet d’étude autorisé et financé. Quelques chercheurs se sont lancés et proposent des théories, pas très bien vues de la science « mainstream », qui prennent en compte l’expérimentateur (celui-ci n’est plus en dehors de l’expérience) : la théorie de la double causalité, qui entend faire le lien entre science et spiritualité, les ondes scalaires, ou encore les ondes d’échelle.
Claude Touzet, Maître de Conférences en Sciences Cognitives, Aix Marseille Université, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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