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Pékin resserre son étau à l’approche d’un défilé militaire, perturbant la vie quotidienne et ciblant les pétitionnaires

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La police paramilitaire monte la garde avant la deuxième session plénière de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 7 mars 2024.

Photo: Jade Gao /AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Le régime chinois a renforcé la sécurité et imposé des restrictions radicales à l’approche d’un défilé militaire massif qui aura lieu le 3 septembre pour marquer ce que le Parti communiste chinois (PCC) appelle le 80anniversaire de la « guerre de résistance contre le Japon ». L’événement, qui se déroulera sur la place Tiananmen, devrait rassembler des milliers de soldats, du matériel militaire et des dignitaires, et les répétitions à grande échelle se poursuivront tout au long du mois d’août.
La dernière répétition nocturne, qui s’est tenue les 9 et 10 août, a attiré environ 22.000 participants, selon l’agence de presse officielle chinoise Xinhua. Le PCC l’a décrite comme un exercice « complet », couvrant la cérémonie commémorative et testant les procédures d’organisation et de commandement. Des routes ont été fermées, des stations de métro contournées et les visiteurs ont été détournés des zones interdites. Une autre répétition est prévue le 16 août.
La vie quotidienne perturbée
Pour de nombreux Pékinois, ces préparatifs ont été synonymes de semaines de perturbations.
« On ne peut ni entrer ni sortir librement », a déclaré à Epoch Times M. Wang, un habitant du quartier qui a gardé l’anonymat par crainte de représailles. « Le métro saute des arrêts près de Tiananmen, et cela dure depuis des jours. »
Les magasins des zones touchées ont fermé et les trajest des transports en commun ont été modifiés pour éviter le centre-ville, autour de la place Tiananmen. Les utilisateurs des réseaux sociaux signalent une forte présence policière dans les centres commerciaux comme Wangfujing, où les clients des hôtels ne peuvent quitter leur établissement sans s’être enregistrés. Certains quartiers résidentiels ont interdit les livreurs de repas, ce qui cause d’importants désagréments aux habitants.
Les pétitionnaires confrontés à la répression
La répression a particulièrement touché les pétitionnaires. Ces derniers sont des Chinois qui se rendent à Pékin ou dans d’autres grandes villes pour déposer des plaintes auprès des autorités du régime. Bien que la pétition soit théoriquement un moyen légal de déposer une plainte sous le régime autoritaire du PCC, les pétitionnaires sont souvent harcelés, détenus ou renvoyés de force chez eux.
Le 10 août, Lu Junling, une pétitionnaire de Chongqing, a déclaré sur le réseau social chinois WeChat qu’elle et sa collègue Zhang Yanyu avaient été exfiltrées d’un bus longue distance sur une aire de repos d’autoroute par deux hommes en noir se faisant passer pour des policiers, accompagnés d’un fonctionnaire local. Accusée de « trouble à l’ordre public », Mme Lu a déclaré avoir été blessée lors de l’incident, le qualifiant d’« interception illégale et de restriction de sa liberté personnelle ».
Même les pétitionnaires qui ne se rendaient pas à Pékin ont été pris pour cible. Le matin même, une autre habitante de Chongqing, Xu Tingfen, a déclaré que la police s’était rendue à son domicile peu après qu’elle a mentionné dans une conversation de groupe son intention de se rendre dans la province du Sichuan. Mme Xu, qui poursuit un litige foncier depuis plus de 20 ans, a expliqué que les autorités « ont peur de nous voir partir, mais elles ne résoudront pas nos problèmes ».
Dans la province du Guangdong, la pétitionnaire Chen Guifang a rapporté que la police locale s’est rendue à son domicile après que des responsables de sa ville natale les ont contactés, craignant apparemment qu’elle ne se rende dans la capitale.
« Les fonctionnaires corrompus ont peur que je fasse part de mes griefs à la capitale », a déclaré Mme Chen.

Un pétitionnaire parmi un groupe protestant contre les problèmes médicaux et l’accaparement des terres est arrêté par la police devant l’hôpital Chaoyang où l’activiste chinois aveugle Chen Guangcheng est détenu, à Pékin le 8 mai 2012. (MARK RALSTON/AFP/GettyImages)

Les détentions deviennent violentes
À Pékin, les arrestations ont parfois dégénéré en violences. Le 9 août, dans le district de Fengtai, huit policiers ont interpellé Liu Jie, ancien policier et vétéran chinois handicapé, et son épouse, Fu Haixia, sur un trottoir public.
M. Liu a été libéré le soir même et a raconté son expérience sur les réseaux sociaux, mais Mme Fu a été emmenée au poste de police, soupçonnée d’« atteinte à la vie privée ». Sa famille affirme qu’elle est détenue sans avis de détention depuis plus de 24 heures. M. Liu a déposé une requête urgente auprès du parquet, accusant la police de détention illégale et exigeant sa libération.
Des pétitionnaires ont également été interpellés devant les bureaux gouvernementaux chargés des pétitions. Le 6 août, Han Daqian, un pétitionnaire originaire du Shandong, a disparu après avoir été emmené par des agents de sa ville natale de Yantai devant l’Administration nationale des plaintes et des propositions publiques à Pékin, le bureau du PCC chargé de traiter les pétitions de tout le pays. M. Han cherchait des réponses au sujet de la mort de son fils, alors étudiant, noyé lors d’une sortie avec ses camarades de classe. Sa famille affirme qu’il a déjà été battu pour avoir déposé une pétition et que son sort est inconnu.
Théâtre politique aux frais du public
Selon les experts en sécurité, de telles mesures sont courantes en Chine à l’approche d’événements politiquement sensibles. M. Long, un professionnel des médias basé à Pékin qui a souhaité garder l’anonymat, a déclaré à Epoch Times que les préparatifs du défilé suivent un schéma familier observé lors des réunions annuelles des « Deux Sessions » de l’assemblée législative du PCC, lorsque les rues sont dégagées et les déplacements strictement contrôlés.
« Chaque année, pendant les ‘Deux Sessions’, ils nettoient les rues, mettent plus de gardes dans les bus et les métros, et rendent les déplacements très difficiles », a-t-il indiqué.
Le défilé à venir, selon M. Long, est un « théâtre politique » qui consomme les ressources publiques sans offrir d’avantages tangibles aux citoyens ordinaires.
« Les rues sont pleines de policiers armés, d’agents auxiliaires et de barricades. Autour de la place Tiananmen, il y a des clôtures partout. Même devant des universités comme Tsinghua et Pékin, on a l’impression d’entrer dans un complexe de sécurité », a-t-il expliqué.

Des délégués militaires arrivent à la séance d’ouverture de l’Assemblée populaire nationale au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 5 mars 2024. (Lintao Zhang/Getty Images)

Nationalisme et contrôle
Le PCC a présenté le défilé du 3 septembre comme une célébration patriotique pour le rôle de la Chine dans la campagne de la Seconde Guerre mondiale de 1937 à 1945 contre le Japon, en le décrivant comme un moment crucial de l’ascension du Parti.
Cependant, la réalité est que c’est le gouvernement nationaliste, et non le PCC, qui a mené la plupart des combats à cette époque. Ces dernières années, le Parti a investi massivement dans des commémorations mêlant nationalisme et démonstrations militaires.
Pour les habitants de Pékin et les pétitionnaires de tout le pays, la période précédant l’événement a été synonyme de perturbations, d’incertitude et, dans certains cas, de perte de liberté individuelle. Avec de nouvelles répétitions prévues et des mesures de sécurité qui devraient rester en place après le défilé, nombreux sont ceux qui affirment que l’apparence festive de la ville cache une atmosphère de tension et de contrôle.
Zhang Zhongyuan, Li Shanshan et Li Xi ont contribué à la rédaction de cet article.