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Opinion

Narcotrafic : «Dans certaines villes, l’état de droit classique n’existe plus», alerte Jean-Pierre Colombies

ENTRETIEN – Le 13 novembre à Marseille, Mehdi Kessaci, le frère du militant écologiste engagé dans la lutte contre le narcotrafic, Amine Kessaci a été tué par balle. Un assassinat qui a vite fait réagir le chef de l’État et le gouvernement. À l’issue d’une réunion d’urgence qui s’est tenue le 18 novembre à l’Élysée, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a même parlé de « point de bascule ».

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Photo: Crédit photo : Jean-Pierre Colombies

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Durée de lecture: 5 Min.

Jean-Pierre Colombies est ancien capitaine à la Police Judiciaire et à la sûreté urbaine de Marseille. À Marseille, nous assistons à un remplacement progressif de l’État français par une contre-société dirigée par des narcotrafiquants, estime-t-il.
Epoch Times – Comment avez-vous réagi à l’assassinat de Mehdi Kessaci ?
Jean-Pierre Colombies – Ce dernier meurtre s’inscrit dans la continuité des assassinats qui l’ont précédé. En mai 2023, à Marseille, une femme de 43 ans était tuée d’une balle dans la tête.
Au mois d’août de la même année, à Nîmes, un enfant de 10 ans, Fayed, était touché par des tirs de trafiquants de drogue. Un mois plus tard, à Marseille, une étudiante du nom de Socayna était tuée d’une balle de kalachnikov dans la tête, devenant à son tour, une victime collatérale du narcotrafic. Les exemples sont malheureusement légion.
La seule différence avec les assassinats que je viens de citer est que la mort de Mehdi Kessaci s’apparente en effet à un crime d’intimidation. Sur ce point, Laurent Nuñez a raison.
En outre, le ministre de l’Intérieur a utilisé un terme qui m’a interpellé : le « point de bascule ».
Il est particulièrement indécent de qualifier cet assassinat de « point de bascule » au regard du nombre d’innocents tués par des narcotrafiquants ces dernières années.
Quelle est l’ampleur actuelle du narcotrafic à Marseille ?
À la lecture de plusieurs déclarations du procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, on ne peut qu’en déduire que la situation est hors de contrôle.
Aujourd’hui, les enquêteurs se focalisent sur la piste d’un meurtre qui aurait été commandité par le chef de la DZ Mafia, actuellement derrière les barreaux. Mais le sujet n’est pas là.
Par définition, celui qui est en détention n’est pas l’assassin de Mehdi Kessaci. Je veux dire qu’il y aura toujours des « petites mains » pour « faire tourner la machine ».
Il faut bien comprendre que nous sommes arrivés à un point où, dans certaines villes, l’état de droit classique n’existe plus. Il y a ce qu’on appelle en sociologie, un fait social total. À Marseille, ce fait social total se traduit par un remplacement progressif de l’État français par une contre-société dirigée par des narcotrafiquants.
Lors d’une conférence de presse à Berlin le 18 novembre, Emmanuel Macron a appelé à « amplifier » la lutte contre le narcotrafic, souhaitant que l’État s’inspire de la lutte contre le terrorisme. Est-ce possible ?
Je rappelle qu’Emmanuel Macron est président de la République depuis 8 ans. L’un de ses anciens ministres de l’Intérieur, Christophe Castaner parlait déjà de « quartiers de reconquête républicaine ». Que s’est-il passé depuis ? Rien. Les narcotrafiquants ont même gagné du terrain.
Le président de la République a perdu toute crédibilité en matière de lutte contre le trafic de drogue et se contente de formules vides.
Pourtant, l’urgence est là. Les assassinats liés au narcotrafic continuent, le système judiciaire est au bord de l’effondrement et nos policiers sont débordés.
Ceux qui nous dirigent doivent regarder la situation en face.
Le chef de l’État a également fustigé les « bourgeois des centres villes » qui financent « parfois » le trafic de drogue …
Il n’y a pas que les bourgeois qui consomment des produits stupéfiants. Des personnes issues de toutes les catégories sociales touchent à la drogue. Emmanuel Macron ignore tout du monde de la toxicomanie, de ses composantes et de ses usagers. Il n’en a qu’une connaissance théorique et caricaturale.
Quel est votre regard sur la loi narcotrafic ? On sait que le parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), prévu par la loi, verra le jour en janvier 2026.
Cette loi ne s’attaque pas à la problématique des stupéfiants dans son ensemble. S’il faut combattre les narcotrafiquants, il faut également se demander pourquoi les gens consomment de la drogue.
Je crois que nous vivons dans une société de plus en plus anxiogène. Les Français, et plus particulièrement les jeunes, cherchent ainsi une échappatoire.
Les politiques pourront créer autant de parquets qu’ils le souhaitent, on ne résoudra jamais la problématique de la consommation des stupéfiants avec le seul volet répressif.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.