Les plus vieux macro-organismes eucaryotes planctoniques datés de 2,1 milliards d’années, découverts au Gabon

Représentation artistique de la morphologie et de l'environnement de vie des spécimens protistes étudiés faisant partie des « Gabonionta ». A. El Albani, Fourni par l'auteur
Partager un article
Durée de lecture: 7 Min.
Durée de lecture: 7 Min.
L’origine des cellules eucaryotes est un défi majeur en biologie évolutive, suscitant un débat tenace au sein de la communauté scientifique depuis des décennies. L’objectif est de savoir à quelle période de l’histoire de la vie, le monde bactérien n’est plus le seul à dominer la planète terre et que des cellules nouvelles de type eucaryote, dites « sophistiquées » émergent. C’est un moment clé pour nos connaissances à propos de l’histoire de l’évolution. L’objectif est de mieux comprendre la chronologie et le cheminement de la divergence des deux branches du vivant. Cette phase est déterminante pour la suite de l’histoire de la vie sur terre.
Ces cellules, comme celles qui composent notre corps, se caractérisent par la présence d’un noyau et d’organites délimités par des membranes cellulaires.
Notre équipe internationale, en collaboration avec le Gabon, a mis en évidence les plus vieux fossiles de protistes eucaryotes, qui vivaient dans l’eau de mer (plancton) il y a 2,1 milliards d’années. Un protiste est un organisme unicellulaire composé d’une cellule de type eucaryote.
Cette découverte fait reculer le curseur de l’émergence des organismes eucaryotes de plus de 300 millions d’années. Ces résultats sont publiés dans le numéro d’avril 2023 de la revue Earth Planetary Sciences Letter.
Un recul extraordinaire de l’apparition d’une vie pluricellualire
Il y a quelques années, mon équipe a découvert au Gabon les plus vieux fossiles d’organismes pluricellulaires nommés « Gabonionta ». Grâce à ce gisement situé dans le bassin de Franceville, la date d’apparition d’une vie pluricellulaire sur Terre avait alors été reculée d’environ 1,5 milliard d’années, passant de -600 millions à -2,1 milliards d’années.
Notre équipe avait également montré que cette formidable biodiversité, concomitante d’un pic de concentration en dioxygène dans l’atmosphère, s’était développée dans un milieu marin calme et peu profond. Cette biodiversité est représentée par l’abondance de macro-fossiles en excellent état de préservation et par la diversité de tailles et de formes.
C’est au sein de la même formation géologique que l’équipe internationale que je coordonne a découvert l’existence de fossiles de protistes macroscopiques dont la taille peut atteindre 4,5 centimètres. Leur milieu de vie semble avoir été dans l’eau et non sur le fond marin. Ceci est illustré grâce à leur présence dans différents contextes sédimentaires. En plus on constate qu’ils ont agrégé des fines particules argileuses très fines modifiant ainsi leur densité et entraînant leur chute sur le fond océanique.
L’apparition du plancton
Dans cet écosystème marin primitif, certains organismes eucaryotes étaient donc déjà biologiquement suffisamment sophistiqués pour pouvoir vivre de façon planctonique.
Ce résultat a été obtenu grâce à l’usage du zinc, considéré comme un élément indispensable pour le métabolisme biologique. Les données ont révélé que ces fossiles contiennent environ deux fois plus de zinc que le sédiment qui les contient.
De plus, en collaboration avec L’École Normale Supérieur de Lyon, les universités de Lille et Rennes et le Synchrotron SOLEIL, les données montrent qu’à l’intérieur de ces fossiles, les isotopes du zinc présentent un enrichissement en isotope léger par rapport à ce même sédiment. Le comportement du zinc est d’un grand intérêt, car il s’agit d’un micronutriment bio-essentiel, composant de plusieurs métalloenzymes qui remplissent des fonctions biologiques clés dans les cellules eucaryotes, dont la composition de certaines protéines indispensables pour le métabolisme du vivant.
Ainsi, la demande cellulaire en zinc dépend fortement de la taille de la cellule, de l’organisation, la complexité, la fonctionnalité et le métabolisme. À cet égard, l’augmentation de la taille de ces organismes a pu être corrélée à l’augmentation de la disponibilité du zinc.
Ces données ont permis de mettre en lumière le rôle fondamental du zinc comme marqueur biogéochimique de la biogénicité.
Parallèlement, un couplage de plusieurs techniques de pointe nous a permis à la fois de doser la concentration en zinc et d’identifier ces isotopes. Nous avons également cartographié le zinc grâce à des méthodes d’analyses réalisées au synchrotron Soleil à Paris. L’imagerie 3D a été réalisée par microtomographie aux rayons X, technique d’imagerie non destructive. Les résultats ont montré qu’il s’agit bien de structures ayant une compartimentalisation interne. Ces données d’imagerie apportent une confirmation supplémentaire de l’origine biologique de ces fossiles.

A. El Albani & A. Mazurier, Fourni par l’auteur
Article écrit par Abderrazak El Albani, Professeur à l’Université de Poitiers, Université de Poitiers
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Articles actuels de l’auteur
08 novembre 2025
Redécouvrir la lumière oubliée du Moyen Âge
29 avril 2024
France-Chine, 60 ans d’ambivalence
31 juillet 2023
Du pétrole sur vos cheveux, quelle bonne idée…









