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Le PCC rend publique, fait rare, l’affaire d’un officier de renseignement à la retraite qui aurait divulgué des informations classifiées à des entités étrangères
La publicité inhabituelle de cette affaire par Pékin vise à dissuader la récidive et illustre un durcissement du contrôle, selon les analystes.

Un policier paramilitaire surveille la place Tian’anmen à Pékin, le 15 mars 2019.
Photo: Fred Dufour/AFP via Getty Images
Le ministère chinois de la Sécurité d’État a publié un communiqué public concernant la fuite de secrets par des agents de renseignement retraités vers des entités étrangères. Auparavant, ces affaires étaient traitées dans la plus grande discrétion.
Selon des analystes, cette évolution signale un renforcement du contrôle visant aussi les officiers à la retraite, sur fond de luttes internes au sommet du Parti communiste chinois (PCC).
Les médias d’État indiquent que le ministère a diffusé, sur son compte officiel WeChat, un avis le 9 novembre stipulant que, ces dernières années, les épisodes de fuites impliquant des personnels retraités d’unités sensibles se sont multipliés. Le ministère rappelle que « la confidentialité des informations classifiées est une affaire grave », et qu’une fois partis, les anciens agents doivent rester vigilants quant à la nature de ces informations.
Le communiqué cite plusieurs raisonnements typiques qui exposent les retraités au risque de divulgation de secrets d’État, tels que « Je me suis contenté d’emporter les documents chez moi pour les classer, comment cela pourrait-il constituer une fuite ? » ou « Je suis retraité depuis des années, ces vieux dossiers ne servent plus à rien, qui s’en soucierait ? ».
L’avis a mentionné le cas de Cheng, retraité d’une unité sensible, qui a contacté à plusieurs reprises des agences de renseignement étrangères, leur transmettant des documents top secrets et confidentiels dans le but d’aider ses enfants à obtenir des visas étudiants. Il a finalement été condamné à de la prison pour espionnage et privé de ses droits civiques, précise le communiqué.
Ce cas s’inscrit dans une série d’affaires révélées cette année par le ministère, où des personnes ayant accès à des informations sécurisées les ont vendues à l’étranger – une pratique autrefois tenue secrète.
En avril, le ministère a divulgué l’affaire d’un employé d’un institut de recherche sensible ayant fait sortir des données techniques du pays ; en août, un ouvrier retraité de l’industrie militaire a été sanctionné pour avoir stocké des documents classifiés sur son ordinateur personnel – puis les avoir uploadés dans le cloud ; le 8 octobre, le ministère a signalé le cas d’un salarié d’un grand groupe ayant transmis des informations sensibles à l’étranger par vengeance personnelle ; enfin, le 12 octobre, il a révélé que des agences étrangères, déguisées en « blogueurs de voyage », incitaient des personnes en Chine à collecter des données militaires ou géographiques.
Xi Jinping resserre son contrôle sur les unités sensibles
Le dernier cas en date a été signalé après la tenue, fin octobre, de la quatrième réunion plénière du Comité central du Parti communiste chinois, la plus importante réunion politique du pays. De plus, selon Cai Shenkun, commentateur politique chevronné basé aux États-Unis, le ministre de la Sécurité publique, Chen Yixin, est proche du dirigeant du Parti communiste chinois Xi Jinping.
Le ciblage des officiers retraités vise probablement à « instaurer un climat de terreur pour entretenir la lutte politique et façonner une opinion publique favorable au renforcement du contrôle par Xi Jinping », explique M. Cai à Epoch Times le 11 novembre.
Xi Jinping cherche à mettre les unités sensibles sous sa coupe directe, d’où la publicité donnée à ces affaires, analyse Yeh Yao‑Yuan, professeur en science politique à l’Université de St. Thomas.
« Il s’agit de donner l’exemple pour intimider les autres. Xi prévient qu’il connaît leurs agissements : et s’ils lui désobéissent, il les accusera et les détruira », précise M. Yeh.
Contrôles renforcés
M. Li, ancien fonctionnaire à la retraite d’un ministère central en Chine (nom modifié pour raisons de sécurité), confie à Epoch Times que de nombreux agents issus d’unités sensibles conservent, une fois partis, leurs anciens dossiers et leurs réseaux de contacts.
« Pour beaucoup, garder des documents chez soi ne pose aucun problème et personne ne pense que c’est une faute. Or le contrôle est de plus en plus strict : même les vieux dossiers sont désormais considérés comme classifiés », explique M. Li.

Un agent de sécurité dirige les passagers à l’aéroport international de Pékin le 6 juillet 2025. (Wang Zhao/AFP via Getty Images)
M. Li détaille : les cadres de division issus d’unités classifiées et des systèmes judiciaire, policier ou de la sécurité publique sont interdits de sortie du territoire durant trois ans après leur retraite ; les cadres de bureau pendant cinq ans ; enfin, les hauts dirigeants ministériels et les généraux retraités de l’armée, pour huit ans.
« Si ces personnes veulent partir aux États-Unis pour voir leurs petits‑enfants, c’est strictement interdit », insiste M. Li.
Il ajoute qu’en pratique, ces réglementations sont appliquées de façon encore plus rigide que dans les textes officiels.
« De nombreux retraités ayant travaillé dans des secteurs sensibles restent sous surveillance et font l’objet d’enquêtes permanentes », poursuit M. Li.
Eric ( nom d’emprunt ), ancien espion chinois réfugié en Australie en 2023, affirme que le contrôle des retraités a toujours existé.
« Ce durcissement actuel vise à renforcer la capacité de dissuasion », analyse-t-il. « Il s’agit sans doute d’un réflexe de préparation à la guerre davantage que de luttes intestines : Xi contrôle déjà l’appareil. »
Dans le contexte plus large contrôlé par le PCC, M. Cai estime que « les membres de la société, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du système, sans parler des retraités, sont également soumis à un contrôle strict ».
« En réalité, c’est une vaste prison où il n’existe ni liberté d’expression ni liberté d’action », conclut M. Cai.
Yuo Ya et Yang Qian ont contribué à la rédaction de cet article.

Alex Wu est un rédacteur basé aux États-Unis qui écrit pour The Epoch Times sur la société et la culture chinoises, les droits de l'homme et les relations internationales.
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