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Le festival chinois du shopping de la fête des célibataires ralentit dans un contexte économique morose
La croissance des ventes s’avère nettement inférieure à celle de l’an dernier, ce qui met en lumière une croissance « de mauvaise qualité » dans un contexte déflationniste.

Des employés trient des colis à expédier dans un entrepôt de JD.com à Pékin lors du festival du shopping « Single’s Day » en Chine, le 11 novembre 2024.
Photo: Wang Zhao/AFP via Getty Images
Le plus grand festival commercial chinois, le « Single’s Day » (Fête des célibataires, le 11 novembre), qui a duré plus d’un mois, a connu une croissance plus lente que l’année dernière, les consommateurs recherchant les bonnes affaires dans un contexte économique morose en Chine.
Selon des analystes, les consommateurs chinois ont peu confiance dans leurs revenus futurs et la croissance économique chinoise montre des signes de faiblesse.
Le total des ventes sur les plateformes de e-commerce chinoises a atteint environ 1,7 billion de yuans (environ 238,3 milliards de dollars) durant ce festival, soit une hausse de 14 % sur un an, selon les données de Syntun, un cabinet d’études consommateurs en Chine.
Cette progression reste inférieure à la croissance annuelle de 26,6 % enregistrée lors du « Single’s Day » 2024, malgré une période de promotions plus longue d’au moins une semaine cette année‑là.
À cause de la crise immobilière persistante, du chômage élevé et de perspectives de revenus incertaines, la confiance des consommateurs chinois s’est nettement effritée, rendant l’acte d’achat plus difficile que jamais.
Pour stimuler la consommation, les enseignes ont adopté des stratégies de remises plus agressives, avec des milliards de yuans en subventions et coupons distribués, et en prolongeant la période promotionnelle : cette édition du « Single’s Day » est la plus longue de l’histoire, démarrant dès le début du mois d’octobre.
« De nombreux magasins physiques utilisaient directement les plateformes de ventes flash sur Internet, ce qui constitue un format inédit, mais les frais d’expédition restent élevés », confie Lu Feng, consommatrice pékinoise du secteur des médias, au média Epoch Times le 13 novembre.
Elle reconnaît que les remises étaient importantes cette année, « mais je n’ai pas constaté de frénésie d’achat à Pékin à cette occasion ».
Concernant la prudence des consommateurs, Mme Lu assure que le quatrième plénum du Parti communiste chinois (PCC), grand rendez-vous politique du régime, n’a mentionné aucune réforme des revenus, intimement liée au quotidien des ménages, « et aucun gouvernement local n’a présenté de projet en faveur du pouvoir d’achat : tout l’effort a été porté sur la relance à court terme de la consommation ».
Croissance de mauvaise qualité
Le « Single’s Day » de cette année « n’a pas connu d’effondrement en termes de chiffre d’affaires global — le montant nominal des transactions (GMV) affiche encore une croissance oscillant entre un chiffre et deux chiffres, mais la qualité de cette progression demeure médiocre », déclare l’économiste Davy J. Wong à Epoch Times, le 13 novembre.
Les plateformes ont allongé la durée des promotions de quelques jours à quasiment un mois ; les commerçants ont dû consentir à des rabais bien plus importants simplement pour atteindre une hausse de 14 %.
Les clients, eux, adoptent résolument une attitude « je n’achète qu’en promotion, jamais au prix fort » : ils attendent les offres, comparent systématiquement, et se montrent de plus en plus prudents, estime M. Wong.
« Ce qui traduit une confiance limitée dans l’avenir : les ménages préfèrent épargner que consommer librement », ajoute‑t‑il.
Des employés trient les colis après le « Single’s Day » dans un centre logistique à Hengyang, dans la province du Hunan, au centre de la Chine, le 12 novembre 2023. (STR/AFP via Getty Images)
Si même le principal festival du e‑commerce du pays ne parvient à soutenir sa croissance qu’au moyen de campagnes de promotions prolongées et de réductions massives des prix, « il est difficile de croire que le commerce physique, la restauration et les services connaissent de meilleurs résultats que le e-commerce », juge M. Wong.
L’objectif officiel du PCC pour la croissance du PIB chinois cette année s’élève à 5 %. Dans les faits, le PIB a progressé d’environ 5,3 % sur la première moitié de l’année, avant de ralentir à près de 4,8 % au troisième trimestre, atteignant tout juste la cible.
En apparence, la Chine se maintient dans la plage des « autour de 5 % », relève l’économiste, mais « ce chiffre tient surtout grâce aux exportations et aux investissements dictés par les politiques publiques ; à l’inverse, les ménages et le secteur privé sont entrés dans une phase de désendettement et de réduction drastique de leurs dépenses ».
La perspective de la déflation
Depuis l’entrée de l’économie chinoise en déflation en 2023, la réalité semble plus sombre que ce que veulent bien admettre les statistiques officielles : les prix des biens courants dévissent, et la part des entreprises déficitaires atteint un sommet inégalé depuis 25 ans, selon Bloomberg.
Face à une demande atone et à la chute des prix, les entreprises révisent brutalement leurs tarifs pour conserver leurs parts de marché, explique M. Wong.
« Le résultat est une production sans valeur : beaucoup de volume, mais des marges faibles et des prix plancher. Les pertes persistantes ou des profits quasi nuls minent directement l’investissement et l’embauche. À terme, ce cercle vicieux — prix bas, faibles profits, investissements insuffisants, stagnation des salaires — érode la productivité et décourage l’innovation technologique », analyse-t-il.
La déflation s’accompagne d’un recul de la demande intérieure, souligne Sun Kuo-hsiang, professeur d’affaires internationales à l’Université Nanhua de Taïwan, dans Epoch Times le 14 novembre.
« Lorsque les prix baissent, la demande se contracte, les stocks gonflent : les entreprises n’investissent plus, les ménages hésitent à dépenser, et les recettes fiscales fondent », observe-t-il.
Il estime que la croissance demeure en surface, « mais le ralentissement interne est réel. L’économie chinoise s’installe dans un “hiver à la chinoise”, long et difficile ».
Économie et luttes politiques
Tandis que les luttes de pouvoir persistent au sommet du PCC, le développement économique et le niveau de vie de la population ne figurent pas au premier plan des priorités des autorités, rapportent les analystes.
À en juger par les actes plutôt que par la rhétorique officielle, M. Wong juge que, dans la hiérarchie des priorités, le régime place d’abord la stabilité du pouvoir et la sécurité, ensuite la stratégie à moyen et long terme, enfin la croissance à court terme.
Les réformes de fond du marché ou une redistribution significative au profit des ménages sont ainsi « reléguées au second plan ».
Bien que les rapports statistiques fassent toujours état d’une croissance de 4 à 5 %, le ressenti populaire lors du « Single’s Day », tant sur les prix, les bénéfices des entreprises que le comportement des foyers, est celui d’une économie en perte de vitesse, résume M. Wong.
L’atmosphère actuelle dans les cercles politiques à Pékin s’apparente davantage à un « combat pour la défense du pouvoir » qu’à un « combat pour le redressement économique », avance M. Sun.
Les autorités se consacrent à discréditer ceux qui ne sont « pas absolument loyaux » ou dont « la ligne politique diverge », tandis que les enjeux économiques passent au second plan, d’après lui.
« Du moment que les chiffres peuvent être enjolivés, les statistiques manipulées, et l’opinion orientée, même une chute à deux chiffres du PIB pourra être présentée comme une “optimisation structurelle”. Telle est la réalité actuelle : l’économie n’est plus au cœur de la gouvernance, mais simplement un outil permettant de consolider le pouvoir », conclut-il.
Luo Ya a contribué à la rédaction de cet article.

Alex Wu est un rédacteur basé aux États-Unis qui écrit pour The Epoch Times sur la société et la culture chinoises, les droits de l'homme et les relations internationales.
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