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plus-iconLa Chine soutient la guerre menée par la Russie

La Cheffe de la politique étrangère de l’UE affirme que la Chine soutient la guerre menée par la Russie afin de détourner l’attention des États-Unis

Les propos de la responsable européenne indiquent un changement d’orientation dans la politique menée à l’égard de la Chine comme des États-Unis, selon plusieurs analystes.

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Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lors d’une conférence de presse après une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE au Forum de Copenhague (Danemark), le 30 août 2025.

Photo: Emil Helms/Ritzau Scanpix/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

La haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, a déclaré que le régime communiste chinois aide activement la Russie à prolonger sa guerre contre l’Ukraine afin de détourner l’attention et les ressources américaines de Pékin.
Selon des analystes, cette prise de position explicite de la cheffe de la diplomatie européenne traduit un changement clair dans la stratégie de l’UE vis‑à‑vis de la Chine, ainsi qu’un réajustement de sa relation avec les États‑Unis.
Dans un entretien accordé à The Economist le 28 octobre, Kaja Kallas a souligné que le président russe Vladimir Poutine ne montrait aucun signe de volonté de négocier un cessez‑le‑feu depuis le déclenchement de la guerre en février 2022. Elle a qualifié le régime chinois de « principal facilitateur de cette guerre », rappelant que la Chine était devenue le plus important soutien de M. Poutine dans le conflit.
La Chine achète du pétrole et du gaz russes tout en exportant vers la Russie des biens de consommation, des technologies et des équipements à usage militaire, tels que des drones.
Kaja Kallas a également rapporté les propos tenus par le plus haut diplomate chinois, Wang Yi, lors d’une rencontre en juillet : « Son message était qu’il n’est pas dans leur intérêt que cette guerre [en Ukraine] s’arrête, car l’attention de l’Amérique se tournerait alors vers la Chine. »

Kaja Kallas, haute représentante et vice‑présidente de la Commission pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, serre la main du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi lors de la 13e session du dialogue stratégique UE‑Chine, à Bruxelles, le 2 juillet 2025. (François Walschaerts/AFP via Getty Images)

Elle a noté qu’il est dans l’intérêt de Pékin de maintenir l’attention américaine tournée vers l’Europe.
Mme Kallas a ajouté que la Russie et la Chine ont été « très transparentes » quant à leurs intentions. Elle a cité une rencontre en 2023 entre le dirigeant du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, et Vladimir Poutine à Moscou, au cours de laquelle M. Xi avait déclaré : « En ce moment, il y a des changements comme on n’en a pas vus depuis cent ans – et nous en sommes les acteurs principaux », faisant référence au déclin de l’ordre mondial démocratique libéral dominé par les États‑Unis.

Russie et Chine

Les déclarations de Mme Kallas montrent que l’Union européenne associe désormais les questions russes et chinoises, a expliqué Shen Ming‑shih, chercheur à l’Institut taïwanais de recherche sur la défense nationale et la sécurité, dans un entretien accordé à Epoch Times le 31 octobre.
Selon lui, la Russie occupe deux régions du Donbass que M. Poutine pourrait utiliser comme monnaie d’échange : « Dans un moment aussi critique du conflit, Poutine ne renoncera ni à négocier ni à se retirer, et de la même manière, la Chine ne cessera pas de le soutenir. »
Tant que les États‑Unis et l’Union européenne demeureront unis pour maintenir la pression sur la Chine en raison de son appui à la guerre menée par la Russie, « ils pourront, en négociant avec Pékin, contraindre Xi Jinping à infléchir ses politiques, réduisant ainsi la probabilité d’un soutien ouvert ou massif à Moscou. Au minimum, cela limitera l’aide chinoise à la Russie. Cette stratégie me paraît évidente », a‑t‑il ajouté.
L’entretien de Mme Kallas montre que l’UE a compris que, si elle souhaite mettre fin au conflit russo‑ukrainien, elle doit accentuer la pression sur la Chine, a estimé Yeh Yao‑Yuan, professeur de sciences politiques et d’études internationales à l’Université de St. Thomas, dans un entretien avec Epoch Times le 29 octobre.

Un passant à proximité d’un drone iranien Shahed‑136 (Geranium‑2) dans une nouvelle exposition en plein air d’équipements russes détruits, à Kyiv (Ukraine), le 27 octobre 2025. (Sergei Supinsky/AFP via Getty Images)

Selon lui, « l’attitude des pays européens à l’égard de la Chine n’a jamais été homogène ; néanmoins, les propos de Mme Kallas traduisent un certain consensus parmi les États membres sur le rôle de Pékin dans la déstabilisation de la paix européenne, ce qui exercera une pression accrue sur la Chine. »

L’Europe ne peut plus compter uniquement sur les États‑Unis

Mme Kallas a rappelé que « la prévisibilité dont [l’Europe] bénéficiait auparavant » en s’appuyant sur les États‑Unis pour sa défense « n’existe plus » sous l’administration Trump, ce qui pousse le continent à jouer un rôle plus important dans le soutien à l’Ukraine et dans sa propre sécurité.
M. Yeh a souligné que la politique étrangère de l’administration Trump se caractérisait par son imprévisibilité : « Un jour, Donald Trump peut imposer des droits de douane très élevés ; le lendemain, se montrer ouvert à toutes les négociations. C’est une tactique diplomatique transactionnelle qui complique la planification à long terme de l’UE. »
Les propos de Mme Kallas traduisent l’inquiétude européenne : si les États‑Unis modifiaient leurs sanctions contre la Russie ou réduisaient leur engagement sécuritaire envers l’Europe à cause de leur rivalité avec la Chine, le Vieux Continent devrait alors assumer davantage de responsabilités en matière de sécurité et combler d’éventuelles lacunes laissées par Washington, a déclaré Sun Kuo‑hsiang, professeur d’affaires internationales et d’économie à l’Université Nanhua de Taïwan.
« L’appel de Mme Kallas constitue donc un avertissement : l’Europe ne peut plus compter uniquement sur les États‑Unis. Elle doit se préparer à assurer seule sa sécurité et son autonomie stratégique face aux changements de cap américains », a‑t‑il affirmé.

Toujours attachée au libre‑échange

Mme Kallas a également souligné que « l’Europe reste attachée au libre‑échange », évoquant les récents efforts pour conclure des accords comme celui avec le Mercosur, le bloc commercial sud‑américain. Le problème, a‑t‑elle noté, est que nombre d’adversaires et même d’alliés du continent ne respectent plus les règles.
Concernant la stratégie de Pékin qui consiste à « instrumentaliser les exportations et chaînes d’approvisionnement de terres rares et de matières premières critiques » contre l’Occident, M. Sun a indiqué que l’UE renforçait ses normes de « concurrence loyale » et d’« accès équitable aux marchés », exigeant la levée des restrictions à l’exportation sur ces produits.
L’Union européenne intensifie également ses enquêtes et contre‑mesures face aux subventions et à la surcapacité chinoises, notamment dans le secteur des véhicules électriques.
Selon M. Sun, ces actions s’inscrivent dans la logique d’« autodéfense économique » de l’UE : intégrer les outils économiques à ses considérations de sécurité.

Des ouvriers au bord d’un lac toxique entouré d’usines de terres rares près de Baotou, en Mongolie‑Intérieure, le 19 août 2012. (Ed Jones/AFP via Getty Images)

À l’avenir, l’Union pourrait aller plus loin en lançant des mesures de rétorsion commerciale, des enquêtes anti‑subventions, des contrôles à l’exportation, des révisions d’investissements ou même en créant une « liste d’entités » semblable à celle utilisée par les États‑Unis pour imposer des licences spécifiques à certaines entreprises ou organisations étrangères.
« Des sanctions existent déjà contre les véhicules électriques, mais la part des produits chinois concernés reste faible, car il faut du temps pour trouver d’autres pays de production. L’effet global des sanctions sur la Chine demeure donc limité », a observé M. Yeh.

Un tournant stratégique

Selon M. Sun, l’importance des propos de Mme Kallas réside dans le fait qu’ils reflètent un tournant relativement net de la politique étrangère de l’Union européenne : une nouvelle approche vis‑à‑vis de la Chine et une réévaluation de sa relation avec les États‑Unis à la lumière de la guerre russo‑ukrainienne.
Cela traduit un basculement vers une politique étrangère et de sécurité plus offensive et plus autonome. L’UE semble passer d’une approche centrée sur le commerce – qui lui permettait de garder une certaine distance vis‑à‑vis de Washington comme de Pékin – à une logique diplomatique qui « accorde désormais plus de poids à la sécurité géopolitique, aux valeurs et à la compatibilité des systèmes », a‑t‑il conclu.
Luo Ya et Gao Shan ont contribué à cet article.