Le 17 septembre à Riyad, capitale de l’Arabie saoudite, le prince héritier et Premier ministre Mohammed ben Salmane et le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif ont signé un accord stratégique de défense mutuelle qui étend désormais l’arsenal nucléaire du Pakistan à la défense du royaume saoudien.
Lors d’un entretien télévisé le 18 septembre, le ministre pakistanais de la Défense, Khawaja Mohammad Asif, a déclaré : « Qu’on soit clair sur la capacité nucléaire du Pakistan : cette capacité a été établie il y a longtemps, lorsque nous avons procédé aux essais. Depuis, nous disposons de forces entraînées pour le champ de bataille… Ce que nous avons, et les capacités que nous possédons, seront mises à la disposition de [l’Arabie saoudite] conformément à cet accord. »
À l’instar de son rival indien, le Pakistan ne divulgue pas les données relatives à son arsenal nucléaire. L’Arms Control Association, basée à Washington, estime que le Pakistan dispose d’environ 170 armes nucléaires de tous types, contre environ 172 pour l’Inde.
Les vecteurs nucléaires pakistanais comprennent l’Ababeel à propergol solide, d’une portée de 2250 kilomètres, capable d’emporter trois ogives nucléaires MIRV ou davantage, une capacité que des sources gouvernementales indiennes ont indiqué à cet analyste en 2019 avoir été rendue possible par la Chine.
Parmi les autres missiles pakistanais à capacité nucléaire figurent le Shaheen‑III à propergol solide, d’une portée de 2700 kilomètres, le missile de croisière d’attaque au sol Babur, d’une portée de 900 kilomètres, le Shaheen‑1 à propergol solide, de 900 kilomètres, ainsi que l’arme nucléaire tactique à propergol solide Nasr, d’une portée de 70 kilomètres.
Tous ces missiles sont transportés sur des véhicules érecteurs‑lanceurs de fabrication chinoise, et la China Aerospace Science and Industry Corporation (CASIC : Société chinoise des sciences et industries aérospatiales) est depuis longtemps soupçonnée d’être la principale source des technologies des missiles balistiques et de croisière à propergol solide produits par le Pakistan.
Tirés depuis le territoire pakistanais, les missiles balistiques et de croisière actuels peuvent couvrir la majeure partie de l’Inde, mais ne peuvent atteindre Israël, puissance nucléaire, ni des cibles aux États‑Unis et en Europe — principaux soutiens d’Israël et adversaires nucléaires potentiels pour cette alliance —, la Chine n’étant en aucun cas une cible des missiles nucléaires pakistanais rendus possibles par son aide.
Des Pakistanais font le signe de la victoire pour célébrer le cessez‑le‑feu entre le Pakistan et l’Inde, à Multan, le 10 mai 2025. (Shahid Saeed Mirza/AFP via Getty Images)
Il est pour le moins singulier que l’Arabie saoudite ait opté pour une alliance nucléaire avec le Pakistan, rendue possible par la Chine, au lendemain de la mission de bombardement américaine « Midnight Hammer » du 22 juin — appuyée par plus de cent avions tactiques de l’US Air Force opérant depuis des bases saoudiennes pour détruire la capacité nucléaire imminente de l’Iran —, tandis que le bombardement, le 9 septembre, par Israël du complexe résidentiel de la direction du Hamas au Qatar ne saurait être invoqué comme une menace justifiant cette alliance.
En réalité, l’accord de défense Arabie saoudite–Pakistan était en gestation de longue date ; le 18 septembre, Reuters a rapporté la révélation par un responsable saoudien que ce pacte faisait l’objet de discussions depuis des années.
Cela explique vraisemblablement pourquoi, bien avant l’officialisation du pacte, le Pakistan a décidé de développer un missile balistique intercontinental (ICBM).
Dans un discours du 19 décembre 2024, l’ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale de l’administration Biden, John Finer, a indiqué que le Pakistan cherchait à développer un ICBM.
Il a précisé que le Pakistan avait mis au point des moteurs de missile plus puissants et que « le Pakistan aura la capacité de frapper des cibles bien au‑delà de l’Asie du Sud, y compris aux États‑Unis ».
Pour atteindre Washington ou Los Angeles, le Pakistan a besoin d’un ICBM d’une portée d’environ 12.800 kilomètres, une capacité qui se situe dans la fourchette du Hwasong‑18 nord‑coréen, ICBM mobile à propergol solide, crédité d’une portée de 15.000 kilomètres.
Le Pakistan et la Corée du Nord ont une longue histoire de coopération dans le domaine du développement d’armes nucléaires et de missiles balistiques à longue portée. Comme le Hwasong-18 utilise très probablement la technologie chinoise des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), il dispose également d’un lanceur-transporteur-érigeur de conception chinoise. Le Pakistan peut choisir d’obtenir la technologie chinoise des ICBM directement auprès de la Chine ou indirectement via la Corée du Nord.
Ce n’est pas tout : une capacité ICBM crédible exige une capacité de « seconde frappe » pour compenser un premier coup porté par l’ennemi contre les forces nucléaires primaires, ce qui place le Pakistan en position d’importer soit un sous‑marin nucléaire lance‑engins (SNLE) chinois, soit un sous‑marin lance‑missiles conventionnel (SSB), voire un bâtiment nord‑coréen — Pyongyang ayant lancé un SSB en septembre 2023 et construisant désormais son premier SNLE.
Le pacte nucléaire annoncé le 17 septembre entre l’Arabie saoudite et le Pakistan n’est que le dernier avatar de décennies de prolifération chinoise en matière de technologies nucléaires et balistiques, qui remontent à un accord de 1976 entre le dirigeant chinois Mao Zedong et le Premier ministre pakistanais Zulfikar Ali Bhutto pour initier des transferts de technologie nucléaire à destination du Pakistan, lesquels ont conduit, dès 1982, au transfert de plans de bombes et d’uranium hautement enrichi.
En 1993, la fille de ce dernier, Benazir Bhutto, alors Première ministre, aurait accepté de livrer des technologies d’armement nucléaire à la Corée du Nord en échange de technologies de missiles à carburant liquide de longue portée. La rumeur veut que l’un des six essais nucléaires souterrains pakistanais de mai 1998 ait porté sur une bombe nord‑coréenne.
À l’été 2011, la Chine a commencé à transférer à la Corée du Nord le véhicule érecteur‑lanceur (TEL) à 16 roues produit par la CASIC, qui a ensuite porté une maquette d’ICBM à carburant liquide lors d’un défilé militaire nord‑coréen, le 15 avril 2012.
Tous les ICBM nord‑coréens ultérieurs, à carburant liquide comme à propergol solide, sont transportés par une version de ce TEL d’origine CASIC, ou par un modèle plus grand ; le Hwasong‑19 à propergol solide, donné pour 15.000 kilomètres de portée, est le plus imposant ICBM à propergol solide au monde, monté sur un TEL dérivé à 22 roues — indice fort d’une facilitation chinoise des ICBM nord‑coréens.
Le nouveau pacte nucléaire Arabie saoudite–Pakistan pourrait réaliser ce que Pékin recherchait à travers des années d’assistance et de protection au programme nucléaire et balistique iranien : faire de la Chine l’arbitre des rapports de force au Moyen‑Orient en poussant l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) à rechercher une protection nucléaire chinoise, directe ou indirecte ; détourner l’Arabie saoudite, les EAU, le Qatar et l’Égypte de la sphère d’influence américaine ; et, à terme, susciter une coalition irano‑arabe dotée de l’arme nucléaire face à Israël.
(2e à g.) Le président russe Vladimir Poutine marche aux côtés du dirigeant chinois Xi Jinping, du dirigeant nord‑coréen Kim Jong‑un et du Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif avant un défilé militaire marquant le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la place Tiananmen, à Pékin, le 3 septembre 2025. (Alexander Kazakov/Pool/AFP via Getty Images)
Fait stupéfiant, à la tribune des Nations unies le 24 septembre, le président iranien Masoud Pezeshkian a déclaré : « L’Iran salue le pacte défensif entre deux pays musulmans frères — le Royaume d’Arabie saoudite et la République islamique du Pakistan — comme le point de départ d’un système complet de sécurité régionale, avec la coopération des États musulmans d’Asie de l’Ouest, dans les domaines politique, sécuritaire et de défense. »
Il est vrai que Washington a déployé d’énormes efforts diplomatiques pour sanctionner et enrayer la prolifération nucléaire et balistique orchestrée par le régime chinois, tout en s’efforçant d’empêcher le Pakistan et l’Inde de devenir des États dotés de missiles nucléaires, et en conduisant des décennies de diplomatie de sanctions face à la montée en puissance nucléaire de la Corée du Nord.
Mais cet effort de longue haleine a échoué. Pékin a fait du Pakistan et de la Corée du Nord des États dotés de missiles nucléaires, et la Chine est vraisemblablement à l’origine de la volonté pakistanaise de se doter d’un ICBM, que Pékin pourrait, à court terme, compléter par des sous‑marins armés de missiles nucléaires.
Si Pékin parvient à renforcer les capacités nucléaires du Pakistan, il se sentira encouragé à pousser Islamabad à armer d’ogives nucléaires les missiles DF‑21 chinois de l’Arabie saoudite, et pourrait inciter le Pakistan et/ou la Corée du Nord à partager des armes nucléaires avec d’autres États arabes, voire à aller jusqu’à fournir des armes à des dictatures dépendantes de la Chine, comme le Venezuela et Cuba.
Il n’est pas trop tard pour faire ce qui aurait dû être fait en 2011 : signifier clairement à Pékin que sa prolifération nucléaire se traduira par un isolement politique et économico‑commercial des États‑Unis et de leurs alliés.
Comme cela aurait dû être fait dès 2011, les États-Unis doivent désormais fabriquer et redéployer des armes nucléaires tactiques dans la zone indo-pacifique et construire de nouvelles plateformes afin de renforcer leurs capacités de dissuasion nucléaire en Asie du Nord-Est, en Méditerranée et dans la mer d’Oman et l’océan Indien.
Pourquoi ne pas lancer un programme d’urgence visant à porter de 4 à 16 le nombre de tubes lance‑missiles de grande taille sur les sous‑marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia Block 5 — ce qui augmenterait leur capacité d’emport de missiles Conventional Prompt Strike de 3700 kilomètres de 12 à 48 —, et un programme accéléré pour les doter de petites ogives nucléaires ?
En outre, les États‑Unis devraient ouvrir des discussions avec l’Inde sur le partage des technologies nationales de défense antimissile « Golden Dome » afin de contrer les missiles nucléaires du Pakistan et de la Chine visant le territoire indien.
La Chine communiste est la raison pour laquelle l’Arabie saoudite et le Pakistan peuvent former une alliance nucléaire. Aujourd’hui, après des décennies de diplomatie infructueuse, les États-Unis n’ont d’autre choix que de construire et de déployer des armes nucléaires tactiques et de proposer des défenses antimissiles stratégiques afin de contenir et de dissuader les mandataires nucléaires actuels et futurs de la Chine au Moyen-Orient et ailleurs.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Rick Fisher est le chercheur principal du think tank International Assessment and Strategy Center, basé à New York.