Opinion
Le Maroc brûle : protestations orchestrées pour une abdication contrôlée ou voie vers un chaos inévitable ?

Des manifestants scandent des slogans lors d'une manifestation de jeunes sur un marché de Rabat, le 29 septembre 2025, réclamant des réformes dans les secteurs de la santé et de l'éducation.
Photo: Abdel Majid BZIOUAT/AFP via Getty Images
Dans les rues de Rabat, Casablanca et Tanger, la voix des jeunes Marocains résonne avec une force inhabituelle. Le mouvement GenZ212, baptisé en l’honneur de l’année 212 de l’ère berbère qui symbolise une renaissance culturelle, mène des manifestations massives pour réclamer des réformes structurelles profondes : un système de santé accessible et moderne, une éducation de qualité qui prépare à l’avenir, la fin de la corruption endémique et des mesures concrètes contre le chômage des jeunes qui frôle les 47 %. Ces revendications ne sont pas des caprices ; elles sont le cri d’une génération étouffée par la pauvreté, l’abandon de l’État et un Majzen — ce réseau opaque de pouvoir et de privilèges autour de la monarchie — qui perpétue des inégalités abyssales. Mais ces révoltes sont-elles un soulèvement spontané ou une manœuvre interne du régime alaouite pour ouvrir la voie à une transition contrôlée ? À mon humble avis, je vois dans cette crise non seulement des risques pour l’Espagne, mais aussi une occasion de repenser notre diplomatie avec fermeté.
Rappelons-nous le contexte sans nous disperser dans des détails accessoires, à l’aide de certains indicateurs clés très pertinents recueillis par Koldo Salazar. Sous le règne de Mohammed VI, le Maroc est confronté à une crise économique et sociale qui s’est aggravée en 2025. Le chômage des jeunes est une poudrière, avec des millions de jeunes sans perspectives dans un pays qui investit dans des mégaprojets pharaoniques tels que les ports de Tanger-Med ou les stades pour la Coupe du monde de football 2030, mais néglige la base sociale. La région du Rif, historiquement marginalisée depuis son incorporation forcée en 1956, s’érige en épicentre de la dissidence, faisant revivre l’héritage de la République du Rif et dénonçant des décennies de répression, depuis les « années de plomb » jusqu’au Hirak de 2017, où des leaders tels que Nasser Zefzafi ont été torturés et emprisonnés. La réponse de l’État a été brutale : arrestations massives, détentions arbitraires et violences policières qui rappellent les récentes disparitions d’activistes sahraouis. Des organisations internationales telles qu’Amnesty International documentent les abus systématiques, mais le régime persiste dans son intransigeance, érodant ainsi sa légitimité.
Mon point de vue, forgé par des analyses précédentes sur le vol du Sahara occidental et la convoitise marocaine pour les îles Canaries, est sans équivoque critique. Le Maroc n’est pas un voisin fiable ; c’est un régime irrédentiste, comme le décrit bien Ignacio Cembrero dans une récente interview, avec des revendications en suspens sur Ceuta, Melilla, les Chafarinas et même les eaux canariennes riches en minéraux stratégiques tels que le tellure et le cobalt. Cette ambition territoriale se cache sous le masque d’un allié occidental, mais se manifeste par des tactiques de guerre hybride : l’utilisation de l’immigration clandestine comme arme de chantage. En 2025, les Canaries ont déjà accueilli près de 12.000 immigrants clandestins, dont beaucoup sont partis des côtes sahraouies sous contrôle marocain, comme La Agüera ou Tarfaya. Ce n’est pas un hasard ; il s’agit d’une stratégie calculée pour faire pression sur l’Espagne, similaire aux avalanches migratoires à Ceuta (2021) et Melilla (2022), où des milliers de personnes ont été utilisées comme pions dans des conflits diplomatiques. Cela contraste avec l’Algérie qui, sans recevoir de fonds européens, intercepte les flux massifs à ses frontières sud, démontrant ainsi un engagement réel contre les mafias sans recourir au chantage rentable de Rabat.
À mon avis, ces manifestations pourraient avoir été fomentées en interne par certaines factions du régime, anticipant l’abdication imminente de Mohammed VI – dont les problèmes de santé et les absences prolongées sont notoires – en faveur de son héritier, Moulay Hassan, un jeune homme de 22 ans formé en Occident et aligné sur les intérêts du Makhzen. Cette manœuvre viserait à assurer une transition en douceur vers une monarchie renouvelée, « jeune et moderne », soutenue par des puissances telles que les États-Unis et Israël, qui ont déjà normalisé leurs relations avec Rabat en échange de concessions au Sahara. La Coupe du monde 2030 servirait de vitrine mondiale : un événement de « concorde » qui projetterait une image de stabilité, attirerait les investissements et ouvrirait de nouvelles portes avec l’Europe. Imaginez un Maroc post-transition, avec un roi millénial qui séduit la jeunesse protestataire, intégrant ses revendications superficielles tout en consolidant le pouvoir alaouite. Ce serait un coup de maître pour perpétuer le statu quo sous un vernis progressiste.

Des personnes passent devant une banque incendiée lors d’une manifestation de jeunes réclamant des réformes dans les secteurs de la santé et de l’éducation à Salé, le 1er octobre 2025. (Abdel Majid BZIOUAT/AFP via Getty Images)
Cependant, cette hypothèse n’est pas naïve ; une transition monarchique au Maroc serait complexe et risquée. Le pays accumule de graves problèmes internes : corruption rampante, faiblesse institutionnelle et isolement diplomatique croissant, comme l’échec à faire qualifier le Polisario de terroriste aux États-Unis ou le rejet par l’ONU de sa souveraineté sur le Sahara. Nous pourrions être confrontés à trois années d’instabilité, avec des luttes internes au sein du palais royal — entre les sœurs du roi et les factions du Makhzen — qui déclencheraient le chaos social. Des dizaines de milliers de jeunes, frustrés par la lenteur des réformes, fuiraient le pays. Vers où ? Vers l’Espagne, bien sûr, aggravant la pression sur les Canaries et le détroit. N’oublions pas la situation carcérale, que j’ai abordée à plusieurs reprises : des prisons surpeuplées de prisonniers politiques, des tortures systématiques et des conditions inhumaines qui violent les droits fondamentaux, comme dans les cas du Rif ou du Sahara. Cette instabilité pourrait exporter non seulement des immigrants illégaux, mais aussi l’insécurité régionale, avec des répercussions sur le Sahel et la Méditerranée.
Dans ce contexte, l’Espagne se trouve dans une position confortable pour négocier des triangulations diplomatiques. Nous ne devons pas répéter la trahison de Pedro Sánchez en 2022, qui a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara en échange de miettes. Au contraire, profitons de la vulnérabilité de Rabat pour exiger la fin du chantage migratoire, le respect de l’autodétermination sahraouie — l’Espagne reste la puissance administrante de jure — et des limites claires à ses prétentions sur les Canaries. Nous devons nous préparer au pire scénario, renforcer les services de police et de renseignement pour amortir les chocs, tels que les avalanches migratoires ou les tentatives de déstabilisation. Investir dans la surveillance des frontières, la coopération avec l’Algérie et les plaintes auprès de l’ONU n’est pas du bellicisme, c’est du réalisme face à un voisin qui nous considère comme un obstacle à son rêve du « Grand Maroc ».
En conclusion, les manifestations au Maroc ne sont pas seulement un cri pour la justice, elles pourraient être le prélude à une transition orchestrée ou le déclencheur d’un effondrement. L’Espagne doit agir avec une vision stratégique : alerter, négocier et se protéger. Tolérer davantage d’humiliations serait suicidaire. L’avenir du Maroc est incertain, mais le nôtre dépend de notre capacité à ne pas céder face à un régime qui, dans sa cupidité, menace notre souveraineté. Il est temps de faire entendre notre voix dans les forums internationaux et de défendre notre position avec une détermination inébranlable.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Rubén Pulido a servi pendant onze ans dans l'armée de l'air, où il a obtenu un master en relations internationales à l'UCAM. En dehors du domaine militaire, il a conseillé des organismes en matière d'immigration, a été directeur de la communication d'un groupe parlementaire en Andalousie et collabore actuellement avec plusieurs médias et organismes publics.
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