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Opinion

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Le lait cru, un remède tombé dans l’oubli

Avant la domination des approches pharmaceutiques, nutrition, repos et aliments non transformés faisaient partie intégrante de la médecine. Le lait cru en constituait un pilier, aujourd’hui largement oublié.

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Pixabay

Photo: Domaine public

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Durée de lecture: 8 Min.

L’an dernier, au mois de novembre, j’ai fait quelque chose qui suscite aujourd’hui des regards incrédules: j’ai passé plusieurs semaines à ne boire que du lait cru. Il ne s’agissait ni de suivre une mode ni de tenter une expérience diététique. Tout est parti d’une question simple, mais persistante.

Je lisais alors des travaux sur les bifidobactéries, ces bactéries intestinales bénéfiques présentes en grande quantité chez les nourrissons allaités. Le lait maternel humain est conçu pour nourrir à la fois le bébé et les micro-organismes qui participent à la construction de son système immunitaire et métabolique. Ce partenariat biologique m’a amenée à m’interroger: si le lait, à l’état non transformé, constitue un socle pour les plus petits et les plus vulnérables, que signifierait, pour des adultes, un retour à un lait entier et vivant?

Du lait maternel au lait cru

Cette interrogation m’a entraînée sur un chemin historique, bien plus surprenant que tout ce que j’ai pu ressentir physiquement. Le plus frappant n’a pas été mon jeûne au lait cru, mais la découverte que cette idée n’avait rien de nouveau. Elle était autrefois si répandue qu’elle occupait une place importante dans la pratique médicale américaine dominante.

Ma curiosité m’a finalement conduit à ne consommer que du lait cru pendant dix-huit jours en novembre, puis quarante-six jours durant le carême. J’en buvais environ 4.5 litres par jour. Ce qui m’est arrivée relève uniquement de mon expérience personnelle et ne constitue en rien une recommandation. Plus que les changements physiques, c’est de réaliser que cette pratique avait été largement connue, discutée ouvertement et documentée sur le plan médical.

Une pratique médicale autrefois ordinaire

Bien avant que la Mayo Clinic ne devienne l’institution mondialement reconnue qu’elle est aujourd’hui, elle se présentait comme un lieu où la nutrition, le repos, la lumière du soleil et l’air frais faisaient partie intégrante des soins. Cette approche reflétait la philosophie médicale dominante de l’époque. Un médecin associé à la Mayo Clinic, le Dr J.R. Crewe, s’est fait connaître pour ce qu’il appelait «la cure de lait». Il décrivait un traitement fondé sur la consommation exclusive de lait cru – non pasteurisé, non homogénéisé et idéalement frais, provenant de vaches nourries à l’herbe. Cette méthode n’avait rien de marginal. Elle s’inscrivait dans la pensée de médecins respectés de l’époque, dont William Osler. À titre de précision, la Mayo Clinic indique aujourd’hui que la consommation de lait cru expose à des risques d’infection et que les produits laitiers doivent être pasteurisés.

Un aliment considéré comme complet

Le Dr Crewe n’était pas le premier à recourir à ce procédé. À la fin du XIXe siècle, des médecins comme Silas Weir Mitchell ou James Tyson appliquaient des protocoles similaires. Le lait cru était alors considéré comme un aliment complet, parfois décrit de manière métaphorique comme du «sang blanc», en raison de ses enzymes, protéines, bactéries bénéfiques, graisses, minéraux et autres composés naturellement présents.

Des milliers de patients, peu de controverses

Pendant près de quatre décennies, le Dr Crewe a soigné des milliers de patients et publié ses observations, fidèles à la compréhension médicale de son temps. Ce qui frappe aujourd’hui n’est pas telle ou telle affirmation, mais l’ampleur et la banalité de cette thérapie. Le lait cru constituait un outil courant de l’arsenal médical, au point que sa disparition des discussions contemporaines paraît presque déroutante.

Pourquoi le lait cru a disparu

Pour comprendre cette éclipse, il faut regarder autant la culture que la science. Au début du XXe siècle, des lois sur la pasteurisation ont vu le jour afin de répondre aux problèmes liés à l’industrialisation de l’approvisionnement en lait: laitiers urbains, animaux entassés, conditions sanitaires déficientes. Ces mesures visaient les grandes exploitations, non les petites fermes en pâturage. À mesure que la production alimentaire se tournait vers des modèles industriels et que la médecine s’orientait vers des approches pharmaceutiques, le lait cru a simplement quitté le courant dominant. Il n’a pas été évincé par un débat: il s’est effacé à mesure que tout le système se transformait.

Un débat contemporain tronqué

Aujourd’hui, la plupart des mises en garde concernant le lait cru portent sur les risques associés aux chaînes d’approvisionnement industrielles modernes, et non sur le type de lait utilisé par les médecins d’autrefois. Cette distinction est rarement évoquée, et son absence dans le débat public explique en partie pourquoi cette histoire mérite d’être revisitée.

Repenser le lien entre nourriture et médecine

Nous vivons à une époque où les maladies chroniques sont largement répandues, où les affections auto-immunes touchent des millions de personnes et où les aliments hautement transformés constituent l’essentiel du régime moyen. Dans ce contexte, il paraît presque irréel de se replonger un siècle en arrière et de voir le lait cru – entier, non transformé, issu directement d’animaux nourris à l’herbe – traité comme un aliment fondamental de la pratique médicale.

Le lait cru existe dans la nature pour une raison: construire et maintenir la vie. La question de sa pertinence pour les adultes relève de convictions personnelles, du contexte et du choix individuel. Je ne peux que décrire le sentiment qui m’habitait en le buvant: l’impression de ne pas me livrer à une expérience, mais de revenir à quelque chose de profondément familier.

Se souvenir plutôt qu’innover

La célèbre formule attribuée à Hippocrate – «Que ton alimentation soit ta médecine» – est souvent répétée sans grande réflexion. Dans son contexte d’origine, elle n’avait pourtant rien de métaphorique. Elle reconnaissait que la nourriture porte une information et une structure, pas seulement des calories.

Peut-être que le lait cru ne constitue pas un remède miracle. Peut-être qu’il n’apporte pas de réponse à tous les maux contemporains. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui importe, c’est que nos prédécesseurs travaillaient avec l’alimentation d’une manière que nous envisageons rarement aujourd’hui, en s’appuyant sur des observations et des savoirs largement tombés dans l’oubli. Revenir sur cette histoire ne consiste pas à prescrire une solution, mais à élargir notre compréhension du lien entre l’être humain, la nourriture et le monde naturel.

Parfois, redécouvrir ne signifie pas trouver du nouveau. Il s’agit plutôt de se souvenir de quelque chose d’ancien, d’ordinaire, de simple, enraciné dans la manière dont les humains comprenaient autrefois le monde et leur place en son sein.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Mollie Engelhart, agricultrice et éleveuse, est engagée dans la souveraineté alimentaire, la régénération des sols et l\'éducation à l\'agriculture familiale et à l\'autosuffisance.

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