Exclusif
La Douma russe exhorte Moscou à réagir si l’UE saisit les avoirs gelés
Les députés russes ont adopté à l’unanimité une résolution qualifiant de « vol manifeste » le projet de Bruxelles visant à financer un prêt à l’Ukraine avec des avoirs russes gelés.

Le Premier ministre russe Mikhaïl Michoustine présente le rapport annuel du gouvernement lors d’une séance de la Douma d’État, chambre basse du Parlement, à Moscou, le 26 mars 2025.
Photo: ALEXANDER ASTAFYEV/POOL/AFP via Getty Images
La Douma russe a adopté, le 20 novembre, une résolution appelant à agir contre la Belgique, Euroclear et les « investisseurs hostiles » si l’Union européenne décidait d’utiliser les avoirs russes gelés pour financer un prêt à l’Ukraine.
La Belgique abrite Euroclear, infrastructure financière qui détient la majorité des avoirs russes gelés dans l’UE.
La chambre basse du Parlement russe estime que le projet européen viole les propres règles de l’Union, rappelant que « l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdit toute privation de propriété sans indemnisation équitable ».
Faute de projet de compensation pour les détenteurs des avoirs saisis, la Douma affirme qu’il s’agirait « de facto d’une expropriation illégale » et prévient qu’une telle mesure « pourrait être considérée comme un vol pur et simple ».
« Toute attaque contre des avoirs russes doit être suivie d’une riposte juridique appropriée, débutant par des demandes d’indemnisation – assorties d’une demande de saisie conservatoire – contre Euroclear et la Belgique, où sont détenus l’essentiel des fonds souverains gelés, devant toutes les juridictions compétentes », précise la résolution.
« Les avoirs de non-résidents issus d’États hostiles pourraient aussi être utilisés comme source d’indemnisation. »
La Douma a adopté le texte à l’unanimité, durcissant le ton par rapport aux déclarations du vice-ministre des Finances Alexeï Moisseïev le mois dernier.
M. Moisseïev indiquait alors que l’Europe s’était jusqu’ici abstenue de confisquer purement et simplement ces avoirs, et que Moscou ferait de même tant que la situation n’évoluerait pas.
« Nous ne confisquons rien pour l’instant. Les Européens n’ont pas parlé de confiscation, donc nous ne saisirons rien tant qu’ils ne le feront pas. S’ils se décident, alors nous envisagerons la question », déclarait-il.
Jusqu’à 250 milliards de dollars d’avoirs russes auraient été gelés au sein de l’UE depuis que les États-Unis et leurs alliés ont interdit les transactions avec la banque centrale et le ministère des Finances russes après l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
Des discussions sont en cours au sein de l’Union pour trouver un moyen d’utiliser ces avoirs gelés afin de financer la défense de Kiev et la reconstruction du pays, sans procéder à leur confiscation directe, contrainte par des questions juridiques.
Si de nombreux membres du bloc y sont favorables, d’autres, parmi lesquels le Luxembourg, la Belgique, la Hongrie ou encore la Banque centrale européenne, ont émis des réserves.
Le mois dernier, le Premier ministre belge Bart De Wever a annoncé qu’il resterait opposé à l’octroi du prêt tant qu’il n’aurait pas obtenu trois garanties de l’UE : la mutualisation complète du risque ; que tous les États membres contribuent en cas de remboursement ; et que tous les pays ayant gelé des avoirs russes agissent de concert.
Jusqu’ici, seule l’utilisation des intérêts issus des fonds immobilisés a été autorisée par l’UE.
Les modalités exactes d’utilisation de ces avoirs restent à définir ; en septembre dernier, le chancelier allemand Friedrich Merz a exposé sa proposition : l’UE accorderait à l’Ukraine un prêt sans intérêts de près de 140 milliards d’euros.
« Ce prêt ne serait remboursé que lorsque la Russie aurait indemnisé l’Ukraine pour les dommages de la guerre. D’ici là, les avoirs russes resteraient gelés, conformément à la décision du Conseil européen », a-t-il précisé.
Il a ajouté que l’aide « nécessiterait des garanties budgétaires des États membres » dans un premier temps, avant qu’une garantie collatéralisée de l’UE ne remplace ces mécanismes bilatéraux avec la mise en place du prochain cadre financier pluriannuel en 2028.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a ensuite indiqué que le prêt « ne serait pas versé d’un seul coup mais en plusieurs tranches et sous conditions », ajoutant qu’une partie serait destinée à financer l’industrie de défense européenne.
Face aux saisies de leurs avoirs à l’étranger, les autorités russes ont programmé des représailles depuis le début de la guerre, Moscou ayant exproprié pour environ 50 milliards de dollars d’actifs, principalement ceux d’entreprises occidentales ayant quitté la Russie.

Guy Birchall est un journaliste britannique qui couvre un large éventail de sujets nationaux, avec un intérêt particulier pour la liberté d'expression et les questions sociales.
Articles actuels de l’auteur









