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Hot Springs, entre vapeurs et légendes

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Hot Springs, Arkansas, est une station balnéaire nommée d'après ses sources chaudes naturelles.

Photo: Sean Pavone/Shutterstock

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Durée de lecture: 14 Min.

On entend souvent, dans le Midwest notamment, l’affirmation selon laquelle « Al Capone a dormi ici ». Mais, à l’hôtel historique Arlington de Hot Springs, dans l’Arkansas, l’anecdote est attestée. Le célèbre gangster y séjournait régulièrement et n’hésitait pas à réserver tout le quatrième étage pour son entourage. J’y ai moi-même passé une nuit dans la chambre 443, la suite Al Capone. Quant aux rumeurs de fantômes qui entourent le bâtiment construit en 1924, je dois avouer ne pas en avoir trouvé de preuves : les chuchotements et craquements que l’on y perçoit semblent davantage tenir aux murs qui travaillent qu’à des présences spectrales.
Lors de ma dernière visite, en revanche, il y avait bel et bien une foule dans le hall, décoré de fresques tropicales colorées. Non pas pour écouter des histoires de revenants, mais pour assister à des projections. Depuis 1991, Hot Springs accueille le Hot Springs Documentary Film Festival, le plus ancien festival du genre en Amérique du Nord. Qualifiant ses œuvres pour les Oscars, l’événement, organisé chaque mois d’octobre pendant neuf jours, propose plus d’une centaine de films documentaires, longs et courts, dans deux salles de l’hôtel, en plus de débats et de soirées. Certes, toute période est propice pour découvrir Hot Springs, mais l’automne s’y prête particulièrement bien – et pas seulement pour le cinéma.
Aux origines du nom

Dès 1832, le gouvernement fédéral plaça sous protection un site de 47 sources thermales, niché au pied de Hot Springs Mountain, dans le massif des Ouachita. Rapidement, une ville s’est développé autour de ces eaux réputées pour leurs vertus curatives. En 1921, Hot Springs obtient le statut officiel de parc national.

Depuis la Mountain Tower, la vue offre un panorama de 225 kilomètres sur Hot Springs, les monts Ouachita et la région du lac Diamond. (Crédit photo Visit Hot Springs)

Le centre d’accueil des visiteurs des bains Fordyce est installé dans des bains rénovés sur Bathhouse Row. (Kit Leong/Shutterstock)

Bathhouse Row, entre héritage et renouveau
Depuis les étages supérieurs de l’hôtel Arlington, la configuration singulière de la ville se dévoile. L’avenue centrale, bordée d’arbres, traverse une vallée étroite du nord au sud sur un peu moins d’un kilomètre avant que la ville ne s’élargisse vers le sud. D’un côté, boutiques, restaurants et musées s’alignent ; de l’autre s’étend la Bathhouse Row, classée monument historique national, avec huit établissements aux styles architecturaux variés.

Deux d’entre eux poursuivent encore leur fonction originelle. Le Quapaw propose un spa moderne et des massages autour d’un vaste bassin thermal collectif. Le Buckstaff, plus sobre, reste fidèle à la tradition du bain public avec un parcours en plusieurs étapes. Le Fordyce Bathhouse, quant à lui, abrite aujourd’hui le siège du parc national et se visite : ses salles de bains préservées et son imposante verrière en vitrail valent à elles seules le détour. Enfin, le Superior Bathhouse a connu une reconversion audacieuse : il héberge désormais une brasserie artisanale réputée, fondée par Rose Schweikhart, la seule brasseuse au monde à élaborer sa bière à partir de l’eau thermale des sources.

Une exposition aux bains publics de Fordyce présente les premières machines utilisées pour l’électromassage. (Kit Leong/Shutterstock)

Le grand air
De part et d’autre du tronçon resserré de Central Avenue, la forêt du parc national s’étend vers l’est et l’ouest, puis se courbe vers le nord pour former un écrin de verdure préservé de 2225 hectares. Juste derrière la Bathhouse Row, légèrement en surplomb, s’étire la Grande Promenade, pavée de briques. De là partent des sentiers qui s’enfoncent dans les bois et se connectent au réseau de 42 kilomètres de chemins de randonnée du parc. Une route sinueuse grimpe jusqu’au sommet de la montagne, où se dresse une tour d’observation de 66 mètres, équipée d’un ascenseur. De son belvédère, la vue embrasse le parc, la ville et les collines environnantes, particulièrement spectaculaires à l’automne lorsque la forêt se pare de couleurs flamboyantes.

Tulipes en fleurs aux Garvan Woodland Gardens, le jardin botanique de l’Université de l’Arkansas. (Kit Leong/Shutterstock)

La chapelle Saint-Antoine de Garvan Woodland Gardens est un lieu prisé pour les mariages. (Kit Leong/Shutterstock)

À une vingtaine de minutes au sud du centre-ville, les Garvan Woodland Gardens offrent 85 hectares de jardins botaniques, lovés le long de 7 kilomètres de rivage du lac Hamilton. Des allées serpentent à travers la végétation et ouvrent sur de superbes points de vue sur le lac. Sculptures et installations jalonnent la promenade, dont une maison perchée dans les arbres, très appréciée autant des enfants que des adultes. L’arrêt incontournable reste toutefois la chapelle Anthony, haute de 17 mètres : construite en bois et en verre, elle joue avec la lumière et les perspectives pour se fondre dans la canopée environnante. Le lieu est devenu un décor prisé pour les mariages.

En optant pour une visite guidée en voiturette, les visiteurs découvrent l’histoire marquante de Verna Garvan, jardinière autodidacte et pionnière de la conservation. Face à un mari qui avait tenté de la faire interner pour s’emparer de sa fortune, elle avait su conserver le contrôle de l’empire forestier familial et consacra ses terres à la création de ce sanctuaire végétal. Chaque année, de la fin novembre au 31 décembre, les jardins se transforment en féerie lumineuse à l’occasion d’un spectacle de Noël très attendu.

Hot Springs propose des aventures de toutes sortes, y compris le VTT sur les sentiers de Northwoods. (Crédit photo Visit Hot Springs)

Le paradis des gangsters
À Hot Springs, l’ombre des figures dangereuses n’est jamais bien loin. J’ai ainsi pris part à une visite du The Gangster Museum of America. Si l’on n’est pas féru de cette histoire – ce qui est mon cas –, le nom d’Owen “Owney” Madden reste sans doute inconnu. Cet Irlandais-Américain, surnommé The Killer, s’était forgé une réputation redoutable dans les rues de New York à l’époque de la Prohibition. Il était aussi le propriétaire du légendaire Cotton Club, haut lieu du jazz.

En 1935, sous la pression croissante des autorités, Owen Madden quitte la métropole et s’installe à Hot Springs pour mener, en apparence, une vie rangée. Mais, comme par hasard, la ville devient bientôt l’un des foyers les plus importants du pays pour le jeu clandestin et la prostitution. Ses anciens associés, tels Lucky Luciano, Frank Costello ou encore Al Capone, ne manquaient pas d’y faire escale. La visite guidée du musée, animée par un comédien en costume d’époque, redonne chair à cette page singulière de l’histoire américaine. Un détour vivement recommandé.

Le gouverneur Winthrop Rockerfeller met finalement un terme à ces activités illégales en 1967. Mais le jeu a fait son retour, cette fois légalement, après un amendement constitutionnel voté en novembre 2018. L’Oaklawn Casino a ainsi ouvert ses portes en 2019, accolé à un hippodrome historique datant de 1904.
Retour aux sources
Impossible de séjourner à Hot Springs sans s’intéresser à ce qui a façonné sa réputation : les bains thermaux. J’ai réservé une séance au Buckstaff, qui, depuis son ouverture en 1912, est resté fidèle à sa vocation d’origine. Ici, pas de fioritures : un établissement public qui dispense des soins simples, efficaces et intemporels.

Les bains publics Buckstaff, situés sur Bathhouse Row, sont en activité depuis leur ouverture en 1912 et offrent toujours une expérience thermale traditionnelle. (Sean Pavone/Shutterstock)

C’est du côté des hommes que je suis entré, me changeant dans une simple cabine fermée par un rideau avant de déposer mes affaires dans un petit casier. Drapé dans le drap fourni, j’avais presque l’impression de participer à une fête romaine en toge en rejoignant la grande salle carrelée où se succèdent les différentes étapes du parcours.

D’abord, un sitz bath – littéralement un bain assis – où l’on s’immerge dans une cuve peu profonde. La tradition veut qu’il apaise les hémorroïdes et autres maux intimes. Puis, guidé par l’employé, je me suis allongé dans une baignoire classique, immergé jusqu’au cou, avant d’être conduit vers la cabine de vapeur. Une sorte de boîte en métal, popularisée par les films en noir et blanc ou les épisodes d’I Love Lucy, dans laquelle on s’assoit, la tête dépassant à travers une ouverture circulaire. L’assistant ajusta une serviette autour de mon cou pour retenir la chaleur.

Le temps s’étirait, et j’hésitais entre capituler par embarras ou risquer de transformer mon corps en dinde de Thanksgiving cuite à point. Un autre client est passé devant moi, m’a adressé un regard et s’est simplement exclamé : « Non merci. » Puis il s’est dirigé vers l’étape suivante. J’ai fini par l’imiter, soulagé, avant d’être enveloppé dans une épaisse serviette brûlante et allongé sur un lit rappelant ceux d’un hôpital, où j’ai pu réfléchir sur la pertinence de mes choix du jour.

Ensuite, c’était la salle de massage. J’avais opté pour une séance de 25 minutes seulement, mais la praticienne a fait preuve d’une adresse remarquable, dénichant tensions connues et insoupçonnées, sans que je les lui aie signalées. À elle seule, cette étape valait le déplacement. Lorsque je suis sorti dans la rue, le corps léger et souple, je n’avais qu’un regret : ne pas pouvoir faire de Hot Springs un rendez-vous hebdomadaire.

Les clients attendent aux Bains et Spa Quapaw pour leurs soins et bains thermaux minéraux. (Kit Leong/Shutterstock)

La brasserie Superior Bathhouse, seule brasserie située dans un parc national, propose de la bière brassée à l’eau thermale. (EWY Media/Shutterstock)

Infos pratiques
Hot Springs dispose de son propre aéroport (HOT, comme son nom l’indique), mais la ville se trouve également à une heure de route à l’ouest de l’aéroport national Bill et Hillary Clinton de Little Rock (LIT). Lors de mon dernier séjour, l’Arlington affichait complet en raison du festival du film. J’ai donc opté pour The Reserve, un manoir de style Queen Anne datant de 1890, agrandi en 1919 et aujourd’hui transformé en hôtel de charme haut de gamme. Situé à 2,5 kilomètres au sud de Bathhouse Row, sur Central Avenue, il se trouve juste en face de l’hippodrome du casino Oaklawn.

Certaines parties de ce voyage ont été réalisées avec le soutien de  Visit Hot Springs.

Kevin Revolinski est un voyageur passionné, un amateur de bière artisanale et de cuisine maison. Il est l'auteur de 15 livres, dont « The Yogurt Man Cometh : Tales of an American Teacher in Turkey » et son nouveau recueil de nouvelles, « Stealing Away ». Il est basé à Madison, dans le Wisconsin, et son site web est TheMadTraveler.com.

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