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École à la maison : le regard nuancé d’un diplômé devenu cinéaste
Éduqué à domicile de la maternelle au lycée, Meshach Malley, jeune cinéaste de l’Ohio, revient sur un parcours d’apprentissage hors des sentiers battus. Entre liberté, isolement et confiance en soi, il livre un regard nuancé sur l'école à la maison, loin des clichés idéologiques qui l’entourent aujourd’hui.

Meshach Malley et son épouse, Grace (à g.). Dès 2005, Malley a bénéficié de l'instruction à domicile, de la maternelle au lycée.
Photo: Crédit photo Meshach Malley

Meshach Malley, élève scolarisé à domicile, et son père en déplacement près de chez eux à Columbus, dans l’Ohio. (Crédit photo Ali Malley)

Une photo récente de Meshach s’adonnant à un passe-temps musical. (Crédit photo Meshach Malley)
Meshach garde un souvenir positif de cette expérience, mais il sait que ce modèle ne convient pas à tout le monde. Avec le recul, il en voit les forces et les faiblesses. « Ma personnalité s’y prêtait très bien », confie-t-il. « Pour mon frère et ma sœur, ça a été plus mitigé, et je connais des gens pour qui ça s’est mal passé. Certains ont fini par rejoindre l’école publique, et c’était bien mieux pour eux. »
Les forces et faiblesses de l’école à la maison, selon Meshach Malley
Le manque de socialisation
Les enfants scolarisés à domicile côtoient peu de camarades de leur âge et manquent d’« expériences partagées » comme les bals de fin d’année ou les cours de sport mixtes. Pour certains, cela justifie pleinement le choix de l’école publique.
Meshach admet sans détour : « Oui, je pense que j’étais moins sociable. » Mais il nuance aussitôt : « Les avantages de l’enseignement à domicile compensaient largement ce manque. »
L’école à la maison « forme des leaders et des penseurs indépendants », estime-t-il. Adolescent, il tournait déjà des films amateurs dans le garage familial, utilisant le vieux caméscope JVC de ses parents. Cette liberté l’a poussé à entreprendre des choses. « Tout le monde ne veut pas être un meneur », observe-t-il. « Certains préfèrent qu’on leur dise quoi faire. »

Une photo récente de Meshach filmant un podcast. (Crédit photo Meshach Malley)
Le revers de cette autonomie, reconnaît-il, c’est la difficulté à travailler en équipe. « On m’a donné tellement de liberté que je me suis habitué à tout faire seul », dit-il. « Après mes études, je voulais travailler dans le cinéma, mais sans dépendre de personne. » Or, dans bien des métiers, la collaboration est essentielle — un point sur lequel l’école publique garde une longueur d’avance.
Ironie du sort : dans une maison sans télévision ni cinéma. Sa rébellion, raconte-t-il en souriant, a consisté à réaliser les siens pour ses projets scolaires. « À 18 ans, je savais déjà que c’était ma voie », raconte-t-il. Aujourd’hui, il réalise des films indépendants et des vidéos institutionnelles pour des universités. Son éducation à domicile a nourri un rêve devenu métier.

Meshach a collaboré avec d’autres élèves scolarisés à domicile pour réaliser des films amateurs destinés à ses classes. (Crédit photo Ali Malley)
La confiance en soi
Libre d’explorer par lui-même, encouragé à résoudre les problèmes sans aide, il a développé une confiance hors du commun. « Rien n’est vraiment difficile », assure-t-il. « L’école à la maison m’a donné cette capacité à raisonner depuis les principes de base, à découper un problème étape par étape. »
Certains parents choisissent aujourd’hui l’enseignement à domicile pour échapper à ce qu’ils perçoivent comme une dérive idéologique de l’école publique. Meshach, lui, n’y croit pas. Marié à une enseignante d’élèves handicapés, et lui-même ancien chargé de cours, il juge ces accusations exagérées.
« Si vous êtes entouré de certaines personnes, certaines idées circuleront forcément », concède-t-il. « Mais parler de propagande ? C’est absurde. » Les véritables difficultés du système public, selon lui, tiennent surtout au manque de ressources et à la surcharge de travail des enseignants.
Les débuts de Meshach, en 2005, remontent à une époque où l’école à la maison paraissait marginale. Avant la pandémie de COVID-19, elle n’était pas encore associée à la droite conservatrice. Ses parents, anciens enseignants, étaient plutôt des « hippies bienveillants », dit-il, hostiles au matérialisme mais pas à l’école publique.

Meshach, son frère et sa sœur pendant ses années d’école à la maison. (Ali Malley)
Leur choix venait d’ailleurs d’une expérience décevante : leur fille aînée, passée par l’école publique, s’était selon eux trop conformée à la culture de ses pairs. « Mon père m’a dit qu’il avait l’impression de se disputer moins avec elle qu’avec la société », se souvient Meshach.

Meshach derrière la caméra lors d’un tournage. (Crédit photo Ali Malley)
Dans les années 2000, l’enseignement à domicile restait très concret : dessins, livres papier, expériences dans la nature. Internet n’en était qu’à ses débuts. « Mes parents voulaient que l’apprentissage soit tangible, ancré dans le réel », explique-t-il. « Ils voulaient surtout que nous restions curieux, enthousiastes à l’idée d’apprendre. Ils savaient que la lecture, l’écriture et les mathématiques viendraient avec le temps. »

(À g.) Meshach et son épouse, Grace ; (À dr.) Meshach dirige désormais sa propre société de production vidéo, produisant du contenu interne pour des établissements d’enseignement supérieur. (Crédit photo Meshach Malley)
S’il s’est d’abord senti mal préparé à la vie sociale, il a fini par trouver sa place. En 2022, il rencontre Grace, enseignante, sur une application de rencontre. Ils se sont mariés l’été dernier. « J’ai beaucoup travaillé sur moi dans ma vingtaine pour devenir quelqu’un que quelqu’un d’autre voudrait épouser », confie-t-il en souriant.

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