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Guangdong : pourquoi la « locomotive économique » chinoise s’essouffle

L’atonie de l’économie de la province du Guangdong reflète la situation nationale : toutes deux sont modelées par le refus de Pékin de procéder à de véritables réformes politiques.

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Des conteneurs maritimes et des portiques de chargement au port de Yantian, de nuit, à Shenzhen, dans le sud de la province du Guangdong, en Chine, le 14 avril 2025.

Photo: Jade Gao/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 11 Min.

Au cours des trois premiers trimestres de cette année, le Guangdong – première économie provinciale de Chine – n’a enregistré qu’une croissance du PIB de 4,1 % en glissement annuel, une nouvelle fois inférieure à la moyenne nationale. Cette contre-performance se répète depuis 2021.
En 2024, le Guangdong n’a progressé que de 3,5 %, manquant son objectif pour la troisième année consécutive et restant très en deçà du taux national de 5 %. Pour une province longtemps considérée comme la « locomotive économique » du pays, ce ralentissement est particulièrement marquant.
Le Guangdong n’est pas une province comme les autres. Il représente plus de 10 % du PIB chinois et abrite la plus grande population du pays (128 millions de résidents, ou près de 150 millions en incluant les travailleurs migrants). Il est aussi, depuis 39 ans, le premier exportateur de Chine.
En tant que principal contributeur fiscal, il subit des pressions structurelles plus fortes et des chocs externes plus violents que n’importe quelle autre région. Les appels à une « transformation » et une « montée en gamme » de l’économie pour résoudre des goulets d’étranglement de long terme remontent à au moins vingt ans.
Pourquoi, dès lors, le Guangdong n’a-t-il toujours pas trouvé de trajectoire viable ?
Pour le comprendre, il faut remonter en arrière. L’essor fulgurant du Guangdong après le tournant des réformes de 1978 découle de sa capacité à tirer parti de la mondialisation et de sa proximité avec Hong Kong. Bénéficiant d’un soutien politique soutenu de Pékin, le Guangdong a développé son appareil manufacturier, dopé ses exportations et urbanisé à un rythme record. Son PIB provincial est passé de 24,96 milliards de yuans en 1980 (environ 16,64 milliards de dollars de l’époque) à plus de 14.000 milliards de yuans (près de 1,97 billion de dollars) en 2024.
En résumé, la mondialisation, les exportations, la croissance industrielle et l’urbanisation ont constitué les quatre moteurs de l’ascension du Guangdong.
Mais le contexte a changé. L’environnement historique et la structure économique qui avaient porté la croissance de la province ont profondément basculé.
Premièrement, la démondialisation – ou ce que certains décrivent comme une restructuration de l’économie mondiale – rend difficilement soutenable le modèle ultra‑orienté vers les exportations du Guangdong. La province arrive en tête du pays pour le commerce extérieur total depuis 39 ans, avec un taux de dépendance au commerce extérieur d’environ 64 % ces dernières années.
Or, les droits de douane réciproques instaurés par la deuxième administration Trump ont porté un coup sévère : de janvier à juillet, les exportations du Guangdong n’ont progressé que de 0,6 % en glissement annuel, après une hausse de 7,1 % en 2024. Même ce maigre chiffre pourrait être enjolivé, au vu des antécédents du Parti communiste chinois (PCC) en matière de manipulation des données économiques.
Deuxièmement, le modèle dit de « priorité à l’industrie » du Guangdong a engendré de profondes distorsions structurelles. Première province industrielle du pays – elle produit environ un huitième de la valeur ajoutée manufacturière nationale –, son poids industriel est disproportionné et repose avant tout sur des préférences politiques plutôt que sur de véritables mécanismes de marché.
Si l’industrie a contribué à plus de la moitié de la croissance du PIB provincial en 2024, le Guangdong peine toujours à moderniser sa structure industrielle et à favoriser un développement régional équilibré. Surtout, le secteur des services demeure sous‑développé, ce qui bride sévèrement le potentiel de croissance à long terme.
Troisièmement, la province se heurte à une demande intérieure structurellement faible, un problème observé à l’échelle nationale, mais particulièrement aigu ici. Pendant plus de quarante ans, le Guangdong a dominé le pays pour le volume total des ventes de biens de consommation au détail. Selon les données officielles du Bureau national des statistiques et du Bureau des statistiques du Guangdong, les ventes au détail représentaient plus de 40 % du PIB provincial avant 2018, un niveau supérieur à la moyenne nationale.
Après 2018, cette part est toutefois tombée à 35,5 % en 2021 puis 33,8 % en 2024. Au premier semestre 2025, le Jiangsu a même dépassé le Guangdong en termes de ventes au détail totales, un basculement lourd de symboles.
Quatrièmement, les inégalités entre zones riches et pauvres à l’intérieur du Guangdong sont considérables. L’adage « la Chine la plus riche est au Guangdong – et la plus pauvre aussi » résume assez bien la situation.
Le delta de la rivière des Perles, l’une des régions les plus développées du pays, ne couvre qu’un tiers de la superficie de la province, mais concentre plus de la moitié de sa population et génère plus de 80 % de son PIB.
À l’inverse, les douze autres villes au niveau préfectoral – dont Shantou, Chaozhou, Zhanjiang et Meizhou – représentent 70 % du territoire, accueillent près de 40 % de la population, mais ne produisent que moins de 20 % du PIB. Faible industrialisation, urbanisation lente, infrastructures de transport déficientes et exode démographique y sont monnaie courante. Une étude fondée sur le recensement de 2020 montre que le PIB par habitant de Meizhou ne s’élevait qu’à 31.188 yuans (environ 4388 dollars), soit à peine 19,8 % de celui de Shenzhen.

Un homme passe en voiture devant un ensemble résidentiel du promoteur immobilier chinois Evergrande, à Guangzhou, dans le sud de la province du Guangdong, le 17 septembre 2021. (Noel Celis/AFP via Getty Images)

Le Guangdong a tenté de corriger ces déséquilibres en promouvant un développement plus équilibré, mais l’écart a pratiquement stagné. Les industries qui quittent le delta de la rivière des Perles ignorent souvent les régions les plus pauvres de la province pour se délocaliser directement dans des provinces voisines comme le Jiangxi ou le Hunan. Ce mouvement montre que le déséquilibre s’enracine dans des problèmes structurels plus profonds.
Cinquièmement, la phase d’urbanisation accélérée du Guangdong est achevée, et l’éclatement de la bulle immobilière chinoise frappe la province de plein fouet. En 1980, son taux d’urbanisation était de 21,1 %, proche de la moyenne nationale. En 2024, il atteignait 75,9 %, soit un niveau comparable à celui du Japon et des États‑Unis au milieu des années 1970, signe que la phase de croissance rapide est derrière elle.
Parallèlement, la bulle immobilière chinoise a éclaté en 2021 et le ralentissement économique ne montre toujours aucun signe de stabilisation. Comme le Guangdong dépend fortement du secteur immobilier – Evergrande et plusieurs grands promoteurs y ont vu le jour –, les dégâts sont considérables. De janvier à juillet 2025, l’investissement immobilier national a chuté de 12 % en glissement annuel ; au Guangdong, la baisse atteint 17,3 %, un recul nettement plus prononcé que la moyenne du pays.
Longtemps principal moteur économique de la Chine, le Guangdong reflète à bien des égards l’état de l’économie nationale. Les difficultés auxquelles il est confronté sont communes à l’ensemble du pays, mais s’y manifestent avec plus d’acuité.
Les autorités locales et le PCC ignorent‑ils ces problèmes ? Assurément non.
Dans un rapport de travail du gouvernement provincial de 2023, on peut lire que, « du fait de l’ouverture très poussée de la province sur l’extérieur, les chocs exogènes ont un impact direct. La demande effective est faible, de nombreuses entreprises peinent à survivre, les nouveaux moteurs de croissance manquent de puissance, des technologies clés restent bridées par des goulets d’étranglement, et les disparités régionales ainsi qu’entre villes et campagnes n’ont pas été fondamentalement résorbées ».
Pourquoi, alors, le Guangdong a‑t‑il échoué à se transformer au cours des vingt dernières années ?
Le cœur du problème réside dans le système même du PCC. Les « réformes bancales » de la Chine – des changements économiques sans réforme politique – ont façonné une économie de marché déformée, dominée par le pouvoir politique et les intérêts acquis. Dans un tel cadre, le marché ne peut pas fonctionner correctement.
La diplomatie dite du « loup guerrier » a terni l’image internationale de la Chine, poussant les États‑Unis et l’Europe à privilégier la « réduction des risques » et le « découplage ». La remise en cause par Pékin du principe « un pays, deux systèmes » à Hong Kong a en outre affaibli l’avantage géopolitique du Guangdong.
En d’autres termes, les difficultés économiques du Guangdong ne relèvent pas seulement de l’économie : elles sont systémiques. Les véritables obstacles à la transformation se situent dans les choix politiques et l’architecture institutionnelle du PCC. Tant que le Parti communiste restera au pouvoir, la stagnation du Guangdong ne fera pas figure d’exception : elle préfigure l’avenir économique du pays tout entier.
Olivia Li a contribué à la rédaction de cet article.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Wang He est titulaire de maîtrises en droit et en histoire, et a étudié le mouvement communiste international. Il a été professeur d'université et cadre d'une grande entreprise privée en Chine. Wang vit désormais en Amérique du Nord et publie des commentaires sur l'actualité et la politique de la Chine depuis 2017.

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