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Conflit à Gaza : boycott culturel d’Israël par 1800 acteurs et réalisateurs

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Quelque 1 800 acteurs, réalisateurs et professionnels internationaux du cinéma, dont les vedettes hollywoodiennes Olivia Colman, Javier Bardem et Mark Ruffalo, ont annoncé lundi cesser de travailler avec des institutions cinématographiques israéliennes qu'ils accusent d'être "impliquées dans le génocide" à Gaza.

Photo: : Dimitrios Kambouris/Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Quelque 1800 acteurs, réalisateurs et professionnels internationaux du cinéma, dont les vedettes hollywoodiennes Olivia Colman, Javier Bardem et Mark Ruffalo, ont annoncé lundi cesser de travailler avec des institutions cinématographiques israéliennes qu’ils accusent d’être « impliquées dans le génocide » à Gaza. Cette initiative du collectif Film Workers for Palestine, publiée dans The Guardian, s’inscrit dans une mobilisation croissante du milieu artistique international contre la guerre menée par Israël dans l’enclave palestinienne depuis octobre 2023.

Une mobilisation d’ampleur internationale

« En ce moment de crise où nombre de nos gouvernements autorisent le carnage à Gaza, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre à cette complicité », écrivent les signataires dans ce texte également paraphé par le réalisateur grec Yorgos Lanthimos ou les actrices Ayo Edebiri et Tilda Swinton. La liste comprend également des personnalités comme Ava DuVernay, Riz Ahmed et Josh O’Connor.
Cet engagement, à l’initiative du groupe Film Workers for Palestine, s’inspire explicitement du boycott culturel en Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid, et notamment de l’organisation « Filmmakers United Against Apartheid » (« Les cinéastes unis contre l’apartheid »). Cette référence historique n’est pas anodine : elle place le conflit israélo-palestinien dans une perspective de lutte contre un système qualifié de discriminatoire par les signataires.
Le nombre initial de signataires a rapidement évolué : parti de 1500 signatures lors de l’annonce lundi matin, il atteignait déjà plus de 1800 en fin de journée selon plusieurs sources, témoignant d’une adhésion croissante au sein du milieu cinématographique international.

Un boycott ciblé mais aux contours définis

L’engagement vise concrètement à cesser de collaborer avec des festivals, cinémas, diffuseurs et sociétés de production coupables selon les signataires de « disculper ou justifier le génocide et l’appartheid ». Les professionnels citent par exemple le festival du film de Jérusalem ou celui de documentaires Docaviv, qui « continuent de collaborer avec le gouvernement israélien ».
« La grande majorité des sociétés israéliennes de production et de distribution cinématographiques, des agents commerciaux, des cinémas et autres institutions cinématographiques n’ont jamais reconnu les droits internationaux reconnus du peuple palestinien dans leur intégralité », dénoncent-ils dans leur déclaration commune.
Cependant, les signataires nuancent leur position en ajoutant qu’« il existe quelques entités cinématographiques israéliennes qui ne sont pas complices », sans toutefois les nommer explicitement. Cette distinction suggère une approche sélective visant les institutions plutôt qu’un boycott généralisé.
Cet appel cible « la complicité institutionnelle, pas l’identité », précise la tribune, cherchant à éviter toute accusation d’antisémitisme en distinguant les institutions des individus de nationalité israélienne.

L’actrice italienne Anna Foglietta, accompagnée de militants, brandi un drapeau palestinien depuis un bateau en soutien au peuple palestinien de Gaza et à la Global Sumud Flotilla, lors de la 82e édition du Festival international du film de Venise, au Lido de Venise, le 4 septembre 2025. (Photo : TIZIANA FABI/AFP via Getty Images)

Une réponse à l’appel palestinien

« Nous répondons à l’appel des cinéastes palestiniens, qui ont exhorté l’industrie cinématographique internationale à refuser le silence, le racisme et la déshumanisation », justifient les signataires. Cette démarche s’inscrit dans le cadre du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) lancé par la société civile palestinienne en 2005.
Le collectif Film Workers for Palestine a récemment étendu son action en appelant au boycott de la Berlinale 2025, accusant le festival allemand de « complicité avec Israël ». Cette escalade vise désormais les plus grands festivals européens, traditionnellement considérés comme des espaces de dialogue interculturel.
Tilda Swinton, signataire de la pétition, avait paradoxalement assisté à la Berlinale 2025 en février dernier malgré les appels au boycott, illustrant les contradictions et les débats internes que suscite cette mobilisation au sein du milieu artistique.

Un mouvement qui s’amplifie depuis octobre 2023

Plusieurs lettres signées par des personnalités du cinéma, de la musique ou de la littérature ont été publiées depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël et l’offensive israélienne lancée à Gaza en riposte. Cette mobilisation témoigne de l’impact durable du conflit sur la scène culturelle internationale.
Fin août, le collectif de cinéastes italiens Venice4Palestine avait exhorté le festival de Venise à « adopter une position claire et sans ambiguïté » contre les actions d’Israël, leur lettre récoltant 2.000 signatures dont celles de Guillermo del Toro ou Ken Loach.
Lors du Festival de Cannes 2024, quelque 900 personnalités avaient signé une pétition pour dénoncer le « silence » sur le « génocide » à Gaza, avec notamment la présidente du jury Juliette Binoche, Pedro Almodovar, Joaquin Phoenix ou Susan Sarandon. Le festival cannois 2025 avait également été marqué par des tensions, avec plusieurs incidents liés à la représentation du conflit.

Un contexte géopolitique tendu

Cette mobilisation artistique intervient dans un contexte où le conflit israélo-palestinien divise profondément les opinions publiques occidentales et influence les politiques culturelles des institutions européennes. La Berlinale 2025 avait été particulièrement touchée par ces tensions, certains critiques et journalistes boycottant l’événement.
L’attaque du 7 octobre 2023, menée par des commandos du Hamas infiltrés dans le sud d’Israël, a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles. Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.368 morts à Gaza, en majorité des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l’autorité du Hamas, mais dont les données sont jugées fiables par l’ONU.

Des répercussions sur l’industrie cinématographique

Cette initiative pourrait avoir des conséquences significatives sur la circulation des films et la programmation des festivals internationaux. Plusieurs institutions culturelles européennes et américaines se trouvent désormais confrontées à des pressions contradictoires entre soutien artistique traditionnel et positionnements politiques.
Le mouvement soulève également des questions sur le rôle de l’art dans les conflits géopolitiques et sur la légitimité des boycotts culturels comme moyen de pression politique. Les débats rappellent ceux qui avaient entouré l’Afrique du Sud de l’apartheid, mais dans un contexte géopolitique contemporain plus complexe.

Une industrie divisée

Cette mobilisation révèle les fractures profondes qui traversent l’industrie cinématographique internationale sur la question israélo-palestinienne. Alors que certaines personnalités s’engagent dans le boycott, d’autres maintiennent leurs collaborations ou appellent au dialogue plutôt qu’à l’isolement.
Les festivals de cinéma, traditionnellement conçus comme des espaces de rencontre interculturelle, se retrouvent pris dans ces tensions géopolitiques. La question de savoir si l’art doit servir la diplomatie ou la contestation divise profondément les professionnels du secteur.
Cette initiative de Film Workers for Palestine marque une nouvelle étape dans la politisation du milieu cinématographique international, avec des conséquences potentiellement durables sur les échanges artistiques entre Israël et le reste du monde. L’ampleur des signatures témoigne d’une sensibilisation croissante du milieu artistique aux enjeux géopolitiques contemporains, mais aussi de la polarisation grandissante des positions sur le conflit israélo-palestinien.

Vers une redéfinition des relations culturelles internationales

Cette mobilisation sans précédent pourrait redéfinir les relations entre institutions culturelles et contextes géopolitiques. Elle interroge également sur l’efficacité de ces boycotts artistiques pour influencer les politiques gouvernementales et sur leurs conséquences sur les créateurs individuels.
L’initiative de Film Workers for Palestine s’inscrit dans une démarche plus large de « décolonisation » des institutions culturelles occidentales, remettant en question les partenariats traditionnels et appelant à une reconsidération des solidarités artistiques internationales dans un monde multipolaire en recomposition.