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Douze années de données prouvent que l’« Initiative Ceinture et Route » de la Chine est un piège de la dette

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Un train de la ligne à grande vitesse Chine-Laos, un projet clé de l’« Initiative Ceinture et Route » reliant Kunming, en Chine, à Vientiane, au Laos, arrive dans la zone économique spéciale de Boten, au Laos, le 10 avril 2024.

Photo: Lauren DeCicca/Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

Le mois dernier marquait le 12ᵉ anniversaire de l’« Initiative Ceinture et Route » (Belt and Road Initiative – ICR ou BRI), le titanesque programme de Pékin, souvent qualifié de « nouvelle route de la soie », qui vise à renforcer l’influence géopolitique de la Chine dans le monde entier, en se reliant aux marchés de différents pays par le biais d’investissements dans diverses infrastructures importantes de transport, d’énergie et de télécommunications.
Après douze années, les quatre principales lignes de défense de Pékin contre les accusations de piège de la dette liées à son initiative s’effondrent. Le groupe de réflexion Lowy Institute a rapporté que 75 pays en développement sont désormais confrontés à de graves crises d’endettement, causées par d’importants remboursements de leurs dettes à la Chine. Les pays en développement devraient verser à Pékin un montant record de 35 milliards de dollars cette année — dont 22 milliards provenant des pays les plus pauvres du monde —, les obligeant à réduire drastiquement les budgets alloués à la santé, à l’éducation et aux services essentiels.
Lancée en 2013, l’ICR a financé des projets d’infrastructure à grande échelle en Asie, en Afrique et en Amérique latine, par le biais de prêts garantis par l’État, faisant de la Chine le plus grand créancier bilatéral du monde. Durant la première décennie du programme, environ 80 % des prêts accordés par le régime chinois sont allés à des pays déjà en situation de défaut de paiement ou proches de l’être. À mesure que ces dettes arrivent à échéance, les pressions de remboursement exercent une tension sur les finances publiques et renforcent l’accusation selon laquelle Pékin aurait délibérément créé un piège de la dette à l’échelle mondiale.
Pour se défendre, le Parti communiste chinois (PCC) avance quatre arguments biaisés pour nier que l’ICR constitue un piège de la dette : premièrement, que de nombreux pays en développement doivent davantage à des prêteurs occidentaux ; deuxièmement, que la hausse des taux d’intérêt américains est à l’origine de leurs problèmes d’endettement ; troisièmement, que la dépréciation des monnaies et le ralentissement de l’économie mondiale sont responsables ; et quatrièmement, que la Chine saisit rarement les actifs des pays incapables de rembourser. Chacun de ces arguments s’effondre sous l’examen.
Le premier argument de Pékin — selon lequel de nombreux pays de l’ICR doivent plus aux prêteurs occidentaux ou internationaux qu’à la Chine — est mathématiquement exact dans certains cas, mais profondément trompeur. Bien que les prêts chinois puissent représenter moins de la moitié de la dette totale d’un pays, ces nations avaient déjà des notations de crédit extrêmement faibles et étaient considérées comme trop risquées pour les prêteurs traditionnels. Les institutions occidentales ont cessé de prêter afin d’éviter de les pousser au défaut de paiement. La Chine, en revanche, est intervenue et a accordé les prêts mêmes qui les ont fait basculer dans une situation insoutenable. Dans de nombreux cas, Pékin est devenu le prêteur de dernier recours, après que les prêteurs responsables se sont retirés.
Le deuxième argument — selon lequel la hausse des taux d’intérêt américains aurait provoqué la crise de la dette — est tout aussi fallacieux. Les variations de taux sont un risque bien connu, intégré à toute évaluation du crédit souverain. Les pays qui continuent d’emprunter massivement malgré de mauvaises notes de crédit le font en sachant que le refinancement deviendra plus coûteux lorsque les taux mondiaux augmenteront. Les prêteurs responsables tiennent compte de ce risque et se retirent lorsque les emprunteurs atteignent des niveaux d’endettement intenables. La Chine ignore ces avertissements, continue de prêter et rend ainsi le défaut de paiement inévitable.
La troisième affirmation — qui impute la crise à la dépréciation des monnaies et au ralentissement de l’économie mondiale — ne résiste pas non plus à l’analyse. Les récessions économiques et les fluctuations des taux de change sont des risques prévisibles qui doivent être évalués avant de contracter une dette. De nombreux pays de l’ICR disposent de monnaies faibles et partiellement convertibles, mais doivent rembourser leurs dettes en dollars américains. À mesure que le dollar se renforce, le coût du service de la dette augmente, épuisant les réserves nationales et aggravant la détresse économique. Ce n’est ni la faute de l’Occident, ni le résultat d’une politique monétaire américaine conçue pour nuire aux autres. Le raisonnement du PCC est illogique, d’autant plus que la plupart des prêts de l’ICR sont eux-mêmes libellés en dollars.
Le quatrième argument avancé par l’État-parti chinois contre l’accusation de « piège de la dette » est que la Chine saisit rarement les actifs des pays qui ne peuvent pas rembourser ; elle affirme plutôt offrir un « allègement de la dette » par des refinancements ou des prolongations de prêts. En pratique, cette approche ne fait qu’approfondir la dépendance. Pékin accorde généralement des restructurations à court terme, comme des prolongations d’échéances ou des périodes de grâce, aux pays à faible revenu, sans réduire le principal ni alléger les taux d’intérêt.
Le régime chinois s’appuie également sur des mécanismes de « prêts de sauvetage », incluant des prêts relais accordés par des banques d’État, des tirages sur des lignes de swap de devises via la Banque populaire de Chine, et des accords de prépaiement sur les matières premières. Ces mesures ne résolvent pas les problèmes fondamentaux de solvabilité, mais ne font que reporter le défaut de paiement, permettant aux emprunteurs de survivre juste assez longtemps pour protéger le système financier chinois lui-même.
Une étude majeure menée par AidData, la Banque mondiale, l’Institut de Kiel et la Harvard Kennedy School a révélé qu’à la fin de 2021, la Chine avait effectué 128 opérations de sauvetage, totalisant 240 milliards de dollars dans 22 pays, marquant un net glissement du financement d’infrastructures vers le financement de prêts d’urgence. En 2010, moins de 5 % des prêts chinois à l’étranger étaient destinés à des emprunteurs en difficulté ; en 2022, ce chiffre avait grimpé à 60 %.
Ces sauvetages révèlent également l’hypocrisie de Pékin : alors que le PCC accuse l’Occident d’imposer des taux d’intérêt prédateurs, le taux moyen des prêts de sauvetage chinois est d’environ 5 %, soit plus du double du taux standard du Fonds monétaire international (FMI), fixé à 2 %. Au 1er octobre 2025, malgré la hausse des taux américains, le taux d’intérêt sur les droits de tirage spéciaux du FMI s’élevait à seulement 3,41 %, bien en deçà de ce que la Chine facture aux pays en difficulté pour une aide dite de « soulagement ».
L’ampleur réelle de la dette liée à l’ICR pourrait être bien pire que ce que suggèrent les données officielles. Afin de protéger son propre système bancaire, le régime chinois recourt de plus en plus au réseau mondial de lignes de swap de la Banque populaire de Chine, qui a fourni plus de 170 milliards de dollars de liquidités à court terme à des banques centrales étrangères. Ces prêts, souvent qualifiés de « temporaires », sont régulièrement reconduits pendant des années, permettant aux gouvernements de dissimuler leur véritable niveau d’endettement, car les règles internationales relatives à la déclaration d’endettement excluent les passifs à court terme.
Cette pratique a généré d’immenses « dettes cachées », estimées à environ 385 milliards de dollars par AidData en 2021 — un chiffre probablement bien plus élevé aujourd’hui, alors que davantage de prêts arrivent à échéance et que très peu ont été remboursés ces dernières années. La stratégie opaque de sauvetage de l’État-parti chinois — conçue pour protéger ses prêteurs plutôt que d’aider les nations en difficulté — garantit que le poids réel de la dette liée à l’ICR reste dissimulé au grand public.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l'Université des sports de Shanghai et titulaire d'un MBA chinois de l'Université Jiaotong de Shanghai. Il travaille aujourd'hui comme professeur d'économie et analyste économique de la Chine, écrivant pour divers médias internationaux.

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