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Donald Trump prolonge la dérogation aux sanctions sur la Syrie après un entretien avec Ahmed Al Charaa
Les sanctions imposées par le Caesar Act limitent la capacité des banques internationales à financer la reconstruction.

Le président Donald Trump et le président syrien Ahmed al-Sharaa (à gauche) dans le Bureau ovale, le 10 novembre 2025.
Photo: @realDonaldTrump via Truth Social
WASHINGTON — Le président Donald Trump a accordé, le 10 novembre, une prolongation de 180 jours de sa dérogation aux sanctions visant la Syrie, après avoir rencontré le président syrien Ahmed al‑Charaa à la Maison‑Blanche.
Le 30 juin, Trump avait déjà publié un décret levant temporairement les sanctions, dans l’objectif de permettre à ce pays ravagé par la guerre de se relever rapidement.
Cependant, une action du Congrès serait nécessaire pour lever, de façon permanente, les sanctions prévues par le Caesar Act, qui interdit la vente de biens, de technologies ou d’équipements à la Syrie et isole le pays du système bancaire international.
Le décret présidentiel de Trump a donc instauré une dérogation de 180 jours à ces restrictions, renouvelée avant son expiration prévue le 1ᵉʳ janvier 2026.
L’administration pousse le Congrès à abroger le Caesar Act.
« C’est un dirigeant très fort. Il vient d’un endroit difficile, c’est un homme coriace. Je l’apprécie », a confié Trump aux journalistes dans le Bureau ovale, quelques heures après sa rencontre avec le chef de l’État syrien.
Les sanctions du Caesar Act limitent la capacité des banques à financer la reconstruction, selon Steven Cook, chercheur au Council on Foreign Relations.
D’après la Banque mondiale, les coûts de la reconstruction des infrastructures et bâtiments syriens endommagés sont estimés entre 140 et 345 milliards de dollars.
La visite de M. al‑Charaa constitue la première venue d’un chef d’État syrien à la Maison-Blanche depuis l’indépendance du pays en 1946.
La rencontre intervient six mois après la précédente entre Trump et M. al‑Charaa en Arabie saoudite, et quelques jours après la levée, par l’ONU et les États-Unis, des sanctions liées au terrorisme pesant sur le dirigeant syrien.
Le gouvernement américain a récemment retiré les qualifications de « terroriste international spécialement désigné » à M. al-Charaa et au ministre syrien de l’Intérieur, Anas Khattab.
Avant cette visite, M. al‑Charaa devait annoncer l’adhésion de la Syrie à la coalition anti-Daech, un groupe mondial de 89 partenaires lancé en 2014 pour lutter contre l’État islamique en Irak, en Syrie et dans le monde. Toutefois, aucune annonce n’a suivi.
« Une annonce concernant la Syrie est à venir », a déclaré Trump à la presse. « Nous voulons voir la Syrie réussir pleinement. Et je pense que ce dirigeant en a les moyens. »
M. Al‑Charaa a pris ses fonctions en décembre 2024, à la suite de la fuite de Bachar al-Assad vers Moscou, mettant fin à 53 ans de règne familial.
M. Al‑Charaa a dirigé le groupe islamiste Hayat Tahrir al‑Sham (HTS), qui a revendiqué la victoire dans la guerre civile syrienne, longue de 13 ans.
Le HTS a d’abord été classé comme organisation terroriste étrangère par le Département d’État en 2018, avant d’en être retiré cette année.
Le mouvement est né du Front al‑Nosra, affilié à al‑Qaïda, le groupe terroriste fondé par Oussama ben Laden.
Un avis de recherche désormais supprimé, précisait que M. al‑Charaa a fondé le Front al‑Nosra, avant de conduire le groupe lors de sa transformation en HTS. Selon le même document, le groupe a été impliqué dans des enlèvements et assassinats en Syrie, dont le meurtre de 20 villageois druzes dans la province d’Idleb en 2015.
La semaine dernière, le Conseil de sécurité de l’ONU a également levé les sanctions terroristes ciblant M. al‑Charaa et M. Khattab.
En juin, Trump a abrogé par décret les sanctions américaines unilatérales contre la Syrie, estimant offrir « une chance de grandeur » au peuple syrien, tout en maintenant des sanctions contre Assad et d’autres dirigeants.
Les États-Unis ont aussi retiré en juillet la qualification terroriste du HTS.
La porte‑parole de la Maison‑Blanche, Karoline Leavitt, expliquait le 4 novembre dernier que cette rencontre s’inscrit dans la volonté de Trump de dialoguer « avec tous ceux qui poursuivent la paix dans le monde ».
Quelques jours avant l’entretien, Trump saluait déjà les « progrès réalisés par la Syrie ».
« Je pense qu’il fait du très bon travail. Le contexte est difficile, c’est un homme coriace, mais j’ai eu de très bons échanges avec lui », a‑t‑il souligné.
Le dernier rendez-vous entre Trump et M. al‑Charaa remontait à mai, à Riyad, où le président américain l’avait encouragé à joindre les Accords d’Abraham : une série d’accords de normalisation entre Israël et les États arabes.
En septembre, M. al‑Charaa s’est exprimé devant l’Assemblée générale de l’ONU – une première pour un président syrien depuis 1967 – en appelant à une levée complète des sanctions et en soulignant l’ampleur de la reconstruction nécessaire.
Le 9 novembre, M. al‑Charaa a rencontré la communauté syrienne de Washington, avec l’envoyé spécial américain Tom Barrack.
Avant la réunion à la Maison‑Blanche, une vidéo diffusée sur les réseaux montrait M. al‑Charaa et son ministre des Affaires étrangères, Asaad al‑Shaibani, jouer au basketball avec des responsables militaires américains, notamment l’amiral Brad Cooper du CENTCOM et le général Kevin Lambert, chef de la coalition anti-Daech.


Emel Akan est journaliste spécialiste de la politique économique à la Maison-Blanche à Washington, D.C. Auparavant, elle a travaillé dans le secteur financier en tant que banquière d'investissement chez JPMorgan et en tant que consultante chez PwC. Elle est titulaire d’une maîtrise en administration des affaires de l’université de Georgetown.
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