Fraudes aux aides sociales
Des milliards de dollars de fraudes aux aides sociales : la communauté somalienne du Minnesota dans la tourmente
Un vaste réseau de fraude, pour l’essentiel issu de la communauté somalienne du Minnesota, secoue aujourd’hui l’Amérique et relance le débat sur l’intégration de cultures différentes. Les sommes détournées, censées alimenter des subventions et des programmes sociaux, se chiffreraient en milliards de dollars.

Vue de l'extérieur du Capitole de l'État du Minnesota, à Minneapolis, Minnesota, le 20 juin 2020.
Photo: Stephen Maturen/Getty Images
Au moins trois grands scandales sont en jeu, dont l’un se déroule depuis plusieurs années. Deux autres ont récemment été mis en évidence. Ces nouvelles révélations ont déclenché une réaction de la part de Donald Trump, alors que des appels à approfondir l’enquête ont été lancés à droite comme à gauche.
Le plus grand scandale du genre : les faits
Selon le département de la Justice (DOJ), une association du Minnesota, « Feeding Our Future », ainsi que ses partenaires, ont détourné plus de 240 millions de dollars de fonds fédéraux, soit le plus vaste programme frauduleux lié aux aides Covid-19 jamais identifié aux États-Unis.
« C’était un stratagème effronté d’une ampleur stupéfiante », déclarait en 2022 l’ancien procureur Andrew M. Luger lorsque 47 personnes ont été mises en examen.
Selon l’accusation, ce quart de milliard a servi à acheter « des voitures de luxe, des maisons, des bijoux et des propriétés de villégiature à l’étranger ».
Depuis, des dizaines d’autres personnes ont été inculpées. Le 24 novembre, le DOJ a annoncé une 78ᵉ mise en examen liée à Feeding Our Future.
À ce jour, environ 50 prévenus — dont la fondatrice de l’association, Aimee Bock — ont été condamnés. Cette dernière est détenue en attente de son jugement.
À l’exception d’une poignée de personnes, la quasi-totalité des mis en cause portent des noms somaliens ; l’un d’eux avait même créé une société baptisée « Minnesota’s Somali Community ». L’État abrite en effet la plus importante communauté somalienne du pays, soit près de 1 % de la population, selon plusieurs sources dont World Population Review.
Ces immigrés viennent d’un pays marqué par une corruption publique endémique : la Somalie occupe le rang de deuxième pays le plus corrompu au monde selon l’indice 2024 de Transparency International. Le pays obtient 9 points sur 100 (0 = très corrompu, 100 = très propre). Seul le Soudan du Sud fait pire (8 points).
À titre de comparaison : États-Unis : 65, France : 67, Allemagne : 75..
À titre de comparaison : États-Unis : 65, France : 67, Allemagne : 75..
« Comment a-t-on pu en arriver là ? »
Avec la fermeture des écoles pendant la pandémie, les autorités ont assoupli les règles d’un programme fédéral de distribution de repas et autorisé des organisations non scolaires à nourrir des enfants défavorisés.
Des fraudeurs s’y sont engouffrés. Feeding Our Future a créé plus de 250 sites de distribution à travers le Minnesota. Ces structures « ont prétendu servir des milliers de repas par jour, parfois quelques jours seulement après leur création », indiquait le DOJ en 2022 — alors qu’aucun repas n’était réellement servi.
Pour inscrire leurs sites au programme et blanchir l’argent, les accusés ont créé « des dizaines de sociétés-écrans » et fourni de faux documents, selon la justice.
Les autorités ont tiré la sonnette d’alarme en constatant la croissance fulgurante du programme : en 2021, Feeding Our Future a distribué 200 millions de dollars — 59 fois plus que les 3,4 millions de 2019.
Une enquête spéciale publiée en 2024 par le Bureau de l’auditeur législatif du Minnesota conclut que le département de l’Éducation « n’a pas réagi aux avertissements » concernant l’association, malgré des alertes répétées depuis 2016. L’agence était également « mal préparée » à intervenir efficacement.
Le commissaire à l’Éducation, Willie L. Jett II, a défendu son administration, affirmant qu’elle avait transmis ses soupçons aux forces de l’ordre.
« Ce qui s’est produit avec Feeding Our Future est une tragédie : un abus coordonné et effronté de programmes destinés à garantir des repas sains aux enfants pauvres », écrit-il. La responsabilité, selon lui, incombe « aux fraudeurs inculpés et condamnés ».
Un deuxième scandale éclate
Il y a deux mois, le DOJ a révélé un second dossier. Il implique cette fois des millions de dollars de fausses demandes de remboursement de frais médicaux dans un programme appelé Housing Stabilization Services (« Services de stabilisation du logement »). Huit personnes ont été inculpées, selon un communiqué du 18 septembre.
En 2020, le Minnesota est devenu le premier État américain à autoriser la prise en charge de l’aide à la recherche et au maintien d’un logement pour les personnes âgées, handicapées ou souffrant de troubles mentaux ou d’addictions.
Mais des fraudeurs ont exploité le système.
Ils ont récupéré des identités de bénéficiaires éligibles — notamment dans des centres de désintoxication — puis soumis des factures fausses et massivement surévaluées.
Le programme, censé coûter 2,6 millions de dollars par an, a finalement coûté 21 millions en 2021, puis 104 millions en 2024 — soit près de quarante fois le montant prévu.
Face à l’ampleur des abus, les Housing Stabilization Services ont été supprimés le 31 octobre, le département des Services humains évoquant des « fraudes à grande échelle ».
Un troisième schéma frauduleux visait les soins pour l’autisme
Six jours plus tard, le procureur Joseph Thompson a annoncé un troisième dossier majeur. Une femme de 28 ans est accusée d’avoir détourné illégalement 14 millions de dollars d’un programme d’aide aux enfants autistes.
De 2019 à 2024, Asha Farhan Hassan et ses complices auraient recruté des parents qui acceptaient de faire diagnostiquer leurs enfants. Tous recevaient systématiquement un diagnostic d’autisme, ouvrant droit à des subventions. En échange, les parents touchaient une « rétrocommission » mensuelle allant de 300 à 1 500 dollars par enfant.
Mme Hassan aurait envoyé des centaines de milliers de dollars à l’étranger et acheté des biens immobiliers au Kenya.
Elle est également mise en cause dans Feeding Our Future : entre 2020 et 2021, elle aurait prétendu avoir servi près de 200 000 repas, obtenant ainsi 465 000 dollars.
Une charge de travail colossale pour les procureurs
De nouvelles inculpations sont attendues dans les deux dossiers les plus récents.
Ces trois affaires « forment une toile qui a siphonné des milliards de dollars d’argent public », déplore le procureur Thompson, dénonçant « des schémas empilés les uns sur les autres ».
« J’ai passé ma carrière à poursuivre les fraudes, et l’ampleur de celle-ci au Minnesota m’a coupé le souffle », ajoute-t-il.
Interrogé sur le manque de personnel, il a reconnu que son équipe réduite travaillait « très dur ».
« Nous ne pourrons pas poursuivre tout le monde. Ces dossiers sont extrêmement gourmands en ressources. »
Pour le député républicain Walter Hudson, cette déclaration est « ahurissante » : « Il y a tellement de fraude que certains s’en sortiront. »
Les terroristes somaliens en profitent-ils ?
Selon le président républicain de la Chambre, Mike Johnson, un rapport récent affirme que « des millions de dollars d’aides sociales volées ont été acheminés vers al-Shabab », un groupe terroriste affilié à l’État islamique.
Il qualifie la situation de « problème majeur de sécurité nationale ».
Ses propos s’appuient sur une enquête publiée par City Journal. Les auteurs, Ryan Thorpe et Christopher Rufo, affirment que des millions issus de la fraude au Minnesota ont été renvoyés en Somalie, où une partie serait tombée entre les mains d’al-Shabab. Ils citent des « sources fédérales antiterroristes » anonymes.
Selon l’ancien enquêteur Glenn Kerns, un réseau financier somalien relierait Seattle à Minneapolis. Des bénéficiaires d’aides américaines enverraient de l’argent en Somalie — dont al-Shabab prélèverait une part.
Mesures prises et demandes d’enquête
Dans la foulée, Donald Trump a suspendu le statut de protection temporaire (TPS), un dispositif anti-expulsion, pour les immigrés somaliens du Minnesota, et a estimé que certains d’entre eux “devaient retourner d’où ils viennent”.
Cette décision présidentielle de suspension du TPS a été vivement critiquée par plusieurs élus de l’aile gauche du Parti démocrate, notamment Ilhan Omar, elle-même née en Somalie. De même, le gouverneur Tim Walz, ancien colistier de Kamala Harris lors de la dernière présidentielle a exprimé sa désapprobation.
Du côté républicain, plusieurs élus ont demandé au nouveau procureur fédéral pour le Minnesota, afin que celui-ci puisse enquêter sur un éventuel financement du terrorisme via ces fraudes.
« Si cela se confirme, il faudra agir immédiatement pour stopper les transferts d’argent susceptibles d’alimenter des organisations terroristes », écrivent-ils dans une lettre du 24 novembre.
La candidate républicaine au poste de gouverneur craint que d’autres programmes — comme les bons alimentaires ou l’aide à la garde d’enfants — aient également été fraudés.
Un audit complet du département de l’Assistance sociale serait en préparation.
Le gouverneur Walz a par ailleurs suspendu pour 90 jours les paiements de 14 programmes jugés vulnérables à la criminalité organisée.

Janice Hisle écrit sur une variété de sujets, en mettant l'accent sur les nouvelles et les tendances de la justice pénale. Avant de rejoindre Epoch Times, elle a travaillé pendant plus de vingt ans comme reporter pour des journaux de l'Ohio et a écrit plusieurs livres. Diplômée en journalisme à l'université d'État de Kent, elle aime le journalisme "à l'ancienne" avec une touche de modernité.
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