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plus-iconUn empire criminel mondial

Comment un magnat né en Chine a bâti un empire criminel mondial lié à l’appareil sécuritaire de Pékin

Un ancien membre des services secrets affirme que le groupe cambodgien Prince Group a secrètement aidé le PCC dans ses opérations clandestines tout en menant des escroqueries portant sur des milliards de dollars.

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Des automobilistes passent devant une agence de la Prince Bank à Phnom Penh, le 15 octobre 2025.

Photo: TANG CHHIN SOTHY/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 9 Min.

Le mois dernier, un ancien officier chinois du renseignement connu sous le nom d’Eric a publiquement accusé Chen Zhi, le tycoon sino-cambodgien derrière le Prince Holding Group, de collaborer secrètement avec l’appareil sécuritaire chinois.
Dans une publication sur X, Eric, actuellement basé en Australie, a allégué que Chen entretenait des liens étroits avec de hauts responsables du ministère de la Sécurité d’État et du ministère de la Sécurité publique du Parti communiste chinois (PCC), et que son immense conglomérat d’affaires était devenu un instrument secret au service des opérations mondiales du régime.
« Le Prince Group n’était pas une cible de la campagne anti-corruption chinoise », affirme Eric. « Il était un partenaire profondément impliqué. »
Il explique avoir vu des responsables chinois, venus de Pékin et de Chongqing, tenir des réunions secrètes dans le club privé de Chen à Phnom Penh. « Ces responsables se sont réunis », dit-il, « pour conspirer à l’arrestation du dessinateur exilé Wang Liming, et toute la logistique — du transport à l’hospitalité — était à la charge du Prince Group. »
Eric raconte également avoir assisté à une scène où Chen suppliait un ancien supérieur d’intercéder auprès du ministère chinois de la Sécurité publique pour « faire des concessions » en sa faveur.
Dans un entretien ultérieur avec Epoch Times, Eric affirme que ses preuves sont « solides et fiables », mentionnant des « relevés bancaires, des formulaires de recrutement et des contrats de location », dont certains déjà rendus publics. « Ces éléments suffisent à attester la véracité de mes propos », affirme-t-il.

Le business au service du renseignement

Eric décrit le Prince Group comme « l’un des agents les plus importants des activités clandestines du régime chinois au Cambodge et en Asie du Sud-Est ».
« La société est devenue le réservoir financier et la base logistique du système de renseignement chinois », assure-t-il.
D’après lui, le réseau de renseignement chinois fonctionne selon un principe dit « utiliser le business pour soutenir le renseignement », doctrine d’origine militaire qui capitalise sur les entreprises commerciales pour financer et dissimuler des activités d’espionnage.
Eric précise que les opérations extérieures du renseignement chinois ne relèvent pas d’un contrôle centralisé. « Chaque département provincial de la sécurité d’État agit de façon indépendante à l’étranger. Celui qui en a les moyens prend la main. Le succès équivaut à une promotion et à des récompenses. » Cette structure décentralisée permet, selon lui, au réseau de répression transnational du PCC de fonctionner sans véritable responsabilité, rendant le traçage par les autorités étrangères « très difficile ».

Un empire mis en accusation

Le 14 octobre, le Department of Justice (DOJ) américain a dévoilé une vaste mise en accusation contre Chen Zhi et ses associés, les accusant de traite d’êtres humains, de travail forcé et d’escroqueries en cryptomonnaies.
Les procureurs affirment que Chen dirigeait une entreprise criminelle internationale opérant sous couvert d’activités légales. Le directeur du FBI, Kash Patel, a qualifié l’opération d’« une des plus grandes actions menées contre des fraudes financières de l’histoire », après la saisie de 15 milliards de dollars en bitcoins liés au réseau.
Derrière la façade commerciale du groupe, Prince Group gérait plusieurs complexes au Cambodge où des travailleurs victimes de la traite étaient retenus captifs et contraints à mener des arnaques en ligne, selon Eric. Les passeports des victimes étaient confisqués et celles-ci menacées de violence.
Selon la plainte civile jointe, le réseau frauduleux du Prince Group s’étendait sur plus de 30 pays et contrôlait plus de 76.000 faux comptes de réseaux sociaux.
L’ascension fulgurante de Chen au Cambodge s’explique par son patronage politique et ses liens avec la Chine. Né dans la province de Fujian, il obtient plus tard la nationalité cambodgienne, recevant une prestigieuse distinction civile, le titre de Neak Oknha, en 2020.
Peu après, il est nommé conseiller du Premier ministre de l’époque, Hun Sen, poste qu’il conserve sous le gouvernement actuel. Selon Eric, ces fonctions lui confèrent à la fois une couverture politique et une légitimité pour ses activités cachées.
Chen est entré sur le marché immobilier cambodgien à seulement 24 ans, apparemment soutenu par les ministères chinois de la Sécurité publique et de la Sécurité d’État.

Blanchiment d’argent et corruption

D’après l’acte d’accusation, Chen et ses associés ont employé des schémas complexes pour blanchir leurs profits, faisant transiter des fonds illicites via les jeux d’argent en ligne et le minage de cryptomonnaies, avant de les convertir en espèces par le biais de banques.
Avant la saisie des avoirs, selon le FBI, Chen dépensait sans compter pour des yachts, jets privés, montres de luxe et œuvres d’art, dont un tableau de Picasso. L’un de ses immeubles de bureaux londoniens, évalué à près de 100 millions de livres, a été gelé par les autorités britanniques.
Les co-conspirateurs de Chen, hauts dirigeants de Prince Group, auraient également usé de leurs relations avec la police chinoise pour soudoyer et influencer les forces de l’ordre locales au Cambodge, extorquant ainsi des entreprises au nom de Prince Group. En 2019, certains associés ont acheté des biens d’une valeur de plus de 3 millions de dollars pour un haut fonctionnaire étranger, selon la plainte civile.
Le réseau d’influence de Chen lui permettait aussi d’être prévenu à l’avance des descentes de police, facilitant la destruction ou la relocalisation de preuves.

Un réseau global, criminel et politique

Les dernières sanctions du Trésor américain ont relié Chen Zhi à Wang Guodan, intermédiaire de la criminalité organisée basé à Palau et vice-président de la Fédération des Chinois d’outre-mer de Palau, identifiée comme une courroie d’influence étrangère chinoise. Ensemble, ils ont obtenu un bail de 99 ans sur l’île Ngerbelas de Palau pour y implanter un complexe touristique de luxe.
Ces connexions révèlent comment le réseau de Chen a tissé un système d’influence d’outre-mer, aboutissant aux opérations du Front uni du PCC — le département du Front uni étant chargé de l’infiltration et de l’espionnage à l’étranger.

La responsabilité du PCC

Le commentateur des affaires chinoises Zhang Tianliang a expliqué sur sa chaîne YouTube que, même s’il n’existe pas de preuve directe reliant Chen à Xi Jinping, les liens de Chen avec la sécurité étatique chinoise sont « évidents ».
« Dans un système autoritaire, ceux qui détiennent le pouvoir doivent être tenus pour responsables de ce qui se passe sous leur juridiction. La connexion entre Chen et l’élite du PCC correspond à des niveaux précis dans la hiérarchie du pouvoir, et ces niveaux doivent porter la responsabilité des crimes perpétrés », expose-t-il.
Aujourd’hui, Chen Zhi est en fuite. Le gouvernement fédéral a gelé ses avoirs à Londres et imposé des sanctions à six individus et six sociétés liés à son nom. Condamné sur tous les chefs d’accusation, Chen risque jusqu’à 40 ans de prison.
Avec la contribution de Li Jing et Luo Ya.