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Apprendre à se pardonner à soi-même : la clé de la sérénité

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Photo: Halfpoint/Shutterstock

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Durée de lecture: 13 Min.

Nous avons tous vécu des moments que nous n’arrivons pas à cesser de ressasser : une remarque blessante, un choix qui a fait du mal à quelqu’un, un silence au lieu d’une parole.

Pour certaines personnes, ces souvenirs restent douloureusement vivants ; ils revivent la scène, les mots, l’expression du visage. Ceux-ci subsistent comme des plaies ouvertes, rendant le pardon envers soi-même impossible pendant des années.

Une nouvelle étude de psychologie publiée dans la revue Self and Identity explique pourquoi certains restent prisonniers de cycles d’autoculpabilité tandis que d’autres trouvent le chemin du pardon et passent à autre chose.

La clé ne tient ni à la force de volonté ni à la gravité de la faute, mais à la manière dont les gens perçoivent l’expérience et le rapport qu’ils entretiennent avec ce qui s’est passé.

Ce qui distingue le pardon de soi de l’autoculpabilité

Des chercheurs de l’université Flinders ont interrogé 80 Américains à propos d’échecs personnels qu’ils n’arrivaient pas à se pardonner. La moitié (41) déclarait ne pas réussir à tourner la page ; l’autre moitié (39) avait trouvé une voie pour avancer.

« Le pardon consiste à libérer quelqu’un de toute intention vengeresse ou punitive tout en reconnaissant ce qui s’est passé », a expliqué par e-mail à Epoch Times Lydia Woodyatt, auteure principale de l’étude et professeure de psychologie à l’université Flinders, en Australie. « Le pardon de soi fonctionne de la même manière. »

« Notre recherche montre que les gens peinent à se pardonner dans toutes sortes de situations qui suscitent honte, culpabilité ou regrets. »

Bien que les circonstances diffèrent, un schéma s’est dessiné : ceux qui réussissent à se pardonner ne se contentent pas de “décider” et de passer à autre chose ; ils s’engagent dans un processus continu, façonné par leur compréhension de la culpabilité, la responsabilité et l’identité.

La différence n’est pas due à la volonté ou à la gravité de l’erreur, mais à la façon dont les gens perçoivent leur expérience et à la manière dont ils se sentent concernés par ce qui s’est passé.

Bloqué dans le passé – ou tourné vers l’avenir

Ceux qui peinent à se pardonner ne se contentent pas de se souvenir du passé : ils y vivent encore. Pour eux, la culpabilité et la honte restent à vif, rejouées en boucle, impossibles à arrêter.

Plus on ressasse, plus le corps reste en état d’alerte, explique Everett Worthington, psychologue clinicien non impliqué dans l’étude et auteur de Moving Forward: Six Steps to Forgiving Yourself  [Aller de l’avant : Six étapes pour se pardonner à soi-même, ndlr]. « Cela maintient la douleur émotionnelle à vif et exige plus d’attention. »

« La lutte de chacun doit être comprise dans le contexte de son histoire personnelle », ajoute celui qui est également professeur émérite de psychologie à la Virginia Commonwealth University (États-Unis). « Une femme peut ressentir une profonde culpabilité après un avortement ; une autre personne peut pleurer la perte d’un rêve de longue date qu’elle n’a pas poursuivi. Ces expériences sont différentes, mais ce qui compte, c’est le poids émotionnel qu’elles portent pour la personne concernée. »

Le problème est particulièrement aigu avec le pardon de soi, souligne M. Worthington : « On ne peut pas s’éloigner de soi. On est coincé avec soi-même, 24h/24. »

À l’inverse, ceux qui ont réussi à se pardonner sont davantage tournés vers l’avenir. Le regret demeure, mais l’événement ne domine plus leurs pensées quotidiennes. Le déclic survient souvent lorsqu’ils parviennent à reformuler l’expérience, à l’intégrer à leur récit de vie, ce qui leur a enfin permis de se projeter.

« Essayer de supprimer ou d’éviter les pensées et émotions ne les a pas aidés », précise la professeure Woodyatt. « Se pardonner demande des efforts : cela prend du temps et nécessite un travail de compréhension, à faire parfois seul, mais souvent accompagné. »

Quelle dose de culpabilité suffit ?

Une autre différence clé concerne la façon dont les participants gèrent leur sentiment de responsabilité.

Ceux enfermés dans l’autoculpabilité oscillent souvent entre des extrêmes : s’accuser entièrement un instant, puis minimiser ou accuser les autres l’instant d’après. Ces allers-retours les éloignent de la paix intérieure : trop de responsabilité mène à la honte, tandis que trop peu de responsabilité prive du sentiment d’agir sur sa vie.

À l’inverse, ceux qui ont réussi à se pardonner laissent place à la nuance : « J’ai pris des décisions qui ont blessé quelqu’un — et une partie de ce qui s’est passé échappait à mon contrôle. »

Cette capacité à tenir ensemble deux vérités — ce que les psychologues appellent la pensée “et/et” — ouvre la porte à la compassion envers soi-même et à la guérison, sans éluder la responsabilité.

La responsabilité n’est pas l’ennemie du pardon de soi, insiste le professeur Worthington. C’en est le fondement. « Pour être responsable dans son pardon de soi, il faut s’attaquer au tort causé. Et si on ne peut pas réparer directement, on peut encore le compenser autrement.»

Cela peut signifier aider les autres, soutenir une cause, ou vivre de manière plus intentionnelle, en cohérence avec ses valeurs — un tournant souvent marquant dans l’étude.

Quand la culpabilité devient identité

Beaucoup de participants ont éprouvé les plus grandes difficultés dans des moments où ils pensaient avoir failli à protéger quelqu’un qu’ils devaient protéger — un enfant, un conjoint, un animal de compagnie. La culpabilité ne portait pas seulement sur ce qui s’était passé, mais sur ce que cela semblait dire d’eux-mêmes.

Quel genre de parent fait cela ? Qu’est-ce que cela dit de moi ?

La honte touche directement à l’identité. Le pardon de soi signifie non seulement lâcher la culpabilité, mais aussi reconstruire le sentiment de soi.

Certains s’accusent également d’avoir été victimes de violences — de ne pas les avoir empêchées ou d’avoir mal réagi.

« Des émotions comme la honte et la culpabilité peuvent être tout à fait normales », note Mme Woodyatt, « surtout lorsque nous pensons avoir échoué à nos responsabilités, ou lorsque d’autres nous ont blessés de façon dévalorisante. »

Dans ces moments, soutenir quelqu’un qui peine à se pardonner implique d’écouter, sans minimiser.

« Essayez d’aider la personne à donner du sens à ses émotions, sans lui dire qu’elles sont fausses ou inappropriées. »

Les outils qui fonctionnent

Les deux groupes de l’étude ont utilisé des outils similaires : thérapie, journal intime, pratiques spirituelles, discussions avec des amis. Mais leurs intentions divergeaient.

Ceux coincés dans l’autoculpabilité s’en servaient pour fuir : engourdir la douleur ou faire taire le critique intérieur, au moins temporairement.

Ceux qui avaient commencé à se pardonner utilisaient les mêmes stratégies pour traiter leurs émotions et réfléchir aux valeurs qu’ils n’avaient pas respectées — être un parent présent, un conjoint honnête, un ami compatissant. En se reconnectant à ces valeurs, ils prenaient activement des mesures pour les incarner à nouveau dans leur quotidien.

« Il y avait souvent un engagement envers des valeurs fondamentales comme moteur pour avancer », souligne la professeure Woodyatt.

Elle propose de réfléchir à quelques questions :

– Quelle valeur pensez-vous avoir trahie dans cet événement passé qui vous hante ?

– Pourquoi cette valeur est-elle importante pour vous ?

– Quelles sont les autres manières dont vous exprimez cette valeur ?

– Quel petit pas pouvez-vous faire cette semaine pour mettre en pratique cette valeur ?

« Par exemple, un parent qui regrette une décision ayant blessé son enfant pourrait se pardonner parce qu’il accorde de la valeur au fait d’être un bon parent », explique Mme Woodyatt. Le fait de se punir l’empêche de mettre en pratique cette valeur.

Une feuille de route vers le pardon de soi

M. Worthington propose six étapes pour guider ce chemin :

– S’ouvrir au pardon
Chercher la réconciliation avec ce qui vous est sacré — que ce soit Dieu, vos valeurs, ou un sentiment d’humanité.

– Réparer quand c’est possible
Faire amende honorable si cela est possible. Sinon, “compenser” en faisant le bien pour les autres ou sa communauté.

– Repenser la rumination
Remarquer quand on est bloqué dans la rumination. Lâcher le perfectionnisme et contester les jugements sévères envers soi.

– Pratiquer le pardon émotionnel en cinq étapes
Se souvenir clairement de ce qui est arrivé.
Faire preuve d’empathie envers soi-même dans ce contexte.
Se pardonner de manière altruiste­ — comme un cadeau à soi-même.
S’engager dans ce pardon.
S’en tenir à ce pardon à l’avenir, même en cas d’échec.

– Reconstruire l’acceptation de soi
Se voir comme un être complexe, imparfait et digne de grâce — comme tout être humain.

– Se résoudre à vivre vertueusement
Décider ce que bien vivre signifie pour vous à partir d’aujourd’hui – pas seulement éviter les erreurs du passé, mais incarner activement vos valeurs.

Le professeur Worthington ajoute que le pardon de soi n’est pas la seule voie vers la paix intérieure. Certains se tournent vers l’abandon spirituel, la reformulation de l’événement, ou simplement la décision de vivre autrement.

« Il y a tellement de chemins », remarque-t-il. « Je peux m’en remettre à Dieu, chercher la justice, accepter et passer à autre chose — ou bien je peux pardonner. »

À retenir

Le pardon de soi ne signifie pas excuser un comportement nuisible ni “passer vite à autre chose”. C’est briser des schémas mentaux qui nous enferment dans le passé et trouver une façon d’honorer à la fois la responsabilité et la compassion envers soi-même.

« Les émotions ne sont pas des faits », rappelle Mme Woodyatt. « Elles sont subjectives dans la mesure où elles expriment la façon dont notre cerveau et notre corps vivent les circonstances et y réagissent. Mais elles sont aussi des signaux qui nous aident à explorer nos besoins et nos expériences. »

L’essentiel est d’apprendre à accueillir ces émotions “avec légèreté, avec acceptation et curiosité — même les plus pénibles”.

Pour de nombreuses personnes, ce passage d’une rumination tournée vers le passé à une croissance orientée vers l’avenir marque le début d’une véritable guérison.

Cara Michelle Miller est rédactrice indépendante et éducatrice en santé holistique. Elle a enseigné au Pacific College of Health and Science à New York pendant 12 ans et a dirigé des séminaires de communication pour les étudiants en ingénierie de la Cooper Union. Elle écrit maintenant des articles axés sur les soins intégratifs et les modalités holistiques.

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