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Antisémitisme

Antisémitisme : six Français sur dix comprennent les peurs des Juifs de France

Une enquête Ipsos commandée par le Crif révèle qu'une majorité de Français perçoit l'ampleur de l'antisémitisme dans le pays. Si 81 % réclament une lutte ferme, seule la moitié estime que les pouvoirs publics agissent suffisamment. Ces données interviennent deux ans après la marche historique contre l'antisémitisme de novembre 2023.

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Photo: ROBIN VAN LONKHUIJSEN/ANP/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Deux ans après la mobilisation massive du 12 novembre 2023, qui avait rassemblé 182.000 personnes contre l’antisémitisme, une étude Ipsos commandée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) dresse un état des lieux préoccupant. Menée auprès de 1000 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, les 3 et 4 novembre 2025, cette enquête sur « Le regard des français sur l’antisémitisme » met en lumière une conscience collective du phénomène, mais aussi des attentes fortes envers les autorités.

Une prise de conscience majoritaire mais contrastée

Selon l’étude du Crif, 61 % des Français déclarent comprendre les craintes que peuvent ressentir leurs compatriotes juifs. « Rassurant », estime Yonathan Arfi, président du Crif, interrogé par Le Parisien, « car il n’y a pas que les juifs qui sont conscients du phénomène ». Toutefois, ce chiffre masque d’importantes disparités : il chute à 26 % parmi les sympathisants de La France Insoumise, et descend à 49 % chez les moins de 25 ans. Le président du Crif pointe notamment « l’instrumentalisation de la cause palestinienne » pour expliquer ces écarts.
Plus largement, 68 % des Français estiment que l’antisémitisme est un phénomène répandu dans l’Hexagone, et 66 % considèrent qu’il est plus présent aujourd’hui qu’il y a quelques années. La perception est encore plus alarmante concernant les réseaux sociaux : 80 % des Français jugent que l’antisémitisme y est particulièrement répandu.

Une explosion des actes depuis octobre 2023

Ces inquiétudes s’appuient sur une réalité chiffrée. Les actes antijuifs ont explosé après le 7 octobre 2023, avec une hausse de 1000 % dans les trois mois suivant les attaques du Hamas en Israël. Le ministère de l’Intérieur a recensé 646 faits au premier semestre 2025, soit une augmentation de 112 % par rapport à 2023, rapporte TF1 info.
Sur l’année 2024, le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) décompte 1570 actes antisémites, contre 1676 en 2023. Mais la moyenne mensuelle atteint un niveau inédit avec 130 actes par mois. L’année se distingue surtout par le nombre record d’agressions physiques : 106 violences à caractère antisémite, dont certaines d’une extrême gravité comme l’attentat sur la synagogue de la Grande Motte le 24 août ou le viol antisémite d’une enfant de 12 ans à Courbevoie.
Face à cette situation, Charles Kushner, ambassadeur américain, a exprimé le 25 août sa « profonde inquiétude face à la flambée de l’antisémitisme », déplorant selon Epoch Times qu’« il ne se passe pas un jour en France sans que des Juifs soient agressés dans les rues ». Le ministère des Affaires étrangères a réfuté les allégations de M. Kushner, les qualifiant d’« inacceptables ».

Un décalage entre attentes et perception de l’action publique

Face à cette situation, 81 % des Français estiment qu’une lutte ferme contre l’antisémitisme est nécessaire, selon l’enquête du Crif. Pourtant, seuls 49 % jugent qu’elle est effectivement mise en place par les pouvoirs publics. Yonathan Arfi pointe des « failles béantes », notamment concernant la haine antijuive en ligne.
À la Chancellerie, on reconnaît ce « ressenti » tout en défendant le bilan. « Par définition, la justice intervient trop tard, une fois que l’acte a eu lieu », note le porte-parole Sacha Straub-Kahn dans Le Parisien, insistant sur le fait que le sujet a été érigé en « politique pénale prioritaire ». Une circulaire envoyée aux magistrats en septembre demande « une réponse judiciaire très ferme et très rapide » aux actes antijuifs.
Les chiffres montrent une hausse des condamnations pour infractions en raison « de la race ou de la religion supposée » : 989 en 2022, 1143 en 2023 et 1393 en 2024. Toutefois, ces statistiques ne distinguent pas antisémitisme, islamophobie ou christianophobie.

Antisionisme et liberté d’expression : un débat sensible

L’enquête révèle également que si 82 % des sondés estiment possible de critiquer Israël sans être antisémite, 61 % pensent que certains font de l’antisionisme un prétexte. « C’est devenu le carburant de l’antisémitisme », juge Yonathan Arfi.
Cette tension s’illustre récemment par l’annulation d’un colloque sur la Palestine au Collège de France, après « échange » avec le ministère de l’Enseignement supérieur, en raison du « risque de trouble à l’ordre public ». Une décision qui a suscité des réactions contrastées, entre soulagement du Crif et dénonciation d’une censure par des cadres LFI. France Universités y voit quant à elle « une atteinte à la liberté académique ».