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Vendanges en Champagne : prison ferme pour exploitation de travailleurs

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Photo: Shutterstock

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Durée de lecture: 5 Min.

« Des faits d’une gravité exceptionnelle » : trois personnes ont été condamnées lundi à de la prison ferme pour avoir exploité et hébergé dans des conditions indignes une cinquantaine de travailleurs, souvent sans-papiers, lors des vendanges 2023 dans le prestigieux vignoble champenois.
« C’est une décision exemplaire, qui tient compte du nombre de victimes, des conditions dans lesquelles elles ont été employées et exploitées », a réagi Maxime Cessieux, avocat des victimes. « C’est assez historique dans le cadre de dossiers de traite dans le monde du travail ».
Les vendanges de 2025 « vont être scrutées à la loupe et personne ne pourra se cacher derrière son petit doigt en disant : “Je ne savais pas, je ne comprenais pas, je ne savais pas qui étaient ces gens qui étaient dans mes vignes” », a-t-il ajouté.
La principale prévenue, dirigeante de la société de prestations viticoles Anavim, également poursuivie pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans autorisation et avec une « rétribution inexistante ou insuffisante », a été condamnée par le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne à quatre ans de prison dont deux ferme avec mandat de dépôt différé.
Deux trentenaires accusés d’avoir participé au recrutement des vendangeurs en Ile-de-France ont été condamnés à un an de prison ferme et à deux et un an de sursis.
Des faits d’une « gravité exceptionnelle »
Le président du tribunal, qui a qualifié les faits d’une « gravité exceptionnelle », a exigé la dissolution de la société Anavim, et condamné une coopérative vinicole de la Marne, la Sarl Cerseuillat de la Gravelle, à une amende de 75.000 euros. Les prévenus devront également verser 4000 euros à chaque victime.
Pour la CGT, le donneur d’ordre n’a pas été suffisamment sanctionné. « Ce que nous demandons, c’est le déclassement des récoltes », qui ne pourraient alors plus être utilisées pour produire du champagne, a déclaré José Blanco, secrétaire général de l’intersyndicat CGT du champagne.
La gérante d’Anavim, originaire du Kirghizistan, avait nié lors de l’audience le 19 juin être à l’origine des conditions d’hébergement des vendangeurs, renvoyant la balle aux deux autres prévenus.
« Ma cliente est la coupable idéale pour une filière qui a longtemps fermé les yeux sur ses propres pratiques. Tout le monde s’achète une virginité à bon compte, sur le dos d’une seule femme », a déploré son avocat Me Bruno Questel. Estimant la décision « injuste », il annoncé qu’il allait faire appel.
Logés « dans un bâtiment abandonné », sans nourriture ni eau
En septembre 2023, l’inspection du travail avait constaté dans l’hébergement mis à disposition des vendangeurs par Anavim à Nesle-le-Repons, au sud-ouest de Reims, des conditions de vie portant « gravement atteinte » à leur sécurité, leur santé et leur dignité. Cet hébergement a ensuite été fermé par la préfecture, qui y avait constaté « des literies de fortune », « l’état répugnant des toilettes, sanitaires et lieux communs » et des installations électriques dangereuses.
« Ils nous mettent dans un bâtiment abandonné, pas de nourriture, pas d’eau, rien du tout. Et puis on nous amène (…) pour faire des vendanges de 5h00 du matin jusqu’à 6h00 du soir », avait témoigné auprès de l’AFP Modibo Sidibe lors du procès.
Une autre victime, Camara Sikou, avait répondu au tribunal qui lui demandait comment ils avaient été traités : « Comme des esclaves ».
« On n’avait même pas imaginé une décision comme ça. Nous sommes très satisfaits que les coupables aient été condamnés et d’être reconnus comme victimes », a réagi l’une des victimes Djakariyaou Kanouté, originaire du Mali.
« Les gens travaillaient vraiment dans de très mauvaises conditions, cette décision est juste », a ajouté Amadou Diallo, 39 ans, originaire du Sénégal.
Le Comité Champagne s’est porté partie civile
Pour la première fois dans un procès sur la question des vendangeurs, le Comité Champagne, qui représente 16.200 vignerons, 130 coopératives et 370 maisons de Champagne, était partie civile.
« Nous nous devions de nous tenir aux côtés des victimes. On ne joue pas avec la santé et la sécurité des saisonniers. On ne joue pas non plus avec l’image de notre appellation », a réagi lundi le Comité.
Quatre personnes récoltant le raisin dans la région sont décédées lors des mêmes vendanges en 2023, marquées par un mois de septembre particulièrement chaud.
Une entreprise prestataire et son gérant seront jugés le 26 novembre à Châlons-en-Champagne, soupçonnés d’avoir hébergé dans des conditions indignes une quarantaine d’Ukrainiens lors de ces mêmes vendanges.