Une espionne chinoise se faisait passer pour une journaliste d’Epoch Times à Taïwan

Des soldats de la marine patrouillent près de la base navale de Tamshui, dans le comté de Taipei, le 13 janvier 2004.
Photo: Sam Yeh/AFP/Getty Images
TAIPEI (Taïwan) — Une espionne chinoise se serait fait passer pour une journaliste du journal Epoch Times dans le but de recruter des officiers militaires et d’obtenir des renseignements sur la sécurité nationale de Taïwan, selon le parquet.
Cette femme, officier du renseignement au sein de la police armée chinoise stationnée dans la province septentrionale du Shanxi, prétendait être journaliste pour le bureau hongkongais d’Epoch Times, indiquent les procureurs taïwanais.
Le chef de bureau du journal a expliqué que l’espionne avait exploité la confiance généralisée dont jouit Epoch Times à Taïwan.
Cette révélation intervient dans un contexte d’interférences croissantes d’acteurs pro-Pékin, qui ont déjà eu recours à des usurpations d’identité pour ternir la réputation du média.
En 2023, l’espionne aurait fait la connaissance d’un ancien officier de la marine taïwanaise, M. Lin, via une application de rencontres. Ce dernier l’aurait ensuite mise en contact avec un officier d’une brigade de missiles navals, M. Tsai. M. Lin, lui-même radié de la marine pour des faits de jeu, servait alors d’intermédiaire, selon les procureurs.
À la recherche de renseignements sur des missiles
La brigade où servaient MM. Tsai et Lin, la Hai Feng Brigade, constitue l’unité taïwanaise spécialisée dans les missiles anti-navires basés à terre.
L’officier chinoise, utilisant les pseudonymes de « Chu Ting » et « Ti Ying » pour dissimuler sa véritable identité, aurait promis à M. Tsai des paiements proportionnés à la valeur des informations transmises. En mai 2023, M. Tsai aurait rempli un formulaire indiquant son unité et son poste. Il aurait ensuite reçu 8.000 dollars taïwanais (environ 260 dollars américains) après transmission du document à Chu Ting, selon l’acte d’accusation du parquet de Taichung.
M. Tsai aurait également emporté des manuels d’exploitation du missile taïwanais Hsiung Feng II, en aurait pris des photos et les aurait envoyées à Chu Ting, recevant en échange 30.000 dollars taïwanais (environ 960 dollars américains), selon les procureurs.
Les autorités taïwanaises précisent que, si les informations divulguées n’étaient pas classées secrètes, elles n’étaient pas publiques pour autant. MM. Lin et Tsai sont poursuivis pour violations de la Loi sur la sécurité nationale et pour corruption.
Dans un communiqué, le ministère taïwanais de la Défense a indiqué que son Bureau des affaires politiques avait été alerté dès juillet 2021, ce qui avait conduit à une enquête inter-agences.
Le ministère précise vouloir poursuivre son travail d’éducation sur la protection des secrets et la prévention de l’espionnage afin de renforcer la « conscience sécuritaire, la défense et le patriotisme » des militaires.
Les soldats taïwanais figurent parmi les cibles principales des agents chinois : en avril dernier, près de 160 personnes soupçonnées d’espionnage avaient été poursuivies, dont 60 % issues de l’armée.
Epoch Times à nouveau visé
Cheryl Ng, porte-parole du bureau hongkongais d’Epoch Times, a fermement condamné la tentative d’usurpation d’identité de l’espionne chinoise, affirmant qu’aucune personne portant les noms cités par les procureurs n’avait jamais été employée au sein du média.
Elle a souligné qu’Epoch Times, réputé pour ses articles indépendants sur la Chine, constitue désormais une marque connue, et que l’espionne avait probablement choisi cette identité pour gagner la confiance du public taïwanais.
Ce n’est pas la première fois qu’Epoch Times est pris pour cible par des acteurs pro-Pékin, qui multiplient leurs efforts pour discréditer la publication.
Fondé en 2000 à Atlanta, avec pour mission de diffuser une information véridique sur la Chine, le média a fait face à d’importantes campagnes de sabotage orchestrées par le régime communiste chinois. Plusieurs de ses premiers reporters en Chine ont été arrêtés et condamnés à des peines allant jusqu’à dix ans de prison.
Des cybercriminels chinois ont récemment mené des campagnes ciblées visant à usurper l’identité du journal Epoch Times et à envoyer des courriels menaçants à divers organismes gouvernementaux et civils à travers le monde, notamment aux États-Unis et à Taïwan.
Début octobre, le média a reçu une enveloppe contenant une poudre blanche destinée à l’intimider.
En mars, le département américain de la Justice a révélé plusieurs attaques menées par des hackers sous contrôle de Pékin visant le journal.
Espionnage via les sites de rencontre et les réseaux sociaux
Wang Ting-yu, député du Parti démocrate progressiste (DPP) au pouvoir à Taïwan, a estimé que cette affaire — notamment la manière dont l’agente chinoise s’est fait passer pour une journaliste — devait susciter une vigilance accrue.
Selon lui, les plateformes de rencontre et les réseaux sociaux constituent désormais des outils privilégiés pour les opérations d’espionnage chinoises.
« Ils utilisent des photos attrayantes et des identités en apparence crédibles pour établir le contact », a déclaré M. Wang dans une vidéo publiée sur sa page Facebook le 12 octobre.
M. Wang a ajouté que cette affaire illustrait parfaitement la méthode de travail des agents du renseignement chinois : « Ils commencent par proposer de l’argent pour obtenir des documents non sensibles, ni secrets, ni illégaux. Cela semble anodin, mais une fois que vous acceptez l’argent et transmettez les documents, même sans gravité, vous êtes pris au piège. Ensuite, il devient difficile de refuser des demandes plus risquées, et vous finissez sous le contrôle du réseau du Parti communiste chinois. »


Frank Fang est un journaliste basé à New York. Il couvre les nouvelles en Chine et à Taiwan. Il est titulaire d'une maîtrise en science des matériaux de l'Université Tsinghua à Taiwan.
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