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Un point de non-retour ? Le rapprochement de l’Espagne avec la Chine aliène de plus en plus ses alliés

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Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'adresse à la Chambre des représentants lors d'une séance plénière du Congrès des députés à Madrid, le 9 juillet 2025.

Photo: JAVIER SORIANO/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 12 Min.

La directrice du renseignement national américain, Tulsi Gabbard, avait lancé un ultimatum à l’Espagne concernant la stratégie géopolitique de Pedro Sánchez : résilier les contrats avec Huawei avant le 31 août ou faire face à une limitation notable du flux de renseignements partagés, un mécanisme vital face à des défis tels que le terrorisme, le crime organisé et les cybermenaces. Cette information a été confirmée par des sources législatives américaines au média ABC.
Cet avertissement reflète l’inquiétude de Washington et de l’OTAN concernant la politique étrangère de Pedro Sánchez, qui semble éloigner l’Espagne de ses alliés traditionnels pour la rapprocher de régimes autoritaires tels que la Chine, la Russie et l’Iran.
Le gouvernement Sánchez a défendu les accords avec Huawei comme étant économiquement avantageux. Cependant, cette dérive, influencée par José Luis Rodríguez Zapatero, menace de marginaliser l’Espagne, comme l’a montré son exclusion d’une récente déclaration commune sur l’Ukraine, un nouveau revers diplomatique qui renforce le sentiment d’isolement.
Madrid est-elle en train d’atteindre un point de non-retour avec ses alliés historiques ?

Huawei : un cheval de Troie du PCC en Espagne ?

 

Image illustrative d’un cheval de Troie aux couleurs du drapeau de la République populaire de Chine. (Créé par Epoch Times Espagne)

Au cœur de la crise, un contrat de 12,3 millions d’euros attribué par le ministère de l’Intérieur espagnol à Huawei pour des serveurs et des services de conseil en matière de stockage des écoutes judiciaires.
Cet accord s’ajoute à d’autres contrats liés à Huawei en Espagne, tels que le déploiement d’infrastructures 5G avec des opérateurs comme Telefónica et Vodafone — qui travaillent ou ont travaillé avec l’entreprise chinoise —, représentant un investissement estimé à 500 millions d’euros.
« Huawei et le PCC pourraient avoir accès, par une porte dérobée, au système d’interception légale d’un allié de l’OTAN, ce qui leur permettrait de surveiller les enquêtes espagnoles sur les espions du PCC et d’autres activités de renseignement », avaient souligné les sénateurs américains Cotton et Crawford à Mme Gabbard le 17 juillet au sujet des contrats conclus par le gouvernement espagnol avec l’entreprise de télécommunications.
Les lois chinoises sur le renseignement national et la sécurité des données obligent Huawei à partager des informations avec le Parti communiste chinois (PCC), un risque signalé par le Centre cryptologique national — organisme dépendant du Centre national du renseignement — en octobre 2024.
« Huawei entretient des liens étroits avec le PCC et est soumis aux lois chinoises sur le renseignement national et la sécurité des données, qui obligent l’entreprise à fournir au PCC l’accès à toute information que ce parti juge nécessaire », avaient indiqué les législateurs américains à ce sujet.

José Zapatero : le cerveau derrière la dérive autoritaire ?

Le président du gouvernement, Pedro Sánchez (au c.), sourit aux côtés de l’ancien président du gouvernement José Luis Rodríguez Zapatero lors du 41e congrès du PSOE au Palais des expositions de Séville, le 30 novembre 2024. (Cristina Quicler /AFP via Getty Images)

La politique étrangère de Pedro Sánchez porte la marque de José Luis Rodríguez Zapatero, ancien chef de gouvernement espagnol (2004-2011), dont la proximité avec les régimes autoritaires a créé un précédent.
M. Zapatero a participé à plusieurs forums et réunions en Chine, plaidant en faveur d’une plus grande intégration avec le régime communiste.
En vue de sa participation à une conférence à Qingdao au mois de juin, le dirigeant socialiste avait été invité par l’Association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger, un groupe d’influence à l’étranger financé par le PCC et dépendant du Département du travail du Front uni, une agence chargée à la fois de promouvoir le soft power de Pékin et de poursuivre la dissidence à l’étranger.
De même, son rôle de médiateur au Venezuela, où il défend le régime de Nicolás Maduro, a été critiqué pour avoir légitimé des violations des droits de l’homme.
« Zapatero est un criminel qui contrôle à la fois la question Huawei et les questions relatives au Venezuela, à la Bolivie, au Hezbollah et au Mexique », affirme sans détour Hermann Tertsch, député européen de VOX.
Dans une interview accordée à Epoch Times Espagne, M. Tertsch soutient que sous « l’énorme influence » exercée par l’ancien président sur l’exécutif actuel, « Sánchez représente une menace pour tout le monde, pour tous les Espagnols, et il l’a démontré au cours de ces sept dernières années ».
« Il est lié à des forces qui sont des ennemis absolus de l’Occident », a-t-il ajouté.
M. Tertsch associe également cette dérive à un environnement favorable au crime organisé : « Le crime organisé d’Amérique latine a fait son entrée en Europe, dont l’Espagne a été le point d’ancrage, et à travers laquelle il a également pénétré l’Union européenne ».
Selon le député européen de 67 ans, ce processus a commencé avec l’arrivée au pouvoir de M. Zapatero en 2004, après les attentats du 11 mars.

La Russie et l’Iran : de nouveaux alliés dans l’ombre ?

L’ouverture de Pedro Sánchez ne se limite pas à la Chine.
José Manuel Albares, ministre des Affaires étrangères, a maintenu des contacts réguliers avec l’Iran, promouvant une « diplomatie ouverte » qui a suscité des critiques au sein de l’Union européenne. Dans un entretien avec Epoch Times Espagne, M. Tertsch a mis en garde contre ces liens, affirmant qu’il a rencontré des responsables de l’administration Trump pour les informer des « dangers » que représente le fait que le gouvernement espagnol entretienne « des relations avec Téhéran, le Hezbollah et le Venezuela ».
Dans ce contexte, l’ambiguïté de la position de l’Espagne face à l’agression russe en Ukraine n’est peut-être pas surprenante, contrastant avec le soutien unanime de l’OTAN, ce qui a attisé les tensions et, dans le cadre du revirement de Madrid en matière de politique étrangère, a provoqué son isolement au sein même de l’organisation transatlantique.
Aucun représentant du gouvernement espagnol n’a participé au sommet qui s’était tenu à Londres avec le vice-président américain JD Vance pour connaître les grandes lignes du plan de paix de Donald Trump pour l’Ukraine (avant que le président américain et son homologue russe Vladimir Poutine se réunissent en Alaska).
La signature du leader du PSOE n’apparaît pas non plus dans la résolution publiée en défense de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, parrainée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avec le soutien des dirigeants du Royaume-Uni (Keir Starmer), de la France (Emmanuel Macron), de l’Allemagne (Friedrich Merz), de l’Italie (Giorgia Meloni), de la Pologne (Donald Tusk) et de la Finlande (Alexander Stubb).
De plus, Pedro Sánchez avait été exclu d’une réunion d’urgence avec Donald Trump, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et la plupart des dirigeants européens, organisée par le chancelier allemand Friedrich Merz.

L’ultimatum

Le logo de Huawei sur son stand au MWC (Mobile World Congress, en français Congrès du monde de la Technologie mobile)), à Barcelone, le 3 mars 2025. (Josep Lago/AFP via Getty Images)

L’ultimatum de Mme Tulsi Gabbard, soutenu par MM. Cotton et Crawford, a placé l’Espagne à la croisée des chemins.
Dans leur lettre du 17 juillet, les sénateurs avaient déclaré que si le contrat entre Huawei et le gouvernement espagnol restait en vigueur, « Huawei et le PCC pourraient avoir accès de manière dissimulée au système d’interception légale d’un pays allié de l’OTAN, ce qui leur permettrait de surveiller les enquêtes espagnoles sur les espions du PCC et d’innombrables autres activités de renseignement ».
Ils ont donc indiqué que, tant que l’Espagne ne prendrait pas de mesures, « le gouvernement américain devrait s’assurer que toute information partagée avec le gouvernement espagnol soit rédigée de manière à ne pas divulguer au PCC des informations qui ne devraient pas l’être ».

Une complicité calculée ?

En Espagne, l’opposition avait réagi avec force. Alberto Núñez Feijóo, leader du Parti populaire (PP), a exprimé son inquiétude, qualifiant d’imprudence le fait que le gouvernement espagnol ait confié à Huawei la gestion d’informations confidentielles de nature policière et intérieure.
Cependant, M. Tertsch a considéré comme  hypocrite l’attitude du PP : « Les accusations portées aujourd’hui contre le Parti socialiste par le Parti populaire sont justifiées, mais elles sont cyniques, car ils ont joué exactement le même rôle, courtisant la Chine et, bien sûr, faisant de la propagande pour Huawei », avait-il souligné.
Le dirigeant de Vox a dénoncé également le rôle de l’agence Acento, dirigée par José Blanco (PSOE) et Alfonso Alonso (PP), qui facilite l’accès de Huawei aux administrations régionales et nationales.

Un avenir incertain pour l’Espagne

La pression exercée par les États-Unis et l’OTAN, ainsi que l’exclusion de l’Espagne des forums clés sur l’Ukraine, témoignent d’un isolement croissant.
Madrid est donc confrontée à un dilemme : réaffirmer son engagement envers le bloc occidental ou consolider son rapprochement avec les puissances autoritaires.