Opinion
Shein : le régime chinois mène une « guerre hybride pour porter atteinte à l’intégrité et à l’unité de la nation », selon André Gattolin
Depuis de nombreuses années, la Chine communiste est accusée de mener une guerre hybride contre les pays démocratiques afin de prendre la tête de l'Ordre mondial.

L'ex-sénateur André Gattolin
Photo: DR
André Gattolin est un ancien sénateur et co-président fondateur de l’Alliance parlementaire sur la Chine (IPAC). À l’occasion du sommet annuel de l’IPAC au Parlement européen le 7 novembre, il revient avec nous sur l’un des aspects de cette guerre hybride, l’utilisation du marché mondial à des fins de domination agressive. Il reprend l’actualité récente liée à Shein, accusée de vendre des produits néfastes pour la population et de faire du tord aux entreprises locales.
NTD : André Gattolin, est ce que vous pourriez nous résumer les raisons de votre présence ici à l’IPAC ?
André Gattolin : Je suis présent à ce sommet de l’IPAC parce que je suis l’un des co-fondateurs de l’IPAC – fondée en Juin 2020. J’en ai été co-président. Depuis que je ne suis plus parlementaire, je ne suis plus membre de l’Assemblée, mais je suis vice président du Conseil des Alumni, c’est-à-dire des anciens, pour continuer le combat.
Le problème avec les parlementaires, c’est que quand ils sont battus, qu’ils ne se représentent pas, ils disparaissent et on a une perte d’expérience et de continuité. Donc je suis là pour assurer entre les origines, le projet que nous avions initialement, la culture acquise, la transmission auprès des nouveaux parlementaires qui nous rejoignent.
Concernant la Chine, en France, l’actualité la plus marquante et la plus récente, c’est Shein. Avez-vous un commentaire à faire sur le scandale autour de Shein ? Est ce que vous pourriez nous parler rapidement de l’entreprise qu’est Shein et de l’actualité récente à ce sujet ?
Ce que montre l’affaire Shein en France, c’est que non seulement c’est une entreprise qui n’a aucun respect des normes sociales, des fonctionnements économiques, mais qui n’a aussi aucun respect des valeurs et des droits sociétaux.
Quand on vend des produits illicites, pédopornographiques au vu et au su de tout le monde, quand on vend des armes à destination, des couteaux, voire d’autres armes, ça montre qu’on n’est pas là pour simplement faire du business « as usual« . On est là pour disrupter, effondrer, casser une société. Et là, c’est très clair.
Dans l’ensemble des grandes entreprises chinoises, il y a cette volonté non pas de devenir le leader selon les règles admises du commerce international, du libéralisme ou du capitalisme. L’idée est d’introduire une dimension offensive, quasi militaire. On pourrait parler de guerre hybride pour vraiment porter atteinte à l’intégrité et à l’unité d’une nation.
Ce que vous dites s’applique aussi à TikTok. Quand on lit les rapports sur TikTok qui ont été produits par la France, on parle aussi de guerre sans restriction, d’interférence volontaire, du fait de publier des contenus néfastes dans le but d’affaiblir une société rivale. Est-ce que vous souhaitez partager votre point de vue à ce sujet ?
Absolument. Alors, TikTok est une autre illustration de cela. Moi, j’avais – en parallèle à la mission que nous avions faite au Sénat il y a à peu près deux ans – j’avais fait ma propre enquête économique, je ne voyais aucune rentabilité pour le réseau social TikTok. Un réseau social, généralement, si vous prenez Facebook ou un autre, c’est assez rapidement rentable… Ça gagne de l’argent au bout de quatre, cinq, six ans.
Là, TikTok, à travers ByteDance, existe déjà depuis de nombreuses années. Ils ont plus de dépenses qu’ils n’ont de ressources. Ils ne vendent pas les données personnelles, et pour cause, ils ne les commercialisent pas parce que la destination, c’est le régime chinois, le Parti communiste chinois.
C’est-à-dire : ficher un maximum de gens. Si vous avez un enfant adolescent, de treize, quatorze ans qui démontre dans des challenges vidéo qu’il a des comportements transgressifs — montrer ses seins, ses fesses, prendre de la drogue, etc. –, cette personne, dans cinq ans, elle sera peut être étudiante à Sciences-Po ou dans une grande école et dans dix ans, elle sera peut être membre d’un cabinet ministériel. Tout ça est stocké. C’est un instrument de contrôle. En s’attaquant à la jeunesse et aux teenagers, aux adolescents, c’est une manière de mettre une partie de la main sur le futur de nos sociétés et c’est extrêmement grave.
Au-delà de ça, il y a la collecte massive de données. On nous dit : « Il n’y a pas transfert de données » mais on a bien vu dans les enquêtes qu’il y avait quand même des informaticiens chinois de ByteDance qui s’introduisaient. Et puis, entre transférer et se faire voler… Vous savez, tous ces systèmes-là, on les appelle des portes dérobées, des backdoors. Si vous laissez la porte ouverte, vous pouvez dire que vous avez été volés, mais enfin vous avez été nuitamment volés.
J’ai soulevé cela plusieurs fois. J’ai demandé au gouvernement français d’établir des règles pour que les grands réseaux sociaux qui sont victimes d’attaques, de cyberattaques, de tentatives de vol de données ou de vol de données massives aies l’obligation de le déclarer aux autorités – et notamment à l’Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques. Pourquoi ? Parce que c’est trop facile de dire : « c’est pas moi qui l’ai fait, c’est un ennemi extérieur qui l’a fait. » Et là-dessus, la capacité de réaction est très faible.
On s’abrite comme toujours derrière des règlements européens. Si vous regardez aujourd’hui la manière dont se font les textes sur le numérique, l’intelligence artificielle, il y a un lobbying que vous recommande la Commission quand vous faites des travaux, qui s’appelle Digital Europe.
Digital Europe, officiellement, c’est un groupe d’industriels européens qui travaillent sur le digital, sur le numérique : qui y trouvez-vous ? Les principaux groupes américains, mais aussi maintenant les principaux groupes chinois, Alibaba… tout le monde est dedans.
Donc quand il s’agit de prendre une décision… Et on l’a vu, quand Donald Trump décide de rehausser les tarifs pour les petits envois postaux qu’utilisent ces plateformes et dont ces plateformes, comme Shein ou Temu, abusent, il augmente de 100 ou 200 %. En Europe, on dit : « Ah, on va augmenter de 5 % d’abord et puis on va voir ce qui se passe. » Tout ça parce que la Commission est sous l’emprise du lobbying de ces organismes.
Moi, j’étais étonné, je me suis révolté quand j’étais parlementaire et que je travaillais sur le numérique, que je venais à la commission, et qu’on me disait : « Rencontrez nos partenaires de digital Europe. » — et j’ai eu un mal fou à savoir qui était à l’époque Digital Europe. Quand j’ai vu ça, je n’ai trouvé pratiquement aucun partenaire, je dirais, fondamental de l’industrie européenne du numérique. C’était uniquement des partenaires étrangers. Ça, c’est une vraie et grande difficulté. Et nous ne nous en méfions pas assez. Et par rapport à laquelle la Chine est aujourd’hui totalement sur la ligne de front.
Aujourd’hui, on s’en prend beaucoup moins, je dirais, au niveau chinois, aux défenseurs des droits de l’homme. Parce qu’ils disent : « Regardez les Etats-Unis, le président Trump ne respecte pas toujours l’État de droit. » Ils s’en prennent aux combats qui ont des conséquences économiques lourdes pour eux, c’est-à-dire le travail forcé, le travail notamment des Ouïghours, ou l’introduction dans la chaîne de valeur d’actions illégales. Ils s’en prennent à ceux précisément qui attaquent TikTok, qui a une sorte d’emprise sur la population, et ils s’en prennent également à ceux qui mettent en cause leurs superprofits à travers les nouvelles plateformes de distribution.
Propos recueillis par NTD
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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