Opinion
« Nous reproduisons le modèle soviétique » : l’avertissement d’un spécialiste espagnol sur la « transition écologique »

Une femme passe devant un immense emblème d'État de l'URSS et des bustes de Vladimir Lénine (à dr.) et Joseph Staline (à g.) dans un parc de sculptures d'histoire moderne à Moscou, le 3 juillet 2025.
Photo: ALEXANDER NEMENOV/AFP via Getty Images
Gerardo Del Caz est ingénieur et contributeur régulier de la Fondation Disenso. Fort d’une longue carrière de consultant et de spécialiste de l’énergie, il est l’un des plus fervents observateurs des conséquences de certaines mesures promues par Bruxelles – et adoptées par le gouvernement espagnol – au nom de la « transition écologique ».
Dans cette interview accordée à Epoch Times Espagne, M. Del Caz s’exprime sur la directive controversée de l’Union européenne qui, à partir de 2030, empêchera la vente ou la location de logements jugés inefficaces sur le plan énergétique.
Même si cette disposition reste largement méconnue des citoyens, son impact sera profond, tant sur le marché immobilier que sur les droits de propriété.
« Ce qui est promu en Europe, c’est une restriction de la propriété privée et un étranglement du marché immobilier », prévient M. Del Caz. Il va plus loin : selon lui, ces politiques répondent à un modèle idéologique qui vise à réduire l’accès au logement des citoyens ordinaires et à concentrer le marché immobilier entre les mains des grands propriétaires fonciers.
Au cours de l’entretien, l’ingénieur démonte les arguments environnementaux qui soutiennent cette réglementation et dénonce la manière dont, sous couvert d’efficacité énergétique, on impose un contrôle accru sur la vie et la liberté individuelles.
Epoch Times : Quelle est cette mesure de l’Union européenne qui empêchera la vente ou la location de logements à faible inefficacité énergétique à partir de 2030, et que de nombreux Espagnols ignorent ?
M. Del Caz : Cette mesure consiste à limiter les droits de propriété individuels sur certains biens immobiliers en fonction de leur cote énergétique.
Cette classification énergétique, obligatoire depuis plusieurs années, classe les différents biens immobiliers selon des critères tels que l’isolation et la consommation énergétique. Les catégories vont de A à F ou G, selon l’efficacité énergétique.
Ainsi, sous couvert de cette catégorisation et de ce prétendu bénéfice pour l’environnement, ce que l’Europe promeut est une restriction de la propriété privée et un étranglement du marché immobilier.
Ces objectifs ne visent pas à sauver la planète ni à préserver l’environnement, car il s’agit véritablement, comme on dit en Espagne, de « chocolat pour perroquet ». L’impact global est minime, c’est ridicule. Ils permettent plutôt à l’État de rendre acceptables ou digestes certaines mesures qui limitent les droits de propriété privée des citoyens et des entreprises.
Si cette mesure ne vise pas à améliorer l’efficacité énergétique et à contribuer à la protection de l’environnement, porte-t-elle réellement atteinte à la propriété privée ? Quelle en est la raison profonde ?
La question est de savoir si les domaines et les sphères de liberté individuelle et le droit à la propriété privée sont élargis ou restreints. Or, c’est bien ce qui se passe en Europe, notamment en Espagne, ces dernières années.
Ce n’est un secret pour personne que le gouvernement actuel est confronté à un problème immobilier. Les prix des biens immobiliers, qu’ils soient à l’achat ou à la location, qu’ils soient destinés à l’habitation ou à des fins commerciales, continuent d’augmenter.
Ainsi, si les prix augmentent, la solution classique consisterait à augmenter l’offre. Or, la solution recherchée ne se limite pas à cette voie, mais plutôt à limiter les prix et les droits, par exemple en interdisant la location de logements à court terme. Or, il s’agit là d’une utilisation privée d’un bien immobilier.
Puisqu’aucun gouvernement au monde ne peut prétendre qu’une restriction des droits est positive, de nombreuses justifications apparaissent. Ainsi, si cette restriction est présentée sous couvert de protection de l’environnement, d’amélioration de la qualité de vie, d’amélioration de la santé et de bien commun, alors ces mesures pourraient être plus acceptables pour les citoyens eux-mêmes.
Mais la réalité a montré autre chose. Lorsque des problèmes de logement se sont posés, la solution n’a pas consisté à limiter les prix ou les droits de propriété, car il s’ensuit une pénurie et une limitation accrues, un rétrécissement du marché, qui se traduit par des prix de plus en plus élevés.
Ce que l’on constate, a priori, c’est que si une crise du logement est déjà en cours et que de nouvelles exigences sont imposées pour accéder au marché, et que ces exigences impliquent un investissement – au moins quelques milliers d’euros – pour rénover son logement et passer de la catégorie G à la catégorie E, par exemple, cet investissement se répercutera ensuite sur la valeur du bien, qu’il soit vendu ou loué. Autrement dit, les loyers et les ventes finiront-ils par coûter encore plus cher ?
Exactement. L’Europe traverse une période de transition : les sociétés traditionnellement fondées sur le concept de propriété privée par de petits propriétaires évoluent vers un environnement où il y a moins de propriétaires, mais beaucoup plus importants, et où une multitude de personnes n’ont pas accès au logement.
La décision d’un gouvernement, libéral ou favorable à la propriété privée, devrait faciliter l’accès à la propriété. Or, ce n’est pas le cas en Europe, et particulièrement en Espagne.
L’objectif est de rendre l’accession à la propriété de plus en plus onéreuse et difficile pour les petits propriétaires. Ce n’est pas le cas des fonds d’investissement, ni des grands propriétaires. Ce problème ne les concerne pas. Ils disposent d’un parc immobilier composé de nombreux appartements et de nombreuses propriétés, où d’importantes économies d’échelle leur permettent, d’une part, de choisir leurs actifs beaucoup plus librement qu’un simple citoyen. D’autre part, cela leur permet de réduire considérablement les coûts de transformation et de rénovation de leurs logements par rapport à ceux d’un particulier.
Un modèle qui existait déjà en Union soviétique est en train d’être reproduit : celui de pénaliser la propriété privée de sorte que le propriétaire soit pratiquement vu comme quelqu’un à qui l’on peut imposer successivement diverses charges et différents coûts, car fondamentalement, on part du principe que si vous êtes propriétaire, vous êtes automatiquement riche, vous êtes puissant, et le gouvernement se doit de défendre ceux qui n’ont pas ce patrimoine.

Gerardo del Caz, ingénieur, consultant et collaborateur de la Fondation Disenso. (Crédit photo Gerardo del Caz)
En effet, les logements neufs peuvent présenter certaines caractéristiques conformes à ces nouvelles réglementations, mais la grande majorité – je crois que c’est environ 80 % des logements en Espagne – ne disposent pas d’isolation des fenêtres ni d’autres nouvelles technologies. Ces mesures portent donc clairement préjudice aux plus démunis.
C’est bien ça. C’est le même principe qui a été appliqué aux véhicules à essence et diesel. La population est condamnée à devoir acheter des véhicules électriques, beaucoup plus chers et accessibles à une minorité. La réalité est que le parc automobile vieillit de plus en plus. Les nouvelles générations n’aspirent plus à posséder une voiture. Elles y renoncent, sachant que ce sera hors de portée compte tenu de leur niveau de vie.
Le même phénomène se produit avec le logement, mais de manière plus subtile. Le pire, c’est qu’ils n’en parlent pas. C’est une question sournoise et cachée. En réalité, l’accès au logement devient de plus en plus difficile. On s’accorde peu à peu à dire que l’accès au logement doit se faire par la location et les aides publiques. À terme, on accepte que le logement passe aux mains de grands propriétaires, qui ne seront même pas des particuliers, mais plutôt des fonds d’investissement, des banques ou d’autres types de structures de propriété qui ne font pas partie du paysage traditionnel actuel.
En Espagne, par exemple, et permettez-moi de m’écarter du sujet, 80 % des familles étaient propriétaires de leur logement. Pourquoi ? Parce que culturellement, en Espagne, la tendance à être propriétaire a toujours existé. C’est un élément profondément ancré dans la culture, surtout en Europe du Sud. En Europe du Nord, le concept est différent : les logements appartiennent à des coopératives, où l’individu n’est pas propriétaire d’un bien, mais possède une part dans un immeuble qui lui donne le droit de l’utiliser. Mais la propriété privée, en tant que telle, n’est pas aussi étroitement liée à ce qu’elle est en Espagne.
C’est ce que, de mon point de vue, le gouvernement actuel, en partie protégé par la législation européenne, promeut. Le pire, c’est qu’il ne le fait pas ouvertement et ne communique pas ces principes au public, sachant qu’ils sont contestables. Il le fait plutôt en tentant de promouvoir l’efficacité énergétique.
Il s’agit évidemment d’une excuse et d’un canular. En réalité, l’objectif est d’exclure du marché de la location, de la vente et de l’achat des milliers de biens qui pourraient jouer un rôle sur ce marché aujourd’hui, mais qui en seront automatiquement exclus à l’avenir.
Pensez-vous que cette mesure sera pleinement mise en œuvre d’ici 2030, ou pourrait-elle être bloquée par des moyens légaux, par exemple, comme c’est le cas pour les zones à faibles émissions ?
Je vois deux tendances contraires.
Dans le cas de l’Espagne, je dois vous dire que je suis pessimiste parce que les limitations et l’animosité envers la propriété privée, traditionnelles parmi les partis de gauche qui gouvernent actuellement l’Espagne, s’ajoutent à l’inaction ou à la lâcheté – je ne sais pas comment l’appeler – du principal parti qui représente l’alternative.
Donc, dans le cas de l’Espagne, mon point de vue est extrêmement pessimiste parce que – comme l’a dit Chesterton – les partis conservateurs s’efforcent de maintenir les erreurs commises par la gauche.
De plus, tous ces problèmes de limitation de la propriété privée et de subordination de la liberté individuelle à de prétendus avantages environnementaux aboutissent à des chiffres économiques véritablement épouvantables pour l’Europe.
Si l’on compare les performances économiques du continent à celles des États-Unis ou de certains pays d’Asie ou du Moyen-Orient, force est de constater que les résultats ne sont pas bons. L’accent a été mis sur certaines mesures prônées par les écologistes, qui ont entraîné une dégradation des performances économiques, avec une hausse des prix, du chômage, une perte de compétitivité et, surtout, une restriction de la propriété privée.
Cependant, d’autres tendances se dessinent en Europe. Je vois le cas de l’Italie avec Giorgia Meloni, et d’autres pays comme la Pologne et la Hongrie, où, pour d’autres raisons, cette voie n’est pas suivie. En France, avec les prochaines élections, un changement politique est probable. En Allemagne aussi. J’ai donc bon espoir que cette situation s’arrange en Europe.
L’Europe est confrontée à un dilemme : poursuivre sur la voie actuelle ou inverser la direction prise par ce paquebot. Espérons que ce soit la deuxième option.
Enfin, quel message souhaitez-vous adresser aux citoyens espagnols qui viennent d’apprendre l’existence de cette mesure ?
Je dirais à mes concitoyens qu’il faut faire attention et que les idées et les actions ont des conséquences.
La réalité est que nous perdons progressivement notre liberté et notre pouvoir d’achat depuis des décennies. Des choses qui étaient accessibles aux générations de nos parents, comme posséder une ou deux maisons, une voiture ou partir en vacances, deviennent peu à peu des luxes et des privilèges que seuls quelques-uns peuvent s’offrir, car cette liberté et cette possibilité sont soumises à certaines conditions environnementales.
Nous devrions opter pour des alternatives politiques qui soient contraires à cette action et à cette perte de liberté individuelle.
Le problème est qu’aujourd’hui nous n’avons pas d’ennemi avec un marteau, une faucille et une étoile rouge, et que nous pouvons facilement identifier au communisme et à ses principes immoraux et dangereux.
Ce à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui, ce sont des idéologies déguisées en écologisme, en tolérance et en protection de la planète, mais la réalité est que le but ultime est toujours de limiter la liberté individuelle.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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