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Les risques chimiques des parcs offshore d’éoliennes révélés par une étude - mais Berlin maintient le cap

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Un champ avec des éoliennes se profilant au loin, à Geer, le 7 mai 2025.

Photo:  : Eric Lalmand/Belga Mag/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 10 Min.

L’éolien occupe une place clé dans la transition énergétique. Plus de 30.800 grandes éoliennes produisent déjà de l’électricité en Allemagne. Un peu plus de 1600 d’entre elles sont implantées en mer.
Une étude internationale, dirigée par l’Office fédéral de la navigation et de l’hydrographie allemand (BSH), pourrait cependant tempérer cet élan. Les chercheurs, sous la direction de Dr Elena Hengstmann, cheffe d’étude, ont recensé 228 substances chimiques pouvant être rejetées par les éoliennes offshore dans leur environnement marin.
C’est ce qu’ont révélé des recherches documentaires menées en collaboration avec l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer et l’Institut belge pour la recherche agronomique, la pêche et l’alimentation.
Des émissions liées à la protection des structures
Parmi ces substances figurent principalement des composés utilisés dans les systèmes de protection contre la corrosion. Ils représentent environ 70 % des produits libérés. S’y ajoutent à hauteur d’environ 10 % des huiles et lubrifiants nécessaires au fonctionnement. Des fluides de refroidissement et des agents extincteurs peuvent également se retrouver dans l’environnement.
La majorité – 64 % – des substances identifiées sont des composés organiques, suivis des substances inorganiques (19 %). Parmi les 228 substances relevées, 62 sont considérées comme particulièrement pertinentes pour l’environnement, c’est‑à‑dire potentiellement nocives. Cela tient au fait qu’elles figurent sur des listes prioritaires, comme celles de l’Agence européenne des produits chimiques ou de la directive-cadre sur l’eau, qui évaluent les substances selon leur impact écologique.
Selon le BSH, ces substances peuvent être potentiellement toxiques, persistantes, perturbatrices du système endocrinien, cancérogènes ou susceptibles de s’accumuler dans la chaîne alimentaire. La quantité effectivement libérée par les parcs éoliens offshore et les conséquences de ces émissions sur l’environnement marin doivent faire l’objet d’études plus approfondies. Ces données sont nécessaires pour la protection de la mer et une exploitation durable.
Des anodes sacrificielles pour protéger l’acier
Pour protéger les structures en acier contre la corrosion, les concepteurs utilisent des anodes sacrificielles. Ce procédé électrochimique préserve la structure en transférant la corrosion à l’anode, qui s’use avec le temps. Les anodes sont principalement composées d’aluminium et de zinc, mais contiennent aussi du plomb et du cadmium – ainsi que de faibles quantités de mercure, de nickel et de manganèse. Lorsque ces anodes se dégradent, ces substances se retrouvent dans la mer.
Dr Elena Hengstmann a souligné : « Notre étude bibliographique fournit une base importante pour détecter à un stade précoce les émissions de substances provenant des parcs éoliens offshore. »
Une violation de la loi sur les énergies renouvelables ?
En tant qu’élément de la transition écologique, les éoliennes doivent produire de l’électricité « dans l’intérêt de la protection du climat et de l’environnement ». Leur développement doit notamment se faire « de manière compatible au respect de l’environnement », exige la loi sur les énergies renouvelables (EEG) pour la transition énergétique allemande.
Au regard des éléments de cette étude, la question se pose de savoir dans quelle mesure une poursuite du déploiement — et de l’exploitation — des parcs éoliens offshore est justifiable.
Objectifs de développement maintenus par le ministère de l’Énergie
Le ministère fédéral de l’Économie et de l’Énergie (BMWE) a pour sa part une position claire. Dans un échange avec Epoch Times, le porte‑parole Tim‑Niklas Wentzel a indiqué que les nouveaux résultats n’affecteraient pas la transition énergétique en cours. « L’étude n’a pas d’impact sur les objectifs de développement du gouvernement fédéral », a‑t‑il déclaré.
Le ministère justifie sa réponse en invoquant la position de l’Allemagne « en comparaison internationale » comme « pays pionnier ». Le BSH cite également ce point. M. Wentzel a expliqué : « Les décisions de planification et d’autorisation pour les parcs éoliens offshore, en vertu des dispositions de la loi sur l’énergie éolienne en mer (WindSeeG), sont prises par le BSH seulement si, entre autres, l’environnement marin n’est pas mis en danger. » L’article 1, paragraphe 1, numéro 4 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, visant à prévenir la « pollution de l’environnement marin », revêt une importance particulière.
Selon M. Wentzel, si un exploitant souhaite installer une éolienne en mer du Nord ou en mer Baltique allemande, il doit « dès la phase de planification soumettre un concept d’émissions à l’Office fédéral de la navigation maritime et de l’hydrographie ». Ce document doit décrire les émissions possibles et les mesures visant à les éviter ou à les réduire.
L’Office fédéral de l’environnement renvoie à son propre rapport de base
Le fait que les parcs éoliens offshore puissent déverser des substances potentiellement nocives n’est pas une nouveauté pour le gouvernement fédéral. Le ministère de l’Économie et de l’Énergie comme l’Office fédéral de l’environnement (Umweltbundesamt, UBA) affirment en être informés.
L’UBA n’a toutefois pas apporté de réponses précises à nos questions : « Quel impact sur le paysage marin ? », « Ces polluants peuvent‑ils pénétrer dans notre chaîne alimentaire (poissons) ? » ou « Quelles conséquences pour le développement futur de l’éolien ? »
Andrea Weiß, porte‑parole de l’agence, a renvoyé vers un rapport de l’UBA destiné à l’industrie et aux autorités d’autorisation, publié en avril 2024. Les conclusions de ce rapport auraient été intégrées à la nouvelle étude du BSH dirigée par Mme Hengstmann et ses collègues.
La question concernant les éoliennes terrestres reste quant à elle sans réponse. Alors qu’il existe 1639 éoliennes offshore, environ 29.900 turbines terrestres produisent de l’électricité. Même si celles-ci ne sont pas équipées d’anodes sacrificielles, elles peuvent générer environ 100 kg d’abrasion de différents matériaux par an et par installation.
Des solutions disponibles, mais non contraignantes
Face à l’expansion de l’éolien en mer, le BSH juge essentiel de surveiller les émissions de substances et d’étudier leurs effets sur l’environnement marin. Il estime également que ces émissions devraient être réduites par l’emploi de matériaux et de techniques plus respectueux de l’environnement.
L’étude montre par ailleurs que certaines émissions pourraient être techniquement évitées. Des alternatives existent : systèmes de protection contre la corrosion différents, circuits de refroidissement fermés ou fluides opérationnels biodégradables.
Cependant, selon le BSH, les normes sectorielles, comme celles utilisées dans le transport maritime, font défaut. L’étude recommande donc l’élaboration de directives techniques contraignantes applicables lors de l’autorisation et de l’exploitation des parcs éoliens offshore.
Les réglementations au niveau national et international
L’étude compare également la réglementation des émissions chimiques des parcs éoliens offshore aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne. Les approches diffèrent considérablement et une réglementation exhaustive fait actuellement défaut. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les autorités évaluent les aspects environnementaux lors de la procédure d’autorisation, en tenant compte des substances chimiques potentiellement rejetées.
La BSH fixe des exigences techniques et environnementales contraignantes pour les projets offshore en Allemagne. Celles-ci incluent l’élimination des déchets, la protection contre la corrosion, la gestion des eaux usées et l’emploi de systèmes de refroidissement ou d’extinction. Par exemple, les anodes à base de zinc pour la protection contre la corrosion sont interdites dans les eaux territoriales allemandes, tout comme les revêtements pour le contrôle de l’encrassement contenant des biocides.
L’Office fédéral de la navigation maritime a demandé que ces directives s’appliquent non seulement au niveau national, mais soient aussi adoptées au niveau international. Après tout, les émissions de substances provenant des éoliennes offshore se propagent au-delà des frontières dans le milieu marin. Par conséquent, les différentes parties prenantes devraient être impliquées dès à présent afin de garantir une mise en œuvre rapide des directives.
Maurice Forgeng est spécialisé dans les questions liées à la transition énergétique. Il a acquis une expertise dans le domaine des énergies renouvelables et du climat et possède une formation en génie énergétique et en technique du bâtiment.

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