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Les élèves devraient lire des livres entiers, pas seulement des extraits

Dans de nombreuses écoles nord-américaines, la lecture de livres complets se raréfie au profit d’extraits. Une dérive qui affaiblit la pensée critique et le niveau général des élèves.

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Photo: Drazen Zigic/Shutterstock

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Durée de lecture: 5 Min.

Imaginez demander à un critique de cinéma s’il a vu le dernier blockbuster qu’il vient de commenter. « Non, répond-il, mais j’ai regardé la bande-annonce de deux minutes, c’est tout aussi bien que de voir le film en entier. » Il explique ensuite qu’il n’a pas le temps de visionner des films complets, mais qu’il compense largement en regardant une grande variété de bandes-annonces.
Faut-il faire confiance à un tel critique ? Sans doute pas. Alors pourquoi accepter que l’école minimise l’importance de lire des livres entiers ?

Une tendance qui gagne du terrain

Selon un récent article d’Education Week, il devient de plus en plus rare que les élèves nord-américains lisent des ouvrages complets en classe. Les enseignants privilégient des chapitres isolés ou des articles. Après tout, pourrait-on objecter, à quoi bon lire une pièce entière de Shakespeare, Roméo et Juliette par exemple, alors qu’un résumé de dix pages paraît suffisant ?
Sauf que non. En n’assignant pas de livres entiers aux élèves, les enseignants les privent des avantages pédagogiques liés à l’étude approfondie d’un seul texte pendant une période prolongée. Si l’on souhaite que les élèves développent de réelles capacités d’analyse, ils doivent lire des œuvres intégrales, pas seulement des extraits. Car réfléchir exige du temps ; certaines notions ne se saisissent pas en moins d’une heure.

Le tournant pédagogique de la Colombie-Britannique

Même si l’article d’Education Week se concentre sur les écoles américaines, la situation n’est guère différente au Canada, particulièrement en Colombie-Britannique. En 2016, la province a introduit un nouveau programme scolaire censé mettre « davantage l’accent sur une compréhension approfondie des concepts et l’application des processus que sur la mémorisation de faits isolés ».
Autrement dit, la Colombie-Britannique s’est éloignée d’un curriculum riche en savoirs pour adopter une approche centrée sur les compétences dites essentielles. Plutôt que de garantir un socle commun de connaissances à tous les élèves, les enseignants disposent désormais d’une grande liberté pour choisir ce qu’ils enseignent.

Des contenus appauvris et une trop grande latitude

L’impact dévastateur de cette approche se manifeste notamment dans les guides pédagogiques de sciences sociales, de qualité médiocre, qui contiennent très peu d’informations factuelles sur l’histoire du Canada. Plus préoccupants encore : les guides d’anglais (ELA). Leur formulation est si vague qu’ils ne mentionnent aucun ouvrage ni auteur que tous les élèves doivent étudier.
Cela ne signifie pas qu’aucun élève de Colombie-Britannique ne lit un livre entier en classe d’anglais. La liberté pédagogique permet à un enseignant de conserver une approche traditionnelle et de faire lire plusieurs romans par an. Mais cette même liberté implique qu’aucune obligation n’existe. Un enseignant qui se limite à un assemblage d’extraits, de nouvelles et de romans graphiques reste parfaitement en conformité avec le programme. Pour être franc, il serait même possible d’atteindre la plupart des objectifs en multipliant les saynètes de marionnettes durant le semestre.

Le besoin de standards clairs

Le problème réside dans le manque de précision des programmes scolaires, qui permet aux enseignants d’enseigner ce qu’ils souhaitent. Au lieu de leur fournir des objectifs vagues qu’ils peuvent atteindre avec quasiment n’importe quel contenu, il leur faut des programmes scolaires qui définissent clairement les normes académiques et les contenus spécifiques que tous les élèves doivent maîtriser.
Les écoles indépendantes ne sont pas épargnées : pour recevoir un financement public, elles doivent suivre les mêmes programmes provinciaux. Imposer un programme scolaire de qualité inférieure aux écoles indépendantes est un moyen infaillible de faire encore baisser la qualité du système éducatif de la Colombie-Britannique. Et les résultats des élèves de Colombie-Britannique en lecture, en sciences et en mathématiques, mesurés par le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), reculent depuis plus de dix ans.

Retrouver la lecture intégrale

Maintenir cette approche défaillante serait une erreur. De même qu’il est absurde de ne regarder que la bande-annonce d’un film avant de le commenter, il est ridicule d’encourager les enseignants à se contenter d’extraits de romans et de nouvelles dans leurs cours d’anglais et de français. Il est temps que les élèves de la Colombie-Britannique, et ailleurs, recommencent à lire des livres entiers. Le maigre enseignement qu’on leur propose actuellement est tout simplement insuffisant.
Michael Zwaagstra est chercheur de haut niveau à l’Institut Fraser.