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Un géant indien de l’énergie réduit ses importations de pétrole russe après l’appel de la ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, à la vigilance sur les chaînes d’approvisionnement
Lors d’une visite diplomatique en Inde, Penny Wong a également évoqué le rôle régional majeur de la Chine.

La ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, répond aux questions lors d’une commission du Sénat à Canberra, Australie, le 7 octobre 2025.
Photo: Hilary Wardhaugh/Getty Images
L’un des plus grands raffineurs privés indiens a cessé d’acheter du pétrole brut russe, à peine un jour après que la ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, a publiquement exhorté New Delhi à garantir que ses chaînes d’approvisionnement ne soutiennent pas indirectement la guerre menée par Moscou en Ukraine.
Reliance Industries (RIL), premier importateur indien de brut russe, a confirmé qu’il mettait fin aux expéditions de brut d’origine russe à sa raffinerie exportatrice de Jamnagar.
Mme Wong, en visite en Inde pour des discussions au plus haut niveau, a fait part de ses inquiétudes concernant l’entrée en Australie de carburant russe raffiné dans des pays tiers.
Dans un communiqué largement relayé par la presse indienne, RIL a précisé avoir stoppé l’utilisation de brut russe dans sa raffinerie de zone économique spéciale à compter du 20 novembre, en anticipant les restrictions européennes.
« À partir du 1er décembre, tous les produits exportés par la raffinerie SEZ proviendront de pétrole non russe », a annoncé le groupe dans un communiqué publié par The Indian Express, ajoutant que cette transition avait été réalisée plus tôt que prévu.
Reliance exploite le plus grand complexe de raffinage au monde et représente environ la moitié du volume total de brut russe importé par l’Inde.
Penny Wong salue ce changement
Penny Wong a aussitôt salué la décision, la qualifiant de conforme au régime de sanctions australien et à la position morale adoptée sur l’Ukraine.
« L’Australie a imposé des sanctions très strictes et d’autres mesures commerciales… pour interdire l’importation, l’achat ou le transport de pétrole provenant ou originaire de Russie », a-t-elle rappelé.
« Nous considérons que la guerre en Ukraine est à la fois illégale et immorale, et contraire aux intérêts de la communauté internationale comme à ceux de notre pays. »
La ministre a souligné que les Australiens attendent des entreprises qu’elles s’assurent que leurs chaînes d’approvisionnement ne soutiennent pas, même involontairement, l’invasion russe.
« Dans ce contexte, je tiens à saluer l’implication positive de Reliance Industries et les décisions qu’ils ont annoncées, » a-t-elle ajouté.
Cette annonce intervient après une analyse parue plus tôt cette année, révélant que l’Australie était devenue, sans le vouloir, l’un des plus grands acheteurs indirects de combustibles d’origine russe : plus de 3,7 milliards de dollars de carburant raffiné en Inde et en Turquie ont été importés, alors que le pays a versé 1,5 milliard de dollars d’aide à l’Ukraine.
Interrogations sur la Chine
Le déplacement de Mme Wong a par ailleurs ravivé le débat national en Australie, des journalistes indiens l’interrogeant sur la Chine et sa place dans la hiérarchie des menaces sécuritaires.
« La Chine a un rôle prépondérant dans le monde, et dans la région », a-t-elle jugé, précisant que l’Inde était la première à le comprendre.
L’Australie, a‑t‑elle poursuivi, souhaite maintenir une relation « qui permette la coopération… tout en continuant de protéger et d’affirmer nos intérêts nationaux. »
Interrogée sur une éventuelle action militaire australienne en cas d’offensive de Pékin contre Taïwan, Mme Wong a refusé de se projeter dans des hypothèses.
« Je ne crois pas qu’aucun ministre des Affaires étrangères veuille répondre à des hypothèses, » a-t-elle déclaré. « Ce que je peux vous dire, c’est… que nous refusons tout changement unilatéral du statu quo. »
L’Australie cultive une ambiguïté stratégique sur la question taïwanaise, excluant d’annoncer publiquement un soutien militaire en cas d’agression chinoise.
Si Canberra reconnaît le principe d’une seule Chine et ne considère pas Taïwan comme un État souverain, elle entretient cependant des relations non officielles, commerciales et culturelles, avec Taipei.
Mme Wong a aussi dû évoquer les liens économiques sino-australiens, après la parution d’une étude classant l’Australie parmi les dix principaux destinataires d’investissements chinois — ce qui relance le débat sur le délicat équilibre entre protection des intérêts nationaux et interdépendance économique.
« Nous avons clairement indiqué au monde des affaires australien que nous voulons continuer à encourager la diversification. L’Inde y joue un rôle majeur, tout comme l’Asie du Sud‑Est », a affirmé Mme Wong.
Cette déclaration survient une semaine après l’avertissement solennel du directeur de l’ASIO, Mike Burgess, confirmant que les hackers liés à l’État chinois sont passés de l’espionnage pur aux actes de sabotage, ciblant spécifiquement les infrastructures australiennes majeures.
M. Burgess a estimé à 12,5 milliards de dollars le coût annuel de l’espionnage et des ingérences étrangères pour l’économie australienne, citant les groupes chinois Salt Typhoon et Volt Typhoon parmi les principaux auteurs de ces attaques.
Tensions croissantes en mer
Les échanges ont enfin abordé le risque d’escalade en mer de Chine méridionale.
« Nous redoutons tous la possibilité d’une montée des tensions dans notre région, » a concédé Mme Wong.
« Cela peut aussi venir de malentendus quant à la signification ou à l’intention stratégique derrière le comportement de l’autre. »
Mme Wong a mis en avant la coopération de l’Australie avec l’ASEAN pour la prévention des conflits, comprenant notamment le renforcement du dialogue militaire afin d’éviter toute escalade incontrôlée.
La ministre réagissait à un incident récent : un chasseur chinois a récemment tiré des leurres très près d’un avion australien P‑8A au‑dessus de la mer de Chine méridionale — un acte immédiatement signalé par le Premier ministre Anthony Albanese auprès de Pékin.
Depuis, l’Australie a rejoint des patrouilles maritimes conjointes avec les États‑Unis, les Philippines et la Nouvelle-Zélande afin de défendre la liberté de navigation dans ces eaux disputées.

Naziya Alvi Rahman est une journaliste de Canberra qui couvre les questions politiques en Australie. Elle peut être contactée à l'adresse Naziya.Alvi@EpochTimes.com.au.
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