Le gang Tren de Aragua débarque en Espagne : démantèlement de sa première cellule criminelle, 13 arrestations
Opération Interciti II : la révélation de la hiérarchie d'un gang né dans les prisons vénézuéliennes et de sa tentative d'implantation en Espagne par le trafic de tusi et de cocaïne.

(PHOTO D'ARCHIVES) Des policiers et des douaniers espagnols posent à côté de paquets de cocaïne découverts dans un conteneur en provenance d'Équateur, lors d'une conférence de presse de la police au port d'Algésiras, dans le sud de l'Espagne, le 6 novembre 2024.
Photo: JORGE GUERRERO/AFP via Getty Images
Dans une opération sans précédent, les agents de la Police nationale espagnole ont arrêté 13 personnes soupçonnées d’appartenir à une cellule du Tren de Aragua, organisation criminelle transnationale originaire du Venezuela.
Les détails de l’opération ont été communiqués dans un communiqué de presse de la Police nationale le 7 novembre.
La Police nationale a saisi une importante quantité de stupéfiants, des téléphones portables et des documents révélant des ramifications internationales.
Mandat d’arrêt international
Les arrestations ont eu lieu à Barcelone (8), Madrid (2), Gérone (1), La Corogne (1) et Valence (1), lors de cinq perquisitions domiciliaires qui ont permis la saisie de drogues de synthèse, de cocaïne, d’une culture de cannabis en intérieur, de deux laboratoires de production de tusi (cocaïne rose) et d’une arme prohibée.
Cette opération, baptisée deuxième phase de l’Opération Interciti, marque le premier démantèlement complet d’une structure du Tren de Aragua en Espagne.
L’enquête a débuté l’année dernière suite à l’arrestation à Barcelone du frère du chef international du réseau, Héctor Rusthenford Guerrero Flores, alias « Niño Guerrero », recherché en vertu d’un mandat d’arrêt international pour des crimes incluant le terrorisme et le trafic d’armes.
L’opération a bénéficié du soutien de la Police nationale colombienne et du projet AMERIPOL-EL PACTO 2.0 de l’Union européenne, soulignant la dimension transnationale de la menace.
Une structure hiérarchisée dédiée au trafic de stupéfiants
Selon la police, les personnes arrêtées formaient un réseau où les rôles étaient clairement définis : un chef et un lieutenant dirigeaient deux sous-structures spécialisées dans la fabrication de tusi (un type de cocaïne) dans des résidences privées, ainsi que dans le stockage et la distribution de cocaïne à l’échelle nationale.
Le Tribunal central d’instruction n° 6 de l’Audience nationale, en charge de l’affaire, a ordonné la détention provisoire de quatre des personnes arrêtées.
Origines dans une prison vénézuélienne
Le gang Tren de Aragua a émergé au Venezuela vers 2005 dans la prison de Tocorón, dans l’État d’Aragua. Il est issu d’un syndicat de cheminots qui extorquait des entreprises de construction.
La construction de la ligne ferroviaire a été interrompue en 2011, mais le groupe a consolidé son pouvoir en 2013 sous la direction de « Niño Guerrero », qui a transformé Tocorón en une véritable plaque tournante, dotée de piscines, de boîtes de nuit et exerçant un contrôle total.
Depuis 2018, le Tren de Aragua s’est étendu le long des routes migratoires vénézuéliennes, s’implantant en Colombie, au Pérou, au Chili et dans d’autres pays.

La police péruvienne procède au transfert de plusieurs membres de l’organisation criminelle Tren de Aragua à Lima le 5 octobre 2023. (Cris Bouroncle/AFP via Getty Images)
Le gang est impliqué dans des meurtres, des extorsions, le trafic d’armes, la traite des êtres humains et le trafic de stupéfiants.
Aux États-Unis, il a été désigné comme organisation terroriste étrangère en février 2025 par le Département d’État, à la suite de mesures similaires prises au Canada et en Équateur.
Des experts comme Joseph M. Humire, directeur exécutif du Center for a Secure Free Society, ont averti devant le Congrès américain que « le Venezuela, de concert avec la Russie, la Chine, Cuba et l’Iran, a cherché à tirer profit de la crise migratoire et frontalière américaine en instrumentalisant le gang Tren de Aragua pour semer le chaos et déstabiliser le pays ».
Un informateur anonyme a déclaré à Epoch Times que le dirigeant vénézuélien Nicolás Maduro utilise ce gang « pour affaiblir les nations voisines par la criminalité et l’instabilité ».
La Maison-Blanche a qualifié ces activités d’« invasion » étrangère orchestrée par le régime du président Maduro.
Alerte en Espagne
Suite à l’arrestation du frère de « Niño Guerrero » à Barcelone, la Police nationale a créé une cellule spéciale ad hoc pour lutter contre la présence du gang Tren de Aragua en Espagne.
En juin, un tueur à gages recherché par le Pérou a été arrêté à Madrid, bouclant ainsi la boucle.
Ce gang se caractérise par le déplacement ou l’assujettissement des groupes locaux, comme l’explique Ronna Rísquez, spécialiste du crime organisé : son expansion est liée à la migration vénézuélienne, qui a touché plus de 7,7 millions de personnes déplacées de ce pays des Caraïbes.
L’Espagne abrite l’une des plus importantes communautés vénézuéliennes hors des Amériques : selon la Fondation Código Venezuela, plus de 400.000 personnes y résident et possèdent exclusivement la nationalité vénézuélienne. Si l’on inclut les personnes nées au Venezuela et possédant la double nationalité, ce chiffre dépasse les 600.000.
Selon un expert vénézuélien, le groupe est en phase d’exploration en Europe
Des chercheuses comme Carolina Sampó et Valeska Troncoso soulignent que le gang Tren de Aragua transnationalise le crime par le biais du trafic de migrants, exploitant ces filières.
Ronna Rísquez est aussi l’autrice de El Tren de Aragua : la banda que revoluciónó el crimen organizado en América Latina (Le Tren de Aragua : le gang qui a révolutionné le crime organisé en Amérique latine). Mme Rísquez affirme que l’organisation fonctionne comme un réseau de nœuds dotés de « franchises » locales, blanchissant l’argent de manière sophistiquée.
Comme le souligne le site spécialisé Insight Crime, le Tren de Aragua contrôle les territoires par la cooptation et la coercition, exerçant une forme de « gouvernance criminelle ».
Iván Simonovis, ex‑commissaire vénézuélien et expert en renseignement, cité par le LISA Institute, avertit qu’en Europe les membres sont en phase d’exploration - par l’étude des économies illicites et des alliances locales avant d’éventuelles actions violentes.
Les chercheurs espagnols analyseront les effets saisis pour identifier d’autres membres. Parallèlement, le groupe spécialisé de la Police nationale reste vigilant, explorant des ramifications internationales susceptibles de s’étendre à l’Italie ou au Portugal.

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